"Where is my fucking TEMPO ?"
C'est avec entrain et impatience que je me suis rendu aujourd'hui au cinéma pour voir Whiplash, premier film de Damien Chazelle. En effet, voyant sa note atteindre des sommets ainsi que 90% de mes éclaireurs le portant sur un piédestal, ma curiosité a rapidement été piqué. Je m'y suis donc rendu dès que j'ai pu... Andy Neiman, un jeune batteur souhaitant faire de la musique son métier, étudie dans une fac prestigieuse en attendant qu'on le remarque. Ce qui arrive bientôt puisqu'il est pris par Terence Fletcher, un professeur renommé, qui va lui donner les moyens de réaliser ses projets.
Mais le propre de ce film, ce qui le démarque, c'est en quelque sorte la manière d'enseigner quelque peu... militaire ? autoritaire ? nazie ? de ce Mr Terence Fletcher. Car c'est à grands coups d'insultes au moins antisémites, homophobes ou racistes que ce grand monsieur chauve dresse ses élèves, car on peut ici davantage parler de dressage que d'enseignement. On ne peut que faire l'amalgame avec un colonel qui, à l'armée, donnerait des ordres à ses soldats, notamment lors de scènes comme celle du premier cours, lorsque chaque élève regarde par terre, se tient droit, n'ose pas relever la tête et reste immobile, jusqu'à ce que Fletcher leur dise de "rompre", d'un certaine façon. Partant de ce postulat, la morale du film (si on peut appeler cela une morale) serait que la meilleure façon de tirer parti d'un élève serait de le pousser à bout, jusqu'à ce qu'il craque; ou qu'il se dépasse. On pourrait qualifier ce film de "Full Metal Jacket de la musique", mais je ne le ferai pas, pour deux raisons: d'abord parce que déjà trop de critiques lui ont donné cette étiquette, et ensuite parce que je n'ai pas vu Full Metal Jacket.
Et puis il ne faut pas omettre de dire que Whiplash, c'est aussi et surtout un duel plus qu'une relation de maître à élève: une confrontation entre deux générations, l'affirmation du jeune face à l'aîné, sous une atmosphère certes inhabituelle (la musique, qu'on ne retrouve pas souvent abordée avec un point de vue négatif), mais autant propice à la souffrance et au dépassement de soi, à l'obstination, que n'importe quel domaine (par rapport à l'obstination, on peut parler de n'importe quel Aronofsky, ou même du Prestige de Nolan, qui aborde la même thématique du duel, à travers un tout autre domaine). Les signes de cette souffrance sont d'ailleurs d'autant plus beaux qu'ils sont montrés avec soin, à travers des images belles et fortes à la fois (les cymbales pleines de sueur et de sang...). Cela, ajouté aux insultes et au caractère retors du professeur, peut rendre le film immoral, peut-être trop, mais il ne faut pas oublier que Whiplash, c'est aussi ce mélange entre la poésie des images qui en disent tellement sur le dépassement de soi, et cette dureté caractérisée par la professeur, et qui va contaminer petit à petit le jeune batteur. Enfin, je signalerai pour conclure la prestation plus que bonne des deux personnages principaux: un Miles Teller brillant en Andy Neiman qui se bat pour ce qu'il veut, et un J.K. Simmons excellent en professeur tyrannique. Un film à ne pas louper, donc, et l'une des meilleures perles de 2014.