La mélancolie cachée derrière la Grande Roue

Wonder Wheel, 47ème long-métrage du grand conteur d'histoire Woody Allen, s'inscrit dans la pure tradition des intrigues mélodramatique théâtrales aux personnages complexes et tourmentés, jamais stéréotypés. Le cadre de ce parc d'attractions de Coney Island à New York est fascinant dans sa reproduction visuelle, à la fois coloré, bondé, bruyant et hypnotisant, mais aussi dans sa contradiction à l'intensité des sentiments des personnages, notamment celui interprété par Kate Winslet qui étouffe et qui est sans cesse dépassée par les événements, que ce soit avec son fils pyromane ou dans sa vie sentimentale. Le jeu subtil avec ses lumières de fête foraine d'antan (magnifique lumières de Vittorio Storaro) reflétées sur ces scènes de ménage dramatiques apporte toute l'esthétique et devient la nuance essentielle à cette intrigue simple mais néanmoins palpitante. Kate Winslet en est le coeur. A contre-emploi, elle est bluffante de complexité et de profondeur, serveuse à l'existence ratée au passé d'actrice, enchainée à sa relation avec son mari qu'elle n'aime pas, sans autorité face à son fils qu'elle ne contrôle pas, jalouse de sa belle-fille qui vient d'arriver mais aussi totalement éprise du jeune maitre-nageur. Justin Timberlake, Juno Temple et James Beluschi l'entourent avec talent ; le premier se fond totalement dans les années 50 à l'instar d'un Clark Gable, Temple est crédible et émouvante tandis que Beluschi, moins marquant, joue le mari bougre mais aimant. Digne d'une pièce de théâtre de Thechov, les dialogues sont prenant et quotidien, une voix off nous introduit dans cette histoire comme souvent dans les films du réalisateur et une touche de mélancolie vient parachever l'ambiance singulière de ce film. Il ne se passe pas grand chose mais l'intériorité de Winslet se révèle aussi imprévisible qu'une arme nucléaire et rend passionnant cette histoire d'amour tourmentée. Cette grande roue multicolore est aussi le symbole de la vie qui fuit, avec ses doutes, ses trahisons, ses rêves, sa nostalgie,... On vieillit et une rencontre nous fait ouvrir les yeux sur ce qu'on était et ce qu'on est devenu, risquant ainsi de troubler l'ordre des choses établi. La vulnérabilité de l'actrice nous questionne et nous touche, au rythme de son énergie fatiguée et désespérée. C'est du pur cinéma, l'un de mes préférés du réalisateur depuis quelques années, simple et au combien intemporel...

alsacienparisien
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2018

Créée

le 1 févr. 2018

Critique lue 335 fois

Critique lue 335 fois

D'autres avis sur Wonder Wheel

Wonder Wheel
pphf
7

Clap (clap,clap) de fin (?)

ALLEN, Woody (1935 – 2017) Cette critique, très postérieure au visionnement et au re-visionnement (très appréciés) du film est une réponse personnelle au massacre en règle auquel Wonder wheel a été...

Par

le 14 sept. 2018

29 j'aime

23

Wonder Wheel
Seemleo
4

Woody en roue libre

Wonder Wheel me fait penser à la salade verte que j'ai mangée cet après-midi : magnifique assiette à la présentation impeccable, mais goût insipide. Sans assaisonnement ni vinaigre. Woody Allen est...

le 4 févr. 2018

19 j'aime

5

Wonder Wheel
Fritz_Langueur
8

La roue de l'infortune

2017 nous avait privé de notre Woody Allen annuel ce qui est rare, 2018 aurait du nous en livrer deux, mais, compte-tenu d'un contexte sur lequel je ne veux pas m'épancher pour le moment,...

le 22 févr. 2018

19 j'aime

24

Du même critique

Un amour impossible
alsacienparisien
8

Récit romanesque d'une densité rare

Adaptation du roman phare de Christine Angot, "Un amour impossible" est un film fleuve qui retrace l'ensemble d'une vie. C'est étonnamment dense, percutant et fort. Les thématiques centrales vont au...

le 11 nov. 2018

21 j'aime

1

Normal People
alsacienparisien
9

La claque de la délicatesse

Normal People, c'est carrément le genre de série qu'on bichonne et qui fait du bien à l'âme, nous rappelant notre condition de mortel et explorant notre capacité d'aimer. Ça parait très perchée dit...

le 29 mars 2021

18 j'aime