Putains de clébards, jamais pu les piffer

White God - White Dog. Le film hongrois est une sorte de variation sur celui, autrement meilleur (autant balancer la couleur de suite) de Samuel Fuller. Même sujet : le conditionnement et la haine, à travers le prisme désabusé et cynique du chien dressé. Dans White Dog, l'intelligence de Fuller, c'était d'omettre complètement le passage du dressage, évitant ainsi tout voyeurisme et réduisant la haine à une simple maladie. C'était la pure thérapie du racisme ordinaire, qui s'épuisait dans une conclusion glaçante.

Dans White God, il y a d'abord le péché de l'exhaustivité. C'est-à-dire que Kornel Mundruczó cherche constamment le pot-pourri, voulant développer tout et n'importe quoi sur la même échelle et avec la même mise en scène paresseuse type caméra à l'épaule bien nerveuse : récit initiatique du passage à l'âge adulte de la gamine, dressage ultraviolent du chien, révolte fomenté dans l'os et dans le sang ... Le problème, c'est qu'à force de vouloir trop dire, Mundruczo finit précisément par ne plus rien dire, condamné à esquisser son sujet au lieu de le construire.

Le découpage est détestable, mixant aléatoirement point de vue de la jeune fille, et difficultés relationnelles déjà vues et clichées, et point de vue du chien dressé pour tuer. L'occasion pour Mundruczo de foutre toute la subtilité au placard, et de pondre des séquences mélo-canins ultra lourdingues et manichéennes qui confrontent gentils toutous et méchants humains, sans la moindre ambiguïté. C'est pas grave, Mundruczo, il s'en carre de ses personnages, pas besoin de leur donner la moindre consistance, allez hop hop au suivant.

Et y a un moment où c'est aussi le problème du film, c'est que son ambition excessive et démesurée finit par se plier aux exigences du récit binaire basique, bons contre méchants. Rien de plus qu'un vigilante purulent avec des clébards, mais avec la prétention du film politique sélectionné à Cannes attention. Parce que oui, en creux, tu la sens bien la symbolique de comptoir, chiens = minorités ethniques, tu le sens bien le propos social massif amené avec la grâce d'un pachyderme ... Et cela conduit le film à faire dans la performance, et dans l'épate assurée, gros ralentis, gros plans, grosses scènes, grosse ambition, gros message.

Jusqu'à la nausée.
Nwazayte
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le 22 déc. 2014

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Nwazayte

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