Winnie l'Ourson version Slasher. Si vous avez dépassé les 12 ans, vous comprendrez que cet assemblage d'une licence enfantine avec un sous-genre horrifique à peine digne d'une obscure et très mauvaise creepy-pasta de 2013 sortie d'un tout aussi obscur forum dédié à l'horreur pour ados ne pouvait que donner de la merde.
Parce que non, le film n'a rien pour lui. Ma foi, si le réalisateur veut faire un film d'horreur sur Winnie et ses amis, à la limite pourquoi pas. A condition d'en faire un vrai film avec un minimum de boulot.
Je passerai outre le jeu des comédiens qui a dû passer sous les roues juste avant la tête de l'une des héroïnes. Je ne dirai pas grand chose de la lumière si ce n'est que même un aveugle trouverait ça abusé. Par charité chrétienne (et venant d'un athée ça veut dire beaucoup de contrition), je ne reprocherai pas au film de ne pas exploiter plus que ça ses décors, que ce soit la maison, la forêt ou le repaire des méchants qui n'ont aucune spatialisation, qui sont juste des arrière-plans mais ne sont jamais travaillés comme des lieux où doit se dérouler l'action et qui nécessitent donc un travail de mise en scène, car ça serait croire que le réalisateur a des notions basiques de story-telling et je ne peux me permettre trop de flatteries à son égard sans le connaître.
Ce qui frappe déjà avec ce film, c'est son histoire profondément incohérente. Certes un domaine sur lequel on n'attend pas forcément un slasher, mais qui ici atteint un tel niveau de je-m’en-foutisme que c'en devient inquiétant. Dès la scène d'introduction "animée" (j'ai vu des diapositives mieux faites dans des vidéos Youtube de True Crimes...), on nous dit que les habitants de la Forêt des Rêves Bleus ont connu la famine suite au départ de Jean-Christophe. Sauf que quand l'histoire démarre, la forêt en question est florissante et on réalise qu'elle n'est pas loin de zones d'habitation. Pourquoi ne sont-ils pas partis ? Pourquoi n'ont-ils pas cherché eux-mêmes de la nourriture sachant que ce sont censés être des animaux et donc des être dotés de réflexes de survie plus affutés que les humains ? "On s'en branle, y vont bouffer Bourriquet !", répondrait sans doute M. Frake-Waterfield entre deux gorgées de cuba-libre.
Pourquoi d'ailleurs Winnie et Porcinet se mettent à attaquer la maison où se trouve le groupe de filles du métrage ? Chais pas, elles n'ont aucun rapport avec eux, on ne comprend d'ailleurs même pas où est située géographiquement la maison par rapport à la forêt où ils vivent.
De la même façon, on nous dit que suite à leur expérience traumatique, les petits animaux ont renoncé à leur humanité. Soit. Donc je suppose que porter des vêtements, habiter une cabane, dormir dans des lits, savoir utiliser des outils et conduire des voitures et avoir l’électricité sont devenues des mœurs courantes parmi la faune d'Angleterre. Prévenons les zoologues, ils seront ravis du doigt d'honneur qu'on leur tend.
Ce même geste obscène sera d'ailleurs régulièrement adressé à tous les spectateurs sur un autre terrain, à savoir celui des scènes de meurtres, élément hautement important de tout film Slasher qui se respecte. Ai-je besoin d'expliquer qu'elles sont toutes nulles et filmées avec le cul, c'est à dire très précisément avec une caméra enfoncée dans le cul de celui qui filme et qui j'espère a eu au moins la crème à volonté sur le tournage ?
Avez-vous besoin de moi pour voir que ces scènes sont au mieux très mal cadrées, au pire filmées tellement en retrait qu'on finit par ne plus rien voir de graphique à l'écran ? Je me doute que c'est une question de budget, mais dans ce cas-là inutile de compenser avec des effets numériques atroces. Et quand tu arrives à faire en sorte que le spectateur ait plus peur d'effets spéciaux moches que de la violence, c'est que clairement tu ne te tiens pas du bon côté du cinéma ou que le cinéma a choisi de te détester. Dans tous les cas, sache que lui rendre sa haine n'est pas un bon état d'esprit pour faire un film...
Et je sais qu'avoir des victimes de Slashers qui ont 2 neurones est une ficelle narrative classique et innocente pour justifier qu'elles se fassent piéger et assassiner à cause de leur propre stupidité, mais pour la scène du bassin, je ne peux rien faire. A nouveau une scène filmée n'importe comment et qui dure beaucoup trop longtemps pour qu'on puisse se retenir de crier devant notre écran à la victime "Sors de l'eau, espèce de débile !!"
Et justement, si Frake-Waterfield prouve régulièrement avec ce film qu'il est fâché avec le cinéma, il nous prouve avec sa (non-)gestion du montage qu'il est aussi fâché avec le temps. C'est un homme plein d'amertume. Ses scènes de meurtres sont rendues d'autant plus insatisfaisantes pour le spectateur en quête de violence qu'elles s'étirent pendant des plombes. Je reviens une dernière fois sur la fameuse scène de la fille et de la voiture. Elle est précédée d'une trooooooop longue scène de suspense où la fille se prélasse dans un jacuzzi en bikini, qui dure des plombes car le réalisateur, visiblement de l'école Luc Besson (dont le seul enseignement est "Je bande pour cette nana et je profite de la caméra pour la mater, mais pour que ça se voie pas trop je fais passer ça pour de l'art", validé par tous les incels de Trouducul-sur-Oise), s'attarde de loooongues minutes sur la plastique de la demoiselle, puis étire inutilement le suspense jusqu'au moment où elle se fait attraper par nos deux psychopathes. Et quand on croit effleurer du doigt la douce délivrance de la scène gore avec la mise en place de la voiture et de la fille attachée, le réalisateur outrepasse notre consentement en nous insérant encore de trop longues dizaines de secondes de champs-contrechamps sur la fille et les tueurs, comme ça si à ce stade les neurones du spectateur n'ont pas tous fondu, il pourra bien suivre et comprendre ce qu'il se passe. C'est important de délivrer toutes les informations pour que le film puisse passer la barre des 1h20 alors qu'avec un montage normal il durerait moins de 40 minutes et serait impossible à diffuser en salle. Quelle terrible perte ce serait...
C'est vraiment le plus terrible avec ce film, le fait que le réalisateur se et s'en branle. "Se", on a déjà vu pourquoi et franchement il pourrait se retenir de faire ça le petit dégueulasse; "s'en" car il est évident que personne devant et derrière la caméra n'en a rien à battre de ce film. Des projets opportunistes, le cinéma d'horreur en compte littéralement des milliers, c'est évident. Mais c'est l'une des premières fois où je vois un réalisateur qui se gargarise de son opportunisme. Il n'essaye à aucun moment de nous faire croire qu'il croit en son projet, il ne veut rien exprimer avec sa caméra si ce n'est un profond mépris pour son public. Il s'en fout et il ne s'en cache même pas. Entre le début du film qui pose les bases d'un mythologie en carton digne d'une creepy-pasta de merde et la fin qui s'arrête en plein milieu d'une scène sans raison, il ne s'est rien passé d'intéressant. Il y a eu des morts pourries, des scènes sanglantes mal fichues, suffisamment d'imprécisions géographiques pour envoyer un joueur de GeoGuessr à l'asile pour 10 ans, mais il n'y a pas eu d'histoire, il n'y a pas eu de travail de la caméra ou de la lumière, il n'y a eu qu'un immense vide vaguement teinté de rouge. Et le réalisateur s'en cogne. Il n'est pas là pour filmer ou pour raconter une histoire, il est là pour qu'on paye notre billet et il lui suffisait de trouver un sujet capable de générer un buzz, si mauvais soit-il, pour attirer notre attention. Il a réussi.
M. Frake-Waterfield, je ne sais pas ce que vous réserve l'avenir mais j'espère qu'il comportera beaucoup d'embûches et bien moins de caméras.