Quentin Dupieux est très fort, il a créé un humour qui n'appartient qu'à lui. Je pourrais dire que tout repose sur le mot "absurde", mais la force du réalisateur est de transcender son texte. Il a créé un véritable climat d'étrangeté, à la limite du malaise. Ça passe bien sûr par la musique et par des éléments visuels qui témoignent que l'on n'est pas dans un monde cartésien, mais on a aussi des acteurs qui sont tous sur la même longueur d'onde et s'avèrent irrésistibles. Ils ont une façon de parler qui est à la fois monocorde et douce, comme s'ils prenaient leur interlocuteur pour un imbécile mais ne voulaient pas le froisser inutilement. C'est assez indescriptible et perturbant, mais pourtant savoureux. J'ai juste un bémol pour l'accent français à couper au couteau de Eric Judor, je ne sais pas si c'est fait exprès mais j'ai eu du mal à me concentrer quand il parlait.
Malgré son MacGuffin, le film n'est pas là pour afficher une réelle histoire mais plutôt une succession de sketchs pince-sans-rire qui forment un ensemble paradoxalement bien structuré. Comme son titre le suggère, on va assister à une pelletée de situations qui vont à l'encontre du bon sens. Du moins du sens cartésien le plus communément admis, le film remettant souvent en question ce que l'on aurait tendance à définir comme illogique. C'est souvent très amusant et imaginatif, ça perturbe des fondements que l'on pensait inébranlables. Mais de temps en temps on sent poindre une certaine gratuité, comme si Quentin Dupieux pensait qu'il suffisait de montrer une situation idiote sans raison pour faire rire. Or ce qui va me plaire, même de façon inconsciente, c'est quand je sens qu'il y a une forme de logique derrière l'absurdité, même une logique basée sur un raisonnement non cartésien. Et parfois je trouvais que la gratuité l'emportait sur cette logique, remplaçant l'humour ou l'acidité des rapports humains par une certaine abstraction inutile. Le réalisateur a peut-être voulu trop en faire, mais même ces petits moments qui me laissent froid ont le mérite de justifier des scènes à venir qui fonctionneront bien mieux.
Wrong est très amusant pour qui se prête au jeu. Il profite de la patte très reconnaissable de son auteur et va au fond des choses sans vraiment faiblir, nous interrogeant toujours sur ce que l'on pense être des évidences. J'ai adoré ce ton.