Dans l’écrin chromatique du pays d’Oz, Wicked déploie un tableau où le familier et la ré-inventivité se répondent. Les palais scintillent d’émeraude, les prairies s'étendent, et les costumes confèrent à chaque personnage une aura féerique. La photographie, minutieuse, sublime ce monde en capturant les textures du merveilleux. Pourtant, l’extérieur, cette grandeur colorée et majestueuse, reste en retrait, comme une promesse d’espace jamais totalement offerte.
Quant à la narration, c’est dans le lien complexe entre Elphaba et Glinda que le film trouve son souffle. L'une, tragique et marginalisée, l'autre, frivole et mondaine. À travers elles, le spectateur est invité à réévaluer les dynamiques de pouvoir, à questionner les récits dominants qui transforment les dissidents en monstres.
Cependant, ces personnages, bien que porteurs de complexité, frôlent la caricature, tandis que les secondaires restent à peine esquissés, leurs arcs narratifs se diluant dans la grandeur du tout.
Quant à certaines thématiques, comme la lutte pour les droits des animaux, sont à peine effleurées, perdant une occasion d’enrichir la portée politique du film.
Les chorégraphies généreuses et une partition musicale festive insufflent à Wicked une énergie indéniable, célébrant l’univers d’Oz. La caméra, attentive révèle toute la créativité. Mais cette virtuosité visuelle peine parfois à masquer des déséquilibres narratifs.
Là où Wicked brille, c’est dans sa manière de réinterpréter les symboles iconiques du Magicien d’Oz. Les balais, les souliers rouges, et même la cité d’Émeraude deviennent des objets porteurs d’une mémoire collective recontextualisée. Ce travail de déconstruction enrichit l’univers d’Oz, transformant des éléments familiers en supports de réflexion sur le pouvoir des récits, leur fabrication et leur manipulation.
Si le film s’achève sur une note incomplète, laissant le spectateur en attente, il ne perd pas son impact émotionnel. En faisant des méchants d’hier les héros d’aujourd’hui, Wicked nous pousse à reconsidérer nos jugements, à voir au-delà de l’apparence, et à comprendre que chaque vérité porte en elle une construction sociale. Comme les habitants d’Oz, nous découvrons que notre vision du monde n’est qu’un mensonge soigneusement entretenu