Le "e" confondu avec le "a" du titre donne des indices sur ce que sera le film, c'est-à-dire un portrait pluriel des femmes et de la Femme.
2000 portraits, forcément fugaces, chaque femme ayant d'ailleurs son pendant. On retrouvera, entre beaucoup d'autres, celles qui naissent mères dans l'âme et celles qui ne veulent pas d'enfant, celles qui veulent avorter mais à qui c'est interdit et celles qui ne le veulent pas même si elles en ont le droit, celles qui aiment les hommes et celles qui aiment les femmes, celles qui sont vieilles et celles qui sont jeunes, celles qui sont maigres et celles qui sont grosses, celles qui aiment leur mari et celles dont le mari les violente, celles qui jouissent et celles qu'on a privées de ce plaisir, celles qui se battent et celles qu'on bat.
Le film, massif dans son ambition se révèle pourtant très équilibré, toujours lisible, grâce à sa construction en chapitres qui ne se disent pas, navigant de thèmes en thèmes avec aisance. Equilibré il l'est aussi dans les émotions qu'il convoque, autant grave et tragique que léger et drôle, autant beau dans ses scènes en apesanteur que trivial dans la description du quotidien, n'allant jamais trop ni dans le pathos, ni dans la revendication, mais n'étant jamais ni trop léger ni trop en surface.
Ce sens de la mesure habile plaira à tous, et c'est bien là la patte Yann Arthus-Bertrand, que l'on retrouve depuis son très connu Home, et Anastasia Mikova, sa collaboratrice de longue date qui avait déjà signé avec lui Human en 2015.
Dans la douceur des portraits, leur pudeur, la manière dont ces femmes se livrent avec franchise et émotion, on sent tout l'incroyable travail de mise en confiance qui a été réalisé pour arriver à condenser des entretiens de plusieurs heures de ces 2000 femmes en ce film d'une durée habituelle.
Les deux réalisateurs démontrent également que la manière de montrer influence toujours la manière de regarder, et peut toujours désamorcer de tout potentiel agressif et jugeur le regard qu'on posera.
On pourra néanmoins regretter la durée très frustrante de cette œuvre qui passe finalement bien rapidement sur chacune des femmes qu'il nous présente, s'attachant particulièrement (et c'est surement son objectif) à ne pas en faire sortir une plus qu'une autre (bien qu'il soit finalement impossible pour le spectateur d'en retenir aucune comme de les retenir toutes, certaines histoires, certains visages restant forcément plus en mémoire que d'autres). On pourra également regretter une vision de la femme comme victime qui parfois prend trop le dessus, ou qui à l'inverse, n'a pas assez de place parmi cette masse de sujets (le film aurait peut-être gagné à être plus focalisé, se perdant peut-être parfois dans sa volonté de brasser trop de sujets en si peu de temps). On pourra aussi s'étonner que, bien qu'anonymisées, certaines femmes "guests" se glissent parmi le lot d'anonymes. On pourra enfin, et surtout, regretter le soutien financier (bien mis en avant) de sociétés comme LVMH, Total, BNP Paribas ou encore Bouygues qui, chacune à leur façon, agissent quotidiennement pour l'écrasement des femmes et la perpétuation d'un modèle capitaliste qui ne fait qu'entretenir le patriarcat et les inégalités sexuelle et culturelle.
Mais on retiendra ce très beau documentaire, l'émotion permanente et régulièrement déchirante qu'il crée, et l'on appréciera qu'à travers cette série de portrait de femmes les réalisateurs fassent aussi en filigrane celui du monde, en tendant au spectateur un miroir tout autant qu'en ouvrant une fenêtre devant ses yeux, et cela notamment grâce à l'habile universalisation et l'anonymisation des femmes, sans que jamais cela ne verse pour autant vers un gommage des cultures, des pratiques, des origines (par la langue, les couleurs de peau, les faciès, les habits et accessoires).