Zero Dark Thirty par Eric17
« Zero Dark Thirty » est une nouvelle preuve que les Etats-Unis sont assez uniques dans leur capacité à évoquer leur passé quasiment au présent. Quel autre pays aurait pu traiter un événement tel que la mort d’Ousmana Ben Laden moins de deux ans plus tard ? Je suis admiratif de la capacité du cinéma américain à ne posséder aucun interdit quant aux thèmes politiques ou économiques qu’il accepte d’évoquer. Ce film est apparu dans les salles le vingt-trois janvier dernier. D’une durée de deux heures et demie, il est réalisé par Kathryn Bigelow. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu un de ses films. Par contre, j’avais été sensible aux éloges qui avaient accompagné son « Démineurs », sorti il y a cinq ans.
Le film débute par un écran noir. Il est accompagné par des échanges téléphoniques de personnes se trouvant dans les tours du World Trade Center au moment des attentats de 2001. Son dénouement se construit autour de l’intervention américaine visant à tuer Ben Laden dans sa maison pakistanaise. C’est donc un cheminement d’une dizaine d’années que nous offre l’histoire. Le film revendique de se baser sur des faits réels. Je me garderai de chercher la petite bête sur ce plan-là. J’ai pris énormément de plaisir à découvrir de manière plus approfondie la part cachée des informations qui ont habillés nos sources d’information depuis tout ce temps. La narration s’avère d’ailleurs suffisamment pédagogue pour que je ne me sois jamais perdu. Je ne suis pas docteur en géopolitique et cela ne m’empêche pas de comprendre les différents arcanes de la traque. Le scénario emprunte sûrement des raccourcis. Dix ans de travail de la CIA ne peuvent se condenser en deux heures et demie. Par contre, il est possible d’en faire un opus dense et passionnant.
Je ne peux pas perdre de vue que ce film est prenant du début à la fin. Les premiers échanges téléphoniques que j’évoquais tout à l’heure nous prennent aux tripes dès les premières secondes. Ensuite, on suit les pas de Maya. Elle travaille pour la CIA et est présentée comme une tueuse dans son domaine. Elle se voit envoyée au Pakistan pour participer à la lutte contre Al Quaïda. On assiste avec elle à des moments de torture pour obtenir des informations. On l’accompagne dans ses missions d’écoute et d’espionnage. On la soutient dans sa volonté jamais diminuée de mener à bien son objectif. Je me suis attaché à son personnage. Son implication excessive dans son boulot fait notre admiration. Son absence de vie personnelle la rend touchante.
L’issue du film nous est connue. On sait que Ben Laden va être abattu. Néanmoins, cela n’empêche pas le suspense d’être omniprésent tout au long du film. Une des scènes du film nous assoit dans une camionnette conduite par des agents américains. Ils attendent patiemment qu’une cible utilise son téléphone pour le localiser. On est tendu de les voir s’éloigner de quelques mètres ou pas de leur objectif. On a envie de les aider à balayer la zone. On est complètement immergé dans leur quotidien. A d’autres moments, on appréhende un attentat. On souffre de voir des gens mener une vie normale en anticipant une explosion prochaine qui les tuera. La narration ne souffre d’aucun temps mort. La mise en place n’est ni trop lente ni trop rapide. De plus, l’intensité ne cesse d’augmenter au fur et mesure que le temps défile. Dans un style différent, un des grands moments du film est l’attaque des soldats américains contre la cache de Ben Laden. Elle est loin d’être bâclée. Elle dure pour nous faire sentir que tout n’est pas simple. On retient notre souffle à chaque coin de mur ou devant chaque nouvelle porte. La dimension subjective de beaucoup de plans fait qu’on a du mal à respirer. Elle offre une conclusion d’une force remarquable à deux heures et demie de bonheur.
Le casting est de grande qualité. Il est évident que la prestation de Jessica Chastain est un atout majeur de la réussite du film. Elle appartient à quasiment tous les plans précédant l’attaque. On s’identifie à elle tout de suite. On ressent de l’empathie à son égard. De plus, les seconds rôles sont également habilement interprétés. Du fait qu’ils soient nombreux, aucun ne sort particulièrement du lot mais chacun fait que cette histoire est crédible à tout moment. On croit à tout. Le dépaysement est total. Le travail sur les décors est de grande qualité. Je ne peux pas vous dire si le Pakistan ou l’Afghanistan sont rigoureusement reproduits. Je peux par contre vous affirmer que j’ai l’impression d’y être. C’est déjà une bonne chose.
En conclusion, « Zero Dark Thirty » me permet d’entamer mon année cinématographique par une excellente pioche. Les critiques élogieuses tant par les critiques que par le public m’apparaissent pleinement légitimes. Maintenant que je suis allé le voir, je m’y associe aisément. Je le conseille vivement à tous les adeptes du genre. C’est un film qui nous emporte dès les premières secondes et qui nous habitent encore une fois de retour dans la vie réelle. Entre les deux : un vrai bonheur de cinéma…