Film réalisé contre vents et marées par Barbra Streisand en 1984 qui s'est inspirée d'une nouvelle d'Isaac Bashevis Singer, "Yentl, the Yeshiva Boy". Il me semblait l'avoir lue mais ne trouvant plus le recueil, j'ai désormais un doute qui m'empêchera de placer ce film dans ma liste "adaptations de romans" …
Consulté un temps pour proposer un script, IB Singer se voit rejeté par Barbra Streisand qui modifie le sens de la nouvelle et en particulier la fin. L'idée de Barbra Streisand était de faire apparaître une femme juive au début du XXème siècle capable de prendre son destin en main alors que Singer se contentait de dénoncer la condition de la femme juive, interdite d'accès aux textes sacrés et à l'instruction, dans certaines communautés d'Europe Centrale. Au demeurant, pourquoi ne pas aller au bout de l'idée initiale de Singer qui était que Yentl, fille de rabbin et instruite en secret par son père, ne voulait pas du destin "normal" d'une femme juive de cette époque. Raison pour laquelle, à la mort de son père, elle s'enfuit du village en se travestissant en garçon pour se faire accepter dans une yeshiva éloignée de son village natal et satisfaire son désir d'instruction. Le sujet d'émancipation, de recherche de la liberté, que Barbra Streisand a développé, me semble prendre tout son sens.
La mise en scène de Barbra Streisand est très belle de même que la photographie. Il faut dire qu'elle a pris dans son équipe le célèbre directeur de la photographie David Watkin. Ceci explique cela.
Il en est de même pour la musique élaborée par Michel Legrand (qui reçut pour l'occasion un Oscar). Et puis il y a, bien sûr, la belle voix puissante de Barbra Streisand qui chante de nombreuses belles chansons, parfois émouvantes comme celles sur son père disparu et sur ses propres doutes. Belle voix, oui mais parfois lorsqu'elle pousse la vocalise, j'ai un peu l'impression qu'elle crie plus qu'elle ne chante. Mais bon, on ne va pas bouder le plaisir.
Et puis, il y a les choses qui me plaisent un peu moins. On est quand même dans le one (wo)man show : la seule habilitée à chanter c'est elle. Pas de mise en situation sans elle. On ne voit qu'elle. Normal, vous allez dire, c'est le chef et, c'est bien connu, on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même.
C'est d'autant plus dommage que le casting comprenait Mandy Patinkin dans le rôle d'Avigdor qui est lui-même un chanteur lyrique. Bon, bien sûr, au moment du tournage, il avait peut-être une extinction de voix persistante ou encore il réclamait un cachet exorbitant pour chanter. Ça, je ne l'ai pas vérifié.
J'ai même l'impression (tout aussi saugrenue) que Amy Irving dans le rôle d'Hadass était très capable de chanter. Il me semble que le film "Yentl" aurait pris une tout autre allure en donnant un tour beaucoup plus romantique notamment en ce qui concernait le triangle amoureux.
Au final, c'est un bon film qui pose de bonnes et intéressantes questions, qui fait revivre cette population yiddish d'Europe Centrale qui a largement été décimée pendant la deuxième guerre mondiale et dont on ne se lasse pas de l'excellente musique qui accompagne de somptueux paysages et décors. Je suis juste un peu plus réservé sur l'aspect "one (wo)man show"