Je devrais sans doute retomber un peu avant d'écrire quoi que ce soit, pour structurer mes pensées et mon ressenti, mais tant pis, je n'ai pas envie d’attendre, Whiplash est une oeuvre qui ne donne pas à attendre. Tout d'abord, je voudrais préciser que je ne suis pas une inconditionnelle de jazz, c'est une musique que j'aime mais dont je suis très loin de connaitre les complexes subtilités. Je dis cela pour ceux qui n’aiment pas le jazz, et je leur dis aussi ceci : on s'en fout ! Oui on s'en fiche, au fond ce film serait aussi réussi avec du rock, du classique ou même de la peinture ! N'importe quel art ... n'importe quel art du moment qu'il est passion, obsession, génie, furie, grandiloquence et absolutisme.

Parce que c'est tout ça, Whiplash, d'abord une atmosphère lourde, étouffante, saturée d'ocre, de jaune et de cuivré. Une poisseur collante et des silences qui crient. Deux acteurs enflammés, qui n'ont pour une fois pas besoin d'être beaux, et qui sentent qu'il leur faut tout donner pour donner vie à leus personnages.
Le prof et l'élève, le pygmalion et le surdoué, bien sûr tout cela à déjà été traité. Mais ici le prof est barje, pervers, castrateur, secoué, méchant, vicieux et halluciné, mais l'élève de même. Car sous des allures de niais et de gamin tout mou, il y a un jeune homme complétement dérangé, compulsif, obsessionnel, persuadé qu'il est destiné à être "un grand". Peut être a t il raison, ou peut être tort, mais dans sa folie il n'y a plus de limites pour créer le destin qu'il croit être le sien. Il entre dans une course à la perfection, au coeur d'une course au fanatisme avec ce mentor qu'il déteste autant qu'on peut aimer. Et tout au long du film, les personnages s'intensifient et gagnent en profondeur, ils sont de plus en plus vils et névrosés.

Alors bien sûr ça monte, ça chauffe, ça surchauffe ... tout va plus vite, plus fort, plus mal ! Dans le sang, et dans la sueur, chacun pousse sa folie jusqu'à son paroxysme et jusqu'à l'inévitable explosion.
Whiplash est brutal, souvent même malsain, le film excite, il mets mal à l'aise et fascine tout en même temps. Sans femme, sans couple et sans romance il est pourtant fortement sexuel, il est jouissif dans son intensité et ce, presque au sens propre du terme, on y retrouve ce crescendo, cette déraison, cette perte de repère et cette libération qui fait trembler le corps et l'esprit.

Certains diront que c'est facile, d'autres que c'est trop, que c'est surjoué, ou trop appuyé. Oui c'est souvent presque caricatural. C'est insistant et c'est répétitif. Mais c'est ça qui fonctionne ! Pour plonger dans l'obsession, pour plonger dans la folie ne faut il pas en faire justement ... trop ? D'autant que la réalisation, la photo et l'écriture sont fichtrement bonnes et portent parfaitement le duo. Il n'y a pas de morale facile ici, on est bien loin des redondances habituelles de ce genre de film sur le dépassement de soi etc .... Ce n'est pas une oeuvre qu'il faut intellectualiser, pour moi l'auteur essaie de montrer que la musique est avant tout physique, que la perfection d'une interprétation ne tient pas à une logique ou à une partition. Il montre jusqu'où on peut aller, il nous montre la complexité des sentiments entre ces deux hommes. Finalement, Fletcher est il vraiment un salaud ? Andrew est il vraiment doué ? Faut il en arriver là pour être bon ? Qu'est ce que c'est, avoir du talent ?

Si certains se coupent l'oreille, si d'autres composent en étant sourd, c'est bien bien que l'Art véritable ne répond pas à la raison. Damien Chazelle nous offre un film magistral et virtuose, et personnellement, à la fin, mes mains tremblaient vraiment .... pas vous ?
Céline_Panzolini
10

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le 11 févr. 2015

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