Après l’excellent reboot de la saga, X-Men: First Class, aux manettes duquel Matthew Vaughn avait fait des merveilles en déjouant le piège du blockbuster pseudo-intello (merci Nolan), le retour de Bryan Singer derrière la caméra avait de quoi inquiéter le non-fan de la série et des deux premiers films de la franchise. Et, pourtant, sans atteindre l'élégance de la mise en scène de Vaughn ni retrouver le juste équilibre entre légèreté et sérieux qui caractérise le film précédent, Singer s'en sort plus qu'honorablement en réalisant un film séduisant et, par endroits, brillant.
Ce n'est pas le scénario qui séduit ici: outre la question des paradoxes temporels inhérents à ce genre de procédés narratifs (le montage parallèle final entre les deux époques par lequel naît le suspense n'a strictement aucun sens car si Wolverine réussit sa mission, l'arc temporel/narratif du futur n'existe tout simplement plus), le film se détourne d'une voie potentiellement fructueuse en évacuant tout questionnement identitaire qu'une confrontation entre les deux incarnations (celle du passé et celle du futur) de chaque personnage auraient nécessairement amené. Passons également sur les ficelles, pas uniquement scénaristiques, mais surtout mercantiles, qui permettent d'annuler les trois premiers films de la saga, et donc de ressusciter tous les personnages qui n'y ont pas survécu. On voit un peu trop aisément quelles opportunités futures autorise cette astuce de scénario.
En revanche, c'est bien du côté de la mise en scène que X-Men: Days of the Futur Past intrigue et devient même parfois fascinant. Tout n'y est pas parfait, notamment l'introduction un peu gênante dans sa duplication pataude de celle de Terminator. Mais, Singer réalise (et réussit) une scène d'action (l'évasion de Magneto) assez mémorable au milieu du film en organisant la rencontre entre Tex Avery et les Wachowski de Matrix.
Et surtout, Bryan Singer a une idée de mise en scène brillante, celle des portails spatiaux instantanés, ou plus précisément des disques de téléportation, que peut générer le personnage de Blink. Les plans que Singer met alors en scène sont purement stupéfiants: d'une grande beauté plastique, leur composition se révèle extrêmement complexe. Ces portails permettent en effet d'ouvrir dans le plan un autre angle de vue, une autre partie du champ et même parfois une partie du hors-champ qui vient alors parasiter le champ en lui-même. Le spectateur n'interprète pas immédiatement ce qu'il voit, surpris par ces trous dans l'image car, plutôt que d'ouvrir sur un ailleurs, un lointain, ils réintroduisent une autre partie de l'image, et proposent un simple changement dans la position des personnages, mais aussi de point de vue, au sein du plan. Le procédé que Singer propose ici en réalité est une version éminemment moderne du split-screen : ne s'affichant pas comme tel, possédant un caractère éphémère, l'image est pourtant bien scindée en deux donnant à voir au spectateur deux points de vue différents en un même plan. Le caractère éphémère de ces trous de téléportation impose au spectateur de nombreuses réinterprétations successives afin de décrypter ce qu'il est en train de voir. Par ailleurs, comme dans les meilleurs split-screen, il y a contamination des deux plans puisque les personnages peuvent passer de l'un à l'autre. Cette révolution du split-screen est assez hallucinante et les images qu'elle produit se révèlent saisissantes. On en attendait pas tant de Bryan Singer...
X-Men: Days of the Future Past, pour conclure, est un film de super-héros efficace, assez sympathique malgré un scénario qui limite ses propres possibilités, mais qui cache une réinterprétation fascinante d'une figure cinématographique que l'on croyait éculée, celle du split-screen.