« Zelig », ou l'histoire d'un homme-caméléon qui prend l'apparence, la couleur et les qualités intellectuelles des personnes qui l'entourent. Phénomène de société, il suscite l'intérêt d'une psychiatre de talent, le Dr Fletcher, qui tombe amoureuse de lui...
Un film formidable et d'une originalité rarement égalée.
L'idée du « vrai-faux documentaire » fonctionne à merveille : on y trouve mêlées les interventions de figures réelles comme Susan Sontag et Bruno Bettelheim, ou fictives comme Eudora Fletcher en dame âgée.
L'ensemble des équipes techniques et artistiques est à son zénith.
Ce qui laisse admiratif avant tout, c'est le travail de montage exceptionnel de Susan E. Morse, fidèle collaboratrice d'Allen : des images d'archives authentiques (où l'on peut reconnaître Charlie Chaplin, Fanny Brice, Randolph Hearst ou encore...Adolph Hitler) et les prises de vues (vieillies, pour les rendre plus « vraies ») tournées par Allen se croisent, se complètent avec une superbe harmonie. L'impression que l'on a d'assister à un reportage d'actualité est renforcée par un traitement admirable du son : c'est comme si la pellicule avait traversé les épreuves du temps pour parvenir jusqu'à nous.
L'illustration musicale est également parfaite : elle alterne mélodies d'époque (nous sommes entraînés sur la route du jazz, du charleston, du fox-trot) et chansons spécialement composées par Dick Hyman, dans le goût des années 1920, à mourir de rire (citons « Leonard the Lizard », « Doin' the Chameleon », « You may be six people, but I love you »).
« Zelig » est un film constamment hilarant, mais Allen ne méprise jamais ses personnages et leur offre de grands moments d'émotion. Bien que distanciés par la voix du narrateur, et malgré l'artifice du procédé (Zelig est inséré dans des images historiques), ces personnages EXISTENT, et conquièrent des identités très riches. Zelig est un outsider, un personnage en marge, hors du commun mais « récupéré » par le monde qui l'entoure : les annonceurs publicitaires, les psychanalystes, les historiens, les ligues de moralité et même le show-business. Cet homme est un « être-témoignage » à lui seul : sur une durée de dix ans, il expérimente, par le biais de ses multiples identités, TOUTES les étapes marquantes de son époque : le Jazz, l'aviation, la Seconde Guerre Mondiale (Zelig rejoint le parti Nazi) et la naissance du star-system.
1h15 de pur plaisir !