La vie super-heroïque de Bryan

Instigateur de la saga X avec le succès que l'on sait, Singer passe après 5 suites à son adaptation, 3 spin-off (Wolverine, Deadpool), une vingtaine de métrages issus de l'imagination de Stan Lee, une poignée de films estampillés DC soit de quoi étouffer le genre dans la marmite. La différence avec les réalisateurs interchangeables de produits super-héroïques c'est que Singer a une vision globale de son univers même lors de ce reboot déguisé qui voit ses personnages progressivement délaisser leurs problèmes d'intégration et leurs névroses pour un futur pop, coloré et ainsi embrasser véritablement leur condition super-héroïque. Exit donc la tonalité sombre des 1ers opus, place à du fun et à des péripéties totalement fantasques baignant non plus dans un futur proche mais dans un passé alternatif modelé par l'excellent métrage de Matthew Vaughn se déroulant dans les sixties. Si l'arc précédent conjuguait l'ambiance tourmentée des 2 premiers films avec une timeline rétro-disco délicieusement kitch et à l'ouverture d'esprit totalement raccord avec celui des comics, celui-ci arbore fièrement son côté années 80. Et donc oui; Tornade ose la coupe punk de Chris Claremont, Diablo une mèche rebelle et une veste rouge piquée à la star de l'époque Michael Jackson. Pour les incarner, Singer s'offre les petits nouveaux qui montent (Mc-Phee, Sheridan, Turner...) et balance le freluquet Oscar Isaac en bad-guy millénaire sous un look un peu particulier avec sa voix changeant au gré de ses humeurs. Un choix audacieux de ne pas céder au molosse ridicule de sa version papier, Apocalypse n'ayant jamais été gâté visuellement parlant dans les planches des X-men des années 90. Pourtant la mise-en-place du métrage frise un peu le grossier, générique d'une laideur inhabituelle, séquence d'introduction entre l'ambitieux et le désuet, retrouvailles avec un Magneto rangé et bossant à l'usine(!), présentation maladroite de certains personnages... Il faut bien une bonne demi-heure pour que le charme opère malgré deux-trois séquences assez saisissantes car l'overdose de bons sentiments de ses protagonistes frise l'indigestion. Par contre, une fois la phase de recrutement terminée, le métrage décolle pour ne plus lâcher la bride pendant le reste de la projection à grand coups de séquences jubilatoires et carrément osées (Le sauvetage de Quicksilver) ou encore de réinterprétation de certaines storylines massacrées par Gavin Hood et Brett Ratner ici retrouvant de leur superbe via un script malin. Alors certes, la nouveauté est très peu de mise dans ce 6ème opus, le réalisateur ne pensant qu'à plaire à son public de fans de la saga mais en l'état le divertissement est de qualité en offrant des scènes fantasmées où le ton abrupt interrompt subitement une ambiance décontractée, où l'intime prend la pas sur la surenchère. Un spectacle généreux bien moins biaisé et épars qu'un "Civil war" en pilotage automatique ou que le mastodonte dégonflé de Snyder. Les héros n'en sont pas encore, leur condition ne leur impose aucun cynisme et le doute est souvent de mise tout comme le questionnement de soi. De l'humain et du sens, voilà ce que devrait retrouver le genre dézingué par les pelleteuses de Disney.