Une belle petite surprise que ce second long-métrage de Baya Kasmi après le plus maladroit et très inégal et à tous niveaux (tonalité, sujets, rythme, ...) « Je suis à vous tout de suite ». Ici, en croquant de nouveau une famille d’immigrés maghrébins typiques de notre époque, la cinéaste, aidée dans l’écriture par son confrère Michel Leclerc, réussit à nous livrer une comédie de mœurs et sociale à la fois fine et drôle. En s’inspirant probablement, comme le fait son personnage principal pour son livre, de son entourage et de sa propre expérience de française issue de la diversité, elle nous offre un film intelligent et plein d’acuité. En effet, le regard qu’elle porte sur sa communauté est à la fois tendre et incisif, trouvant toujours le juste milieu et alternant tendresse et petites saillies piquantes avec autant de justesse.
Le prologue, qui nous montre la famille de Yousef Salem telle qu’il l’a retranscrite dans son roman, est un sommet de comédie. Très drôle, un tantinet impertinent, perclus de dialogues à la fois savoureux et incisifs, et parfois source de francs éclats de rire (Jean-Marie Le Pen en grand méchant loup en est l’exemple parfait) et une inventivité de chaque instant, il fait débuter « Youssef Salem a du succès » sur les meilleurs auspices dans son premier quart d’heure. La suite est à l’avenant et nous amuse profondément avec les stratagèmes plus ou moins heureux de Youssef pour cacher le fait qu’il se soit inspiré de sa famille pour écrire son livre devenu un best-seller. Noémie Lvovsky, dans un second rôle comme elle les affectionne tant en dehors de ses réalisations, ajoute un côté gentiment moqueur - mais tout aussi bien - vu sur le monde de l’édition. Le milieu de la littérature dans le cinéma n’est pas nouveau, loin s’en faut, mais son traitement ici est assez original pour ne pas s’en formaliser.
Les meilleurs moments du long-métrage restent néanmoins quand Youssef se retrouve avec sa famille. Ce sont les plus drôles et les plus piquants, que ce soit au niveau des répliques ou des situations. Melha Bedia détenant la palme de la plus drôle de la tripotée dans le rôle d’une des sœurs, persuadée que tous les français sont racistes. Le film renvoie les clichés au garage avec malice et doigté et ce n’est pas si souvent de réussir à tenir cet équilibre fragile. Basmi règle ces comptes intelligemment avec sa communauté, qu’elle prend soin de ne pas ménager tout le temps non plus, mais aussi avec son pays d’accueil via ce film. Un peu comme cela a pu être fait avec la communauté juive dans le récent « Reste un peu » de Gad Elmaleh.
Malheureusement, le dernier acte est un peu moins réussi à cause d’un second rôle raté et qui ne se fond pas du tout dans le reste de l’histoire, celui de Lyes Salem. En candidat de télé-réalité, il rentre pieds joints dans les clichés et n'apporte strictement rien à « Youssef Salem a du succès », au contraire il fait tache. Et la pirouette finale dans laquelle l’enferme le script par le biais du personnage de Yousef est une fausse bonne idée. On pourrait aussi déplorer une mise en scène pauvre et sans idées mais le film a assez de qualités autres comme on l’a vu pour que l’on passe outre ces deux défauts.
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