Mépris de la jeunesse, violences policières, spéculation immobilière délirante : le propos de ce film maudit, échec aussi bien commercial que critique, classé parmi les "pires films réalisés" d’après Wikipedia (j’ai peine à l’écrire), reste toujours très actuel. Pour illustrer sa critique de la société américaine d’alors, Antonioni colle aux aspirations de la jeunesse dont il partage le sentiment de révolte. C’est d’ailleurs ce parti pris, naïf diront certains, qui lui a été reproché. Mais ce qui intéresse Antonioni avant toute chose, je crois, c’est le potentiel esthétique et évocateur des dualités ainsi observées. Il oppose la beauté intemporelle du désert des Mojaves à un urbanisme saturé de publicité et de bâtiments administratifs, la naïveté de la jeunesse à la cupidité des affairistes, le jardin originel à la modernité mercantile. Du décor naturel et des acteurs non-professionnels, il tire une certaine idée du monde, forcément différente de cette société américaine qu’il ne s’est pas caché d’exécrer. Un monde qui ressemblerait à un lointain éden auquel quelques jeunes gens ont encore l’envie de rêver. Un monde où les Icare se brûlent encore les ailes à vouloir voler trop haut, trop loin. "Pourquoi as-tu volé un avion ?" demande Daria. "Pour décoller du sol !" lui répond simplement Mark. Et se perdre dans un bouquet final inoubliable.