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La pire souffrance de l'âme est le froid

Gregg Araki est un de mes réalisateurs préférés, et j’ai attendu White Bird avec pas mal d’impatience ! Donc pour la neutralité ou une éventuelle objectivité, il faudra repasser plus tard. Araki est un réalisateur qui peut diviser, avec des histoires en apparence légères et frivoles qui cachent souvent une problématique bien plus sombre…Son esthétique léchée, ses excès surréalistes et aussi (et surtout peut-être) ses bandes-sons traduisent avec nuances à la fois l’exubérance et le spleen de l’adolescence, âge de tout les possibles. Une sorte de Larry Clark sous hallucinogène, ou un Todd Sollondz en moins nihiliste.
Avec Kaboom, sorti il y a quelques années maintenant, Araki regardait en arrière vers ses films les plus barjots, avec comme autoréférence la plus visible et avouée Nowhere (son meilleur film selon moi). C’était bien barré et gentiment potache. White Bird me laissait curieux de savoir dans quelle veine Araki allait s’inscrire après sa dernière récréation. Repartir vers le surréalisme, opter pour un virage mature…ou pire, mettre de l’eau dans son vin et se « vendre » ? Je peux dire avec satisfaction que c’est la deuxième option qu’il a prise. Même s'il ne faut peut-être pas tout ranger dans des cases, je dirais White bird est le successeur de Mysterious skin (son deuxième meilleur film). Tout comme dans Mysterious skin, Araki aborde par son style qui fait primer la subjectivité de ses personnages sur tout le reste un sujet très noir et dramatique : un fait divers.
White bird est l’histoire de Kat, en tant que nous la suivons, mais aussi en tant que c’est elle qui nous raconte son histoire, sous la forme d’une confession proche du journal intime.
En 1988, du haut de ses 17 ans, Kat, fille unique d’un couple typique de la middle-class américaine, perd sa mère, qui quitte le logis familial du jour au lendemain. Avec son père elle tente de retrouver la disparue, sans succès. Rapidement Kat se fait une raison de cette disparition, qui est la conséquence logique d’une vie familiale médiocre. Mais bien qu’elle arrive à refaire sa vie, une question, lancinante, l’empêche de définitivement avancer : où sa mère est-elle partie ?
Araki est un esthète. Il signe souvent la propre photographie de ses films, où les couleurs et l’apparence de ses personnages s’uniformisent pour donner l’impression d’un monde agencé suivant un même « trip ». Mais c’est aussi un excellent narrateur. Dans White Bird, il joue brillamment des sauts temporels. La confession de Kat fait coexister au sein du film de multiples temporalités qui font progresser le récit de façon non-linéaire (l’enfance, la vie juste avant la disparition de sa mère, la vie juste après, le monde du rêve, la vie deux ans plus tard). Araki a aussi la malice d’inclure des scènes qui surpassent le point de vue de Kat, et qui nous enveloppent un peu plus dans le mystère de la disparition de la mère (incarnée de façon très « actor’s studio » par Eva Green).
Le film peut laisser une impression mitigée, du genre "tout ça pour ça?" qui tient pourtant selon moi à l’essence du style d’Araki. En effet, cinéaste de l’adolescence, Araki en épouse le point de vue, et impose un faux rythme, un décalage entre les actions et l’intrigue générale qui tient le film (de même qu’un adolescent peut se sentir « à côté » de tout ce qui passe durant cette tranche d’âge – ça sonne un peu cliché mais bon...). Donc, sans dénaturer l’histoire, si on veut de la révélation, du rebondissement, voir du plan machiavélique, je conseille plutôt Gone Girl, sorti en même temps, qui sur le thème de la disparition joue sur un toute autre registre.
White Bird ramène l’exigence du drame à l’échelle de celui qui le vit, de façon assez poétique. Kat, durant une séance chez sa psy, nous dis quelque chose comme : « la psy est en train de jouer le rôle de la psy, et moi de jouer mon propre rôle, et je suis une mauvaise actrice. » Cela résume bien l’ensemble du film. Kat ne croit pas vivre de drame. Son inadaptation, sa croyance dans une vie monotone et sans éclat et dans la personnalité hors norme de sa mère, est ce qui l’empêche de voir la noirceur de la réalité...
Moonki
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le 25 oct. 2014

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Moonki

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