X-Men: Days of Future Past par cloneweb
Onze ans. Il aura fallu onze longues années pour que Bryan Singer revienne à la franchise X-Men. Mais c’est en l’an 2000 que tout a commencé quand le réalisateur new-yorkais a sorti sur les écrans le premier film réunissant une équipe de super-héros, le premier d’une longue vague dont on n’a pas fini d’entendre parler. A l’époque déjà, le metteur en scène d’Usual Suspects livrait un film de très haute tenue, porté par un sacré casting. Toutes ces années plus tard, les premiers volets de la saga X-Men restent, avec quelques titres comme Les Indestructibles et Spider-Man 2 au Panthéon des films de super-héros.
Après des choix trop osés, comme aller travailler à la concurrence sur l’Homme d’Acier, on a vu le réalisateur revenir doucement à ses premiers amours, notamment par son apport au redémarrage de la franchise qu’est X-Men le Commencement. Pour finalement revenir aux manettes.
Sur le papier, X-Men Days of Future Past avait un coté inquiétant. Le démarrage de la promo (avec l’affreuse première bande annonce) et quelques affiches de mauvais gout ne donnait pas forcément envie d’un film qui s’annonçait complexe. Le voyage dans le temps à la sauce mutant, ça passe quand on est un lecteur de comics habitué au style mais le spectateur de cinéma est-il prêt à ce genre de bouleversement ? N’allait-on pas se retrouver avec bien trop de personnages ?
Après 2h20 les yeux rivés sur l’écran, on peut désormais le dire à haute voix : il n’y a rien à craindre de ce nouveau X-Men. Bien au contraire, en revenant aux commandes de la franchise super-héroïque à l’origine du genre à l’écran, Bryan Singer livre le film de super-héros le plus ambitieux, et le meilleur de la saga.
Le film s’ouvre dans le futur sur une vue de Central Park devenu une prison à mutants. Une voix off nous explique brièvement la situation mais tout passe par l’image : mutants et partisans sont réduits à l’emprisonnement, ceux ayant des pouvoirs à porter des colliers inhibiteurs. Les X-Men luttent pour leur survie face à une menace : les Sentinelles, des robots capables d’utiliser les pouvoirs de leurs adversaires contre eux, et de s’adapter au combat.
Après une scène d’introduction d’anthologie présentant les nouveaux venus dans l’action dont Omar Sy en Bishop (dont le rôle est réduit à un gros caméo) et Blink, une jeune femme capable d’ouvrir des portails pour se déplacer rapidement, moyen qu’elle utilise en combattant à la manière du jeu vidéo Portal, on apprend que leur fin est proche et qu’ils n’ont qu’une solution : voyager dans le temps pour changer les choses. Jusque-là, Kitty Pride avait la possibilité de renvoyer Bishop quelques heures en arrière dans le passé pour prévenir les attaques. Elle va devoir envoyer Wolverine 50 ans dans le passé, ou plutôt la conscience de ce dernier dans son jeune corps, pour changer un évènement majeur de la chronologie.
Ça parait complexe comme ça mais c’est le même principe de voyage temporel et de lignes de temps parallèles que celles développées dans Retour vers le Futur 2 avec l’année 1955 alternative : un évènement dans le passé, s’il est modifié, peut changer tout le futur. Ainsi, si Wolverine réussit, les attaques de Sentinelles n’auront pas lieu.
Ce n’est finalement compliqué que sur le papier tant les talents de conteurs de Bryan Singer rendent la chose parfaitement limpide pour le spectateur, qui se retrouve donc vers 1973, quelques années après les évènements de First Class. Sans trop en dévoiler, les choses ne se passeront pas aussi facilement que les mutants « du futur » l’espéraient de leurs congénères « passés ».
On en dira pas d’avantage sur l’histoire mais sachez qu’elle est incroyablement solide. Le film, non content d’être parfaitement rythmé, est une histoire prenante, dense et travaillée. Pour une fois que l’écriture n’est pas passée dans les mains de 36 scénaristes qui ont tous écrits des banalités, on se réjouit de voir le résultat. Simon Kinberg livre un boulot remarquable, tellement qu’on ne peut qu’être impatient de voir ce qu’il fera sur d’autres franchises par la suite. Sans incohérence ni temporelle ni d’écriture (le seul menu défaut vient du personnage de Mystique, qui parait soudainement bien fade dans les films de 2000 et 2003), Days of Future Past développe un peu plus les thèmes déjà mis en avant dans le volet précédent comme l’exclusion. Quelle est la place des mutants dans notre société et en poussant un peu plus loin la réflexion, a-t-on besoin de tuer pour trouver sa place dans le monde ?
Et d’ailleurs, de quoi est fait notre destin ? En sommes nous les maitres et pouvons nous le modifier à loisir ou sommes nous destinés à un but, quel que soit le chemin emprunté pour y parvenir ?
Toutes ces questions trouveront réponse dans les plus de deux heures d’un film porté par des acteurs en très grande forme. Michael Fassbender et James MacAvoy prennent un vrai plaisir à retrouver leurs personnages. Même Jennifer Lawrence, plutôt énervante dans First Class, trouve sa place. En réalité, chaque personne en a pour son compte. Et même si beaucoup sont réduits à des apparitions plus ou moins longues, on n’a jamais la sensation que certains sont laissés pour compte. Ils sont suffisamment bien écrits, ou ont suffisamment de bons moments pour que l’équilibre soit parfait.
Ainsi, le fameux Quicksilver tant décrié sur les réseaux sociaux à cause de son look bénéficie d’une incroyable scène -sans doute la plus impressionnante du film- dans lequel il intervient au ralenti dans une scène d’action, non sans humour. Et au delà de ce passage particulièrement réussi, Bryan Singer s’éclate avec ses personnages et leurs pouvoirs, utilisant toutes les possibilités offertes par les comics sans jamais se retenir. Imaginez que Magneto n’est plus un gamin qui se découvre ni un vieillard à bout de souffle mais quelqu’un au sommet de ses capacités et, soudain, la scène d’évasion de X-2 trouve plusieurs équivalents en terme de mise en scène.
Rythmé, dense, riche, débordant d’idées, X-Men Days of Future Past ne prend jamais le spectateur pour un idiot. Mieux, il repositionne notre échelle de valeur. Certes, on avait pris un certain plaisir devant certaines productions super-héroïques récentes -pas toutes- mais ce nouveau venu rappelle qu’on peut largement faire mieux, en étant impliqué, motivé, en s’inspirant de l’esprit des bandes dessinées. On est loin du formatage des productions des derniers Marvel Studios, on est loin des vaines tentatives de moderniser un héros pour passer à coté. On est dans un vrai film d’auteur réussi.
Ce dernier X-Men est généreux, émouvant, jouissif, intense. Et Bryan Singer a bien mérité sa place à coté des Sam Raimi, Guillermo del Toro et autres Brad Bird. En attendant son Apocalypse