Horace Tumelat,politicien de haut vol,est déstabilisé lorsqu'il apprend la mort de son vieil oncle Eusèbe,qui protégeait un secret pouvant nuire gravement à la carrière de son neveu.Le gars va passer de plus en plus de temps dans la bicoque de tonton,paumée dans une zone pourrie,et s'immerger dans un environnement très populaire,bien différent des hautes sphères qu'il fréquente habituellement.En ce début des années 80,c'était encore le bon temps pour Jean-Pierre Mocky,qui faisait alors des films de bonne tenue,avec de vrais budgets.Même s'il est ici réalisateur,monteur,coscénariste et coproducteur,il bénéficie de soutiens importants avec notamment le célèbre Jacques Dorfmann,qui coproduit avec lui,et surtout l'écrivain Frédéric Dard,qui a coécrit le script,adaptation d'un de ses romans.Du coup on est plongés dans une histoire bien crapoteuse mais très structurée,qui permet à Mocky d'exercer sa verve anarchiste au maximum.Le casting est luxueux,la musique de Roger Loubet accompagne parfaitement l'ambiance cynique et délétère qui imprime la narration,les maquillages de Charly Koubesserian,complice coutumier de Belmondo,donnent juste le relief presque fantastique qu'il faut aux visages d'acteurs connus,et l'ingénieur du son n'est autre que le futur cinéaste Philippe Lioret.Le réalisateur maîtrise parfaitement un récit superbement imaginé par Dard,et décrit par petites touches successives la transformation qui va s'opérer dans l'esprit d'un politicard sans scrupule,cassant et impitoyable.Personne n'est sympathique dans cette histoire qui ne cherche pas à surfer sur l'anti-parlementarisme ou la lutte des classes,tout le monde étant renvoyé dos à dos tout au long d'un jeu de massacre typique de l'esprit caustique et indépendant de l'auteur des San Antonio,avec des protagonistes comme de juste obsédés par le sexe et l'argent.Tumelat,homme de droite rugueux,déplaisant et méprisant,finira même par apparaître comme le personnage le plus sympathique de ce carnaval des allumés.On rencontre donc au gré des séquences un maître-chanteur qui va finir par pactiser avec sa potentielle victime,une secrétaire cinglée amoureuse de son patron que sa passion va conduire à de regrettables extrémités,un militant communiste bas de plafond,une voisine indiscrète qui va être sérieusement rudoyée,deux flics minables,dont un psychopathe à l'Oedipe mal digéré,l'autre étant un fayot d'une incroyable veulerie,et un journaliste totalement dépourvu de morale pour faire bon poids.Seule oasis de douceur,une jeune fille de 17 ans dont le vieux politicien va tomber amoureux,ce qui catalysera l'arrivée d'une fin tragique.Tout le monde ici est misérable,au moins moralement,et navigue entre frustration et cupidité.Tout le monde déteste Tumelat,mais tout le monde lui fait la révérence et tente de profiter de lui d'une manière ou d'une autre.Les cégétistes si solidaires n'hésitent pas à virer leur vieux camarade Réglisson dès qu'ils apprennent que sa fille s'apprête à épouser Horace,comme si le mec y était pour quelque chose.Les acteurs sont tous prodigieux et font fi de leur image pour incarner des personnages vraiment pas valorisants.Victor Lanoux est impérial dans le rôle principal,traitant avec indifférence tous ces gueux accrochés à ses basques,uniquement préoccupé par cette histoire d'amour en forme de rédemption qu'il est en train de vivre.Jacques Dutronc est fantastique en paparazzi qui assume tranquillement sa dégueulasserie,associé à un incroyable Jean-François Stévenin,flic pédé et taré qui vit avec un travelo mais se plait à bousculer et tringler violemment une vieille veuve mémère à chats jouée par une Jacqueline Maillan qu'on n'avait jamais vue en telle posture.Michel Galabru est pitoyable à souhait en coco alcoolo dépassé par la relation de sa fille avec Tumelat,qui par contre ravit son épouse Andréa Ferréol,femme insatisfaite et opportuniste.Dominique Lavanant y va franco elle aussi en secrétaire nympho et sexy folle de son boss et prête à tout pour le conquérir,alors que lui n'en a rien à carrer et se contente de la baiser à l'occasion,quand il n'a rien d'autre sous la main.La veulerie de Jean-Luc Bideau en policier transparent et quémandeur est proprement impressionnante,et Jacques Dufilho est parfait en vieil escroc captif philosophe et de bon conseil.Il y a également Emmanuelle Riva en légitime délaissée de Tumelat,flanquée d'un amant hirsute interprété par l'écrivain et dessinateur François Cavanna,un des fondateurs d'Hara Kiri.Le vétéran Alexandre Rignault apparait peu vu qu'il est l'oncle décédé,et la jeune Marion Peterson est la seule ombre au tableau avec son jeu approximatif et son physique moyen.Et puis il y a ces gueules marquantes sans lesquelles un Mocky ne serait pas un Mocky,avec Henri Poirier en mari désagréable et cocu,Alain Fourès en travelo suceur,Dominique Zardi en syndicaliste énervé,Jean Barney en domestique espagnol queutard et Antoine Mayor en organiste d'église.Notes et critiques de films de Jean-Pierre Mocky publiées précédemment:voir critique "A mort l'arbitre!".Nouvelle moyenne:3,8.Mocky et Dard referont équipe pour "Le mari de Léon",et le romancier donnera une suite à "Y a-t-il un Français dans la salle?",intitulée "Les clés du pouvoir sont dans la boîte à gants",bouquin encore meilleur qui n'a hélas pas été adapté au cinéma,sans doute à cause de la prégnance de scènes de sexe encore plus nombreuses que dans le premier livre.