La guerre des mondes...
...ou la rencontre violente entre deux mondes, que tout oppose.
Un enfant est témoin d'un meurtre crapuleux. Il représente à la fois l'oeil innocent d'un assassinat sordide, mais aussi le voyeur angélique et naïf d'un acte criminel relevant du monde adulte, sphère hostile à laquelle il n'appartient pas (encore), pourtant dotée de bonnes intentions, à l'image de cette scène où il s'échappe des bras protecteurs de John Book pour parcourir tout le commissariat et se laisser aller au gré de ses pas, au hasard des sollicitations, qu'elles soient bienveillantes ou intimidantes. Que voit alors l'enfant ? Un monde trop haut, où les têtes des corps adultes en mouvement sont invisibles, inaccessibles, à une altitude trop élevée.
L'affaire de policiers corrompus qui se dévoile alors ne sert que de prétexte à Weir pour immerger des personnages dans des mondes qui leurs sont hostiles. Le film n'est finalement que l'entrevue maladroite de deux sociétés radicalement divergentes, la confrontation malsaine de deux sphères ethniques antagonistes.
Weir développe intelligemment sont scénario, sans faire de concessions, alors que bien des réalisateurs d'aujourd'hui auraient baissé leur froc et auraient vu toute une communauté Amish se regrouper derrière un flic pour défendre leurs biens par le biais de la violence, au risque de déroger à leurs principes, ce qui aurait été bien évidemment le prétexte à de nombreuses scènes d'action et à un déluge de bons sentiments patriotes.
Tous les sous-thèmes renvoient à cette évidence ; chacun son monde. Le flirt de deux des personnages principaux n'est là que pour rappeler la dure et brutale loi des hommes sur celle de la nature, leur amour est impossible car leur culture et leur groupe d'appartenance respectifs n'ont rien à voir entre eux. Une paternité de substitution ne peut s'épanouir pleinement. John Book pourrait remplacer cet homme disparu, à la fois aimant et père, mais la communauté Amish ne « peut » l'accepter (je n'ai pas dit « ne veut pas »).
Et quand bien même cet homme peut s'avérer fort bien utile en tant que menuisier pour la construction d'une grange, pour ce travail d'entraide communautaire constituant à la fois une valeur et une culture quasi archaïques que son monde individualiste l'aura aidé depuis longtemps à oublier, le fin mot de l'histoire, cruel, est proféré par un grand-père qui rappelle cette vérité, évidente depuis longtemps, qui transcende le film et scelle accessoirement le sort du héros : « ...ce n'est pas son monde. Il doit partir. »