L’architecture, les rues, le port et la mer, en somme, l’ascendance méditerranéenne ; il ne fait aucun doute, c’est en Grèce que nous venons d’être parachuté (et pourtant, le tournage a pris place en Algérie). Un choix artistique qui n’en est presque pas un, mais plutôt une contrainte imposée par le contexte politique délicat, minant alors la République hellénique.
Cependant, ces références restant allusives, elles permettent à ce long-métrage de se défaire d’une étiquette peut-être trop réductrice et de s’accaparer celle de thriller.
D’emblée, un avertissement souligne que toute ressemblance avec des évènements réels, des personnes mortes ou vivantes est VOLONTAIRE. L’œuvre ne cherchera nullement à fuir sa portée politique, bien au contraire. Les dialogues en sont le premier exemple : combattre « l’idéologie qui ravage les hommes. » Difficiles, ils n’en sont pas moins percutants et justes car ils ont été écrits par Jorge Semprun, lui-même victime de l’atrocité commise par les régimes totalitaires.
Alors que des hommes de pouvoir s’échangent dans une antichambre de longues tirades au dessein effrayant se déclenchent des querelles entre les partisans des deux camps. Les incidents qui verront le visage de l’opposition (Yves Montand) perdre la vie donnent lieu à une enquête haletante, embarquant presque clandestinement le spectateur dans les coulisses des turpitudes politiques.
En charge de démanteler cette affaire obscure nous retrouvons Jean-Louis Trintignant, l’honnête et impartial juge d’instruction, dont la douce voix n’aura jamais semblé plus incisive.
Costa-Gavras souhaite rendre à ces manifestations, et malversations un éclat de réalisme, pour se rapprocher autant qu’il le peut du documentaire. Il fait appel, dans un premier temps, à Raoul Coutard directeur de la photographie sur À bout de souffle dont on ne présente plus le montage effréné, saccadé, et si singulier. C’est finalement Françoise Bonnot qui achèvera cette tâche, ayant su avec virtuosité juxtaposer au découpage abrupt la musique entraînante et marquante de Míkis Theodorakis. L’Oscar qui lui sera décerné n’est certainement pas démérité : les images sont dotées d’une force inouïe, accentuant à la fois la violence du sujet et l’indignation qu’il suscite. Je pense notamment à l’arrivée du personnage incarné par Irène Papas à l’hôpital et à la course-poursuite, constituant l’une des ultimes scènes du film.