C'est le troisième film que je vois de Martel et je ne sais toujours pas si j’aime, ni si je comprends son cinéma. Zama est particulièrement lourd et maladif, porteur de tous les vices du XVIIème siècle : dans l'humidité oppressante des colonies, les Hommes n'ont pas besoin de s'entretuer pour être des brutes les uns avec les autres.
Entre l'impérialisme et les mesquineries de la noblesse, l'Espagne conquérante souffre de pires maladies que la peste et le choléra. Moins visibles, plus pernicieux, les maux qui l'affligent sont comme un brouillard qui tombe sur les espoirs de l'Homme - et sur tout ce qui aurait facilement pu être plaisant dans le film, si le choix du traitement n'avait pas porté sur la sordide impression d'une Apocalypse approchante telle que Martel la cultive souvent. Des rencontres dénuées de sens qui s'effacent sans se plaindre, des morts sans conséquences, tout se produit sous un voile de phosphènes et une chape d'acouphènes. Tropicalité dissimulante.
Est-ce qu'on peut vraiment savoir si on aime et si on comprend cet ouvrage ? Un peu de la vérité qu'il me semble en avoir glané cependant, c'est que les Amérindiens y apparaissent comme des êtres taillés pour ce monde. Des peuples à qui il aurait fallu le laisser, car ils n'ont rien de ce qu'on leur trouve de "sauvage" qui ne soit pas aussi dans l'air, la terre et l'eau des colonies. Car chez Martel, ce n'est pas l'Europe qui conquiert et s'attaque aux territoires d'outre-Atlantique : ce sont eux qui rejettent l'Homme, tel un poisson dont l'eau ne veut pas.
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