Un pompier s'accroupit péniblement, sa combinaison tombée aux chevilles il sort son journal et commence à chier. Il est tôt, le soleil ne va pas tarder à se lever. Derrière lui, les autres pompiers le regardent, indifférents au spectacle de leur collègue en train de faire sa crotte au milieu de la route. L'image est soudainement coupée en deux ; et de droite à gauche nous avons les soldats du feu, assis près de leur camion, le pompier qui se croit aux toilettes au centre et enfin, une camionnette en feu qui se consume et apporte une lumière orangée à la scène. Quentin Dupieux nous l'a dit dans le titre : c'est faux. Le film vient de commencer et vous vous apprêtez à voir 94 minutes de faux, d’erroné. Ici, plus de mise en abyme comme Rubber, non, Mr Oizo nous lâche dans son monde, un sourire aux lèvres, un étrange regard vers l'enfer et nous murmure juste « wrong ». Dois-je parler du scénario ? Peut être, mais il est surement faux lui aussi. Un matin, Dolph, un jeune trentenaire interprété par le très bon Jack Plotnick, est réveillé par une horloge muette qui affiche fièrement 07:60. La vérité s'offre à lui : Paul, son chien, a disparu. S'ensuit une multitude de rencontres toutes plus improbables et absurdes les unes que les autres. Entre un voisin mythomane, une serveuse de pizza tarée, un jardinier (joué par Éric Judor) un peu simplet et Maitre Chang, Dolph va vivre une aventure. Juste une aventure avec des relations fausses, des situations impossibles et un chien à retrouver. Le scénario est un piège, trop difficile à raconter, pas assez existant. Le film se déroule comme une suite de situations, simplement. L'univers de Dupieux n'est pas sans rappeler celui des Monty Python où le truc le plus fou, le plus dingue ne semble bizarre qu'à une seule personne. Mais finalement, elle se dit que si tout le monde trouve ça normal, ça va devenir sa normalité. La normalité de Wrong n'est pas la notre même si on doute. Mais plus le film passe et plus l'on est persuadé que le film est faux.
Autant, rien n'est vrai dans le fond, autant la forme est encore à saluer. Dupieux reste dans une esthétique extrêmement proche de Rubber : des plans magnifiques, des couleurs sublimes et a une maitrise des champs de netteté et de flou vertigineuse. Le réalisateur à une maitrise de son outil géniale alors qu'il est en dehors des sentiers battus. Sa caméra ? Un prototype, la HD-Koi, une machine aux caractéristiques inconnues, mais selon des rumeurs, un monstre technologique. Le montage, le son comme la musique sont léchés à la perfection. Dupieux est musicien et la bande-son du film est atmosphérique et magnifique. Quant au son, il est pur et sa perception dans l'espace est vraiment bien étudiée. La forme très travaillée, sans accroc, sans défauts nous décalque et aide l'histoire à nous perdre encore plus dans les méandres de l'esprit de Dupieux. Ce n'est pas un film, c'est un voyage d'on on sort agréablement surpris d'être enjoué alors que l'on n'a rien compris. Pas de logique, on meurt, mais pas longtemps. La caméra emmène les personnages dans des décors fous ou complètement banals. Pas de transition raisonnée, pas de raison, tout est faux.
Même si j'en suis sorti avec le sentiment d'avoir passé un très bon moment, je suis obligé de reconnaître qu'il s'inscrit loin en dessous de Rubber qui avait un scénario et un propos, ce qui manque cruellement dans Wrong... Ce film n'est au final qu'une très belle fresque déjantée et amusante, mais hélas un peu trop vide. C'est dommage car le casting est bon, les acteurs talentueux, l'univers riche et la forme originale, ce film avait un grand potentiel mais restera un film simplement brillamment distrayant.