Plus Mockophile que phobe, je me suis jeté avec avidité sur ce film que j'avais raté à plusieurs reprises. Je me suis retrouvé encore une fois quelque peu désappointé. Encore une fois, parce que les dernières productions m'avaient laissé une sorte de goût amer, n'avaient pas rempli le contrat estampillé Mocky, à savoir un savant dosage miraculeux entre poésie, humour bête et méchant, absurde, mise en scène foldingue et réalisation sur le fil du rasoir entre amateurisme et je m'en foutisme. Des ces éléments disparates et à la première étude plutôt peu attirants, Mocky a fait naîte des films, des histoires improbables, petits bijoux de nulle part ailleurs. Et cette magie Mocky a eu tendance à s'évanouir dans les années 80/90 avec ça et là quelques perles (Le miraculé qui porte bien son nom, ville à vendre ou Les saisons du plaisir). Mais celui-là est à part. La déception est toute différente. Là où les autres tombaient dans le mal structuré ou l'humour grotesque, il tombe sur un os inattendu : la gravité. Mocky est un admirable cinéaste du nimportenaouac mais dès lors qu'il se prend au sérieux, comme c'est le cas ici, son cinéma part en sucette, le cinéaste laisse libre cours au penseur ou au citoyen Mocky qui n'est pas doué pour la finesse de ses analyses. La diatribe de morale politique de Mocky, excusez moi, mais on s'en tamponne le coquillard. D'autant plus que le discours du "tous pourris" sujet à caution est péniblement, minablement assis sur un scénario cousu de fil blanc, appuyé sans élégance sur un discours final au conseil d'état d'une rare médiocrité. N'est pas Capra qui veut.
Il faut saluer le talent de Lanoux qui parvient, non sans mal vu la faiblesse des dialogues, à donner au moins un ton juste à un discours qui sonne faux. C'est le talent majeur de ce film d'ailleurs... celui des comédiens qui nous offrent là de magnifiques numéros d'équilibristes avec des scènes pas évidentes. La plupart s'en sortent avec brio. Maillan, Stévenin, Lanoux, Dufilho sont par moments fascinants même. C'est très beau. Mais ça s'arrête là.
Alors il est vrai que chez Mocky le scénario n'est pas l'élément premier auquel on pense, susceptible d'expliquer l'engouement certain et mérité de ses bons films. Mais ici, il est probant que l'accent est mis sur le discours politique (avec cette désastreuse et mièvre histoire d'amour entre le politicard véreux et la tendre pure et virginale jeune fille de 17 ans, élément déclencheur) et que par conséquent l'humour, le ton décalé propre à Mocky se voit remercié pour bons et loyaux services. Mocky donne une gravité à son film, n'opère plus dans le même bloc, a changé de service. L'humour évacué, reste une amertume, une aigreur presque nauséeuse, une tristesse au fond que certains trouveront peut-être touchante. Ma déception est sans doute celle d'un fan, d'un habitué qui ne retrouve pas sa chaise au bon endroit. C'est vrai. N'empêche qu'au delà du changement de ton, de place, Mocky a écrit un scénario mal falgotté et les vendanges donnent un millésime bien pauvre en sucre. Fade. Con. Pauvre. Triste. Moraliste. Sans texte. Creux.
Alligator
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le 28 déc. 2012

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Alligator

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