Le film s'ouvre sur une mise au point dégueulasse, suivi quelques temps après par un long plan d'ensemble qui tremble avec des textes censés bouger avec le plan - sauf que le tracking est ignoble, après quoi on a un pano tout aussi moche à la mise au point approximative. Un peu plus loin on a droit à 75 plans sur un vélo qui roule, ça sert à rien et en plus le monteur a trouvé le moyen de garder celui où c'est flou putain
Bon voilà juste ça c'est ce que je reprocherais à Woman at War. Une fois passées les premières minutes le film devient enfin techniquement acceptable, et même très joli en fait.
La mise en scène est un peu déroutante au premier abord : généralement des travellings/panoramiques assez longs qui démarrent sur Halla (l'héroïne) puis se terminent sur les musiciens qui jouent l'OST du film en live devant la caméra, et incarnent les pensées du personnages à l'écran - et ça tombe bien, elle est musicienne ! Cohérence vous dis-je. On notera aussi que les deux groupes de musiciens symbolisent pour l'un sa combativité d'activiste et pour l'autre sa maternité à venir, qui viennent à se conjoindre au fur et à mesure de l'avancée du film. Mais les musiciens viennent à disparaître pour ne laisser que la beauté froide des paysages dans cette sublime séquence où l'héroïne doit faire exploser un pylône au C4 et survivre pendant 2 jours en pleine nature sans se faire repérer. Les longs plans et le montage alterné avec la vue du drone, les bruits d'hélicoptère et la perte progressive des recours de l'héroïne donnent une tension palpable.
L'écriture du film est vraiment en béton armé, tous les éléments scénaristiques sont introduits en prenant leur temps pour éclater au bon moment, et surtout c'est super d'avoir un personnage principal intelligent, qui s'arme comme il faut face aux situations : parcourant les landes Islandaises, tentant d'échapper à l'armée qui la traque dans des images rappelant les films de guerre (tiens c'est marrant c'est dans le titre), notre activiste écolo déborde d'inventivité pour s'en sortir et c'est jouissif, la tension marche parce qu'on sait que le personnage fait tout ce qu'il y a de plus intelligent pour s'en sortir et que c'est quand même la galère (contrairement à un grand nombre de films où ce sont les conneries des personnages qui créent les enjeux).
Et autant qu'intelligents, les personnages sont intelligemment écrits : le contraste entre les sœurs jumelles, leur passé subtilement glissé au détour d'une conversation, le ministre agent double qui est obligé de prendre un traitement tant il est sous pression et le campagnard généreux et compréhensif : tout le monde est profondément humain, avec quand même un léger moins pour le fermier niveau développement, compensé par la sympathie du personnage.
Ce qui est le mieux foutu dans le message du film c'est le traitement des médias : le manière dont ils déforment le propos l'activiste est extrêmement réaliste. Cela mêlé à un peu de réseaux sociaux, d'armées ultramodernes, de multinationales sans scrupules et d'après-guerre en Ukraine, le film nous dépayse en se déroulant en Islande et pourtant est extrêmement représentatif de nous, de notre époque et société.
C'est un film fort et frais qui touche juste où il faut, et ça fait beaucoup de bien.