Pour Bryan Singer, l'aventure X-Men s'est avérée multiple.
Fondatrice pour le genre super-héros, qu'il fait entrer de plein pied dans la modernité et la maturité.
Chaotique aussi, puisqu'il s'est heurté à la détestation du genre déployée par Tom Rothman, succédant à Bill Mechanic en tant que patron de la 20th Century Fox, et qui a mené la vie dure au réalisateur.
Mais cette belle aventure semblait désormais relever de l'histoire ancienne. Celle-ci avait pris fin aux lendemains du succès de X-Men 2, lorsque Singer a eu envie de redonner vie à Superman, tout en pensant naïvement que ses donneurs d'ordres allait mettre la franchise en stand by le temps de passer à l'ennemi...
Tout le monde connaît la suite : fracas d'un divorce sonore résonant dans un claquement de porte, tandis que Warner donne carte blanche à celui qu'elle a débauché pour faire de Superman Returns un autre de ses succès.
La 20th Century Fox, elle, pour punir la trahison, rushera X-Men : L'Affrontement Final et engagera Brett Ratner pour livrer un Phoenix traité à la va-comme-j'te-pousse et passablement mutilé. Pas la sortie de scène rêvée pour les mutants, donc.
S'en suivra aussi un sacré passage à vide pour la franchise, jusqu'à une relance incroyablement punchy en forme de Commencement, s'envisageant comme un film d'espionnage pop ancré dans la grande Histoire. Et dont Singer était producteur et co-auteur.
Il y a donc de quoi capitaliser sur cet heureux rebond, ainsi que sur la popularité des personnages de la trilogie précédente qui ne se dément pas. Et surtout, de quoi revenir aux sources pour Bryan Singer qui, aux yeux de beaucoup, s'est égaré avec Superman Returns, Walkyrie et Jack, le Chasseur de Géants.
Et reprendre un train en marche duquel il n'aurait, finalement, jamais dû descendre.
Ainsi, Days of Future Past résonne dans un drôle d'écho au regard des aléas de la franchise et de la carrière de son réalisateur, en reprenant à son compte les mécanismes du voyage dans le temps les plus solides, tendance Terminator. Dont il reprend certaines images iconiques d'un prologue de cauchemar et lourd de sens, permettant à Singer d'aller plus loin dans l'illustration du génocide que ce que lui permettait l'ouverture du premier X-Men.
Une occasion aussi pour sous-entendre que le film sera multiple dans les genres auxquels il se frottera, conjuguant le film choral équilibré, l'épique, la science fiction tendance Matrix Revolutions ou encore le film de casse avec un équilibre tout aussi constant que diabolique. Variant aussi dans les émotions convoquées, le tragique d'un futur sombre côtoyant quelques touches d'une poésie insoupçonnée, comme lorsque Quicksilver entre en scène sur les mots de Jim Croce et soulignant la suspension du temps. Une scène immédiatement immortelle et incontournable dans la franchise, qui sera émulée par la suite, sans pour autant atteindre le niveau de perfection originelle et sa pertinence au coeur du récit.
Il était à craindre que le crossover entre le nouveau casting et celui des origines laisse plus d'un personnage sur le carreau, mais Singer gère leurs apparitions et leur importance respective d'une main de maître, en en profitant pour intégrer quelques nouveaux personnages comme Warpath, Blink ou Bishop, protagoniste d'un futur sans avenir aux mains de redoutables Sentinelles oméga dont chaque apparition fait craindre le pire au spectateur, tant les mutants ne sont pas ménagés et tant le film se montre d'une violence peu commune au sein de la saga.
Le reste appartient à l'Histoire, tant X-Men : Days of Future Past emprunte le même chemin que son aîné en terme d'imbrication dans le réel, en travaillant un peu plus encore les relations et les émotions de son triangle de personnages principaux, tout comme leurs conflits internes et leurs traumas. Le film se nourrit littéralement de ses personnages pour ajouter au genre super héros une richesse extraordinaire, tandis que les morceaux de bravoure s'enchaînent à une vitesse folle. Si l'évasion des accords de Paris, l'intervention des Sentinelles ou encore l'arrivée de Magneto faisant léviter un stade de baseball en laisseront plus d'un sur le cul, il faudra cependant se tourner vers le Rogue's Cut pour subir la claque la plus intense du film. Le temps d'une séquence de temporalité double menant à la fois, dans un montage aussi intelligent que chirurgical, le retour aux affaires d'Erik et le sauvetage de Malicia, accouchant de l'un des sacrifices les plus émouvants de la saga.
De quoi se demander ce que serait Days of Future Past sans les faux pas de L'Affrontement Final, ici érigé en véritable marche pied émotionnel, et que le film escamote dans un tour de magie tout aussi culotté que virtuose. Le tout dans un final solaire, presque irréel, comme si Bryan Singer voulait, avec son nouvel exploit, faire la paix avec lui-même.
Ou affirmer à ceux qui en doutaient encore son autorité sur la franchise ?
Behind_the_Mask, à cours de temps.