J’ai toujours pensé que Mean Streets était le premier coup de maître de Scorsese, son premier film-phare réunissant les thématiques au centre de son cinéma : la famille, la délinquance, la religion, les relations hommes/femmes ou encore la place de la musique dans la mise en scène. Maintenant que j’ai vu Who’s that knocking at my door, je peux désormais dire sans honte, tel un hipster fier d’avoir découvert le vrai sens d’une œuvre, que Mean Streets est en fait trop mainstream, surestimé et que le vrai premier grand film de Marty est celui-ci.


(je le pense en plus, j’ai mis 4 à Mean Streets)


Long-métrage de fin d’étude, Who’s that knocking at my door est filmé comme un film de la Nouvelle Vague et fonctionne assez comme tel : Scorsese filme en noir et blanc dans les quartiers où il a vécu, allant jusqu’à mettre en scène pour la première fois (mais pas la dernière) sa propre mère. Avec eu de personnages, des décors épurés et montage innovant, il met en scène des bouts de vie de J.R., petit malfrat rêveur interprété par le jeune (et plutôt beau gosse faut bien avouer) Harvey Keitel.


Si on remarque déjà les thèmes forts de ses prochains films et son goût pour une mise en scène musicale, ce qui m’a énormément frappé – et ce notamment parce que je ne l’ai jamais retrouvé dans ses autres films – c’est la dimension expérimentale très présente du film. Il n’y a qu’à voir ce que fait Scorsese des scènes érotiques commandées par son producteur à l’époque pour s’en convaincre, profitant de la fougue sexuelle du personnage pour le présenter comme une figure christique. Encore mieux, il use déjà merveilleusement bien des travellings, donnant à la séquence une folie passionnelle absolument sublime accentuée par la musique des Doors.


Plus tard dans le film, il utilise à nouveau le son dans une visée expérimentale, profitant d’une musique cubaine entraînante mais répétitive pour remonter plusieurs fois à la suite le même plan, le même geste. Parfois, des gros plans surviennent à l’écran sans crier gare, des sons aussi, perturbent la continuité filmique du récit pour mieux le dynamiter. Ce genre d’utilisation du langage filmique se fera plus rare dans ses autres films, à regret pour ma part, néanmoins on pourra sentir parfois ce même désir d’esthétique brute, comme dans un combat de Raging Bull monté à la manière de la scène de douche dans Psychose.


Who’s that knocking at my door paraît à première vue fauché et mineur dans la filmographie du cinéaste, mais Martin Scorsese livre finalement dès son premier film une œuvre percutante et surtout incroyablement attachante, par son portrait de personnage que l’on devine à moitié autobiographique et son esthétique virevoltante. Un film assurément à découvrir donc.

Créée

le 3 nov. 2015

Critique lue 756 fois

15 j'aime

6 commentaires

Antofisherb

Écrit par

Critique lue 756 fois

15
6

D'autres avis sur Who's That Knocking at My Door ?

Who's That Knocking at My Door ?
Clode
7

Une jeunesse à New-York

Who's that knocking at my door ? a de cela remarquable qu'il ne commence jamais vraiment, et qu'il ne se termine pas tellement non plus. Vous me ferez remarquer qu'il doit bien nécessairement...

le 11 nov. 2015

25 j'aime

1

Who's That Knocking at My Door ?
Antofisherb
8

Mine triste

J’ai toujours pensé que Mean Streets était le premier coup de maître de Scorsese, son premier film-phare réunissant les thématiques au centre de son cinéma : la famille, la délinquance, la religion,...

le 3 nov. 2015

15 j'aime

6

Who's That Knocking at My Door ?
Lunette
10

L'annonciation du grand Scorsese

Who's that knocking at my door annonce tout du devenir de Scorsese. Who's that knocking at my door brûle, intensément, par chaque plans, chaque parcelles de visages, chaque ralentis, annonçant ce qui...

le 22 févr. 2015

11 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Antofisherb
7

Red Rock Redemption

Edit : publiée à l'origine en 2015, cette critique correspond à mon avis de l'époque c'est-à-dire à une note de 4/10. Je l'ai revu une seconde fois en 2020, et depuis ma note est passée à 7. Je...

le 9 janv. 2016

129 j'aime

22

Victoria
Antofisherb
8

A bout de vie

Mon amour du plan-séquence ne date pas d'hier. Souvent virtuose, toujours impressionnant, c'est parmi ce que je trouve de plus beau au cinéma, par sa technique démonstrative certes mais surtout pour...

le 4 juil. 2015

79 j'aime

15

The Square
Antofisherb
8

Pour une défense de la Palme d'Or

Dimanche dernier, la prestigieuse Palme d’Or du Festival de Cannes a été délivrée à The Square, du suédois Ruben Östlund. Un film adoré par les uns et conspué par les autres, comme rarement une Palme...

le 30 mai 2017

64 j'aime

10