Zero Dark Thirty est une réussite. Alors que l’histoire, dont tout le monde connaît la fin d’avance, tient en quelques mots (Maya, agent de la CIA, est celle qui mène la traque de Ben Laden sur la bonne piste), Kathryn Bigelow livre un film haletant du début à la fin. On suit à la trace cette Maya, déterminée comme si sa vie en dépendait, dans toutes les phases de son enquête.
Ça commence avec des scènes de tortures difficilement soutenables, sorte de démonstration choc des méthodes américaines que les agents, pourtant de prime abord éduqués et sympathiques, utilisent sans problème de conscience apparent. Puis l’équipe se forme – on n’échappe pas au cliché de la rivalité entre les deux seules femmes de l’équipe – et Maya montre peu à peu sa supériorité en amenant l’enquête sur un nouveau terrain : la ville plutôt que les grottes. Et comme dans n’importe quelle grosse boîte, Maya doit convaincre ses chefs, vaincre l’inertie de son administration et composer avec les problèmes de politique interne que ses conclusions provoquent immanquablement.
La réalisatrice ne s’embarrasse pas de détails sur le passé ou la psychologie des personnages : on est dans l’action et il n’y a pas beaucoup de place pour l’interprétation. Le spectateur est en immersion et vit la traque au plus près d’une Maya investie corps et âme dans la traque – et pourtant étonnamment bien soignée (brushing et coiffure différente chaque jour, ongles manucurés… franchement on l’imagine pourtant mal prendre 1h par jour pour se pouponner, mais enfin) jusqu’à l’assaut final, séquence magistrale.
Zero Dark Thirty ne se contente pas d’être un film de guerre, c’est aussi un thriller, qui à la fois embarque le spectateur dans un voyage trépidant mais pose aussi de nombreuses questions. En ce sens, le combat des américains contre « l’axe du mal » prend peu à peu la même forme que le fanatisme religieux des djihadistes : en y consacrant sa vie, Maya vit, toutes proportions gardées, dans une obsession similaire à celle de ses ennemis…