Si vous lancez X avec pour seul objectif de voir quelques hectolitres de sang répandus les murs, vous pourriez bien être surpris. Dès l'ouverture, Ti West joue avec le cadre pour tromper son spectateur sur ce qu'il est en train de regarder. Une malice qui va se répéter quelques minutes plus tard quand la petite équipe embarque dans la camionnette vers le lieu de tournage, et que la caméra dévoile progressivement la zone industrielle peu engageante que les membres viennent de quitter. De temps à autre, ce sont les effets de transitions entrecoupées qui troublent la narration. Il y a encore un élément majeur dont il vaut mieux garder le secret mais vous avez compris l'idée : le film comblera comblera vos attentes sans oublier de faire entendre sa propre voix.
West connait ses classiques, il rend plusieurs hommages explicites à des films d'horreur tels que Massacre à la Tronçonneuse, Shining ou Psycho. De surcroit, le cinéaste sait ce qu'on est en droit d'exiger d'un bon slasher en bonne et due forme. Il ne lui faut pas plus de vingt minutes pour faire les présentations, caractériser ses personnages, faire souffler un doux parfum de menace et nous préparer à la tempête. L'intrigue ne chamboule en rien la routine du sous-genre, une limite qu'il est permis de déplorer car sinon X coche les cases avec beaucoup de talent. Le script s'emploie à faire cohabiter l'insolite, l'ironie et le gore et il le fait très bien. En filigrane, le script n'a pas sélectionné la fin des 70's au hasard. Bien sûr, cela le place en héritier direct des premiers slashers certifiés. Mais c'est aussi confronter une ère de libération des mœurs au temps du traditionalisme. À ceci près qu'ici, on assiste pas tant à un clash modernité/conservatisme que l'explosion du ressentiment d'une génération envers une autre. Ce qui n'empêche pas de s'interroger sur les valeurs détraquées qu'on peut aussi bien trouver chez les coupables que chez leurs supplicié.e.s. (la conclusion est claire à ce niveau).
Du reste, West a un concept accrocheur et il sait l'utiliser au mieux, ce qui se traduit dans sa manière de filmer les corps. Ils seront principalement montrés de manière naturaliste avant que la gêne s'invite au détour de la seule séquence jouant du sensuel pour carrément atteindre le sommet de l'inconfort lors d'une scène de coït mémorable. Le sel d'un bon film d'horreur réside là : nous emmener sur un terrain qu'on a pas forcément envie d'arpenter. Bonne nouvelle : la production A24 n'y va par quatre chemins. Grimaces et interjections de dégoût seront légion. Si certaines se parent d'une bonne dose de sadisme et d'humour noir, la plupart des mises à mort sont répugnantes. Les interprètes y mettent beaucoup de conviction, c'est presque un déchirement de les voir envoyés à l'abattoir. Mia Goth est parfaite dans tous les registres. Après Scream 5, la ravissante Jenna Ortega est bien partie pour rejoindre les Scream Queens. Je retiendrai également le Neo-zélandais Martin Henderson, santiags et stetson de rigueur, qui prend beaucoup de plaisir avec ce rôle de bouffon Texan.
C'est avec des films comme X qu'on mesure à quel point le slasher en a encore sous le pied, pourvu qu'on daigne s'y coller avec un minimum d'idées et de savoir-faire. Ti West a manifestement de la suite dans les idées, puisqu'un prequel devrait débouler sous peu, toujours avec Mia Goth. Espérons que ce deuxième volume trouvera sa place dans nos salles, car le premier aurait pu se tailler une solide réputation auprès des amateurs de séances chargées en sursauts et hémoglobine.