Il n'y a pas de néant. Zéro n'existe pas. Tout est quelque chose. Rien n'est rien.*
Ah Terry ! Toi et tes univers décalés vous m'aviez vraiment manqué. Pendant plus d'1h30 Zero Theorem m'a transporté dans un monde fascinant où technologie et sens de la vie se mêlent et s’emmêlent pour accoucher d'une fable ouvrant la réflexion sur des sujets de société comme l'isolement et la recherche individuelle du bonheur. Et en cela je dois remercier le Monty Python car il est, à mes yeux, l'un des seuls réalisateurs capables de livrer ce genre d'exercice en lui insufflant une personnalité propre.
Qohen Leth est une personne solitaire et névrosée qui subit la société hyperconnectée et cherche à la fuir par tous les moyens. Son boulot de régulateur de la courbe du chômage est mécanique et abrutissant mais surtout l'empêche de rester cloitré à son domicile où il attend désespérément un coup de téléphone devant donner un but à son existence. Qohen va pourtant avoir l'opportunité unique de concilier télétravail et recherche du sens de la vie, une question qui l'obsède, dans la mesure où son patron, Management, va lui demander de résoudre l'impossible équation du Zéro.
L'univers du film est fascinant. Bien sûr aujourd'hui les notions de contrôle des masses, de publicités intrusives ou encore de décadences expiatrices n'ont plus grand chose d'originales pour qui a dévoré des oeuvres majeures de Science Fiction dystopique mais Terry Gilliam réussit pourtant à créditer son univers d'un patte artistique unique. Pas dans le fond mais dans la forme. C'est coloré, c'est flashy, c'est saturé, c'est brouillon et bruyant. Ces éléments de la société forment un contraste saisissant avec l'antre de Qohen; une église abandonnée, sombre et en décrépitude. Un sanctuaire apaisant mais calme. Un moyen de véhiculer un message d'espoir aux gens qui se sentent en marge de la société. De la nôtre. De la mienne.
Ce film m'a parlé. Pas parce que je suis un frappadingue introverti qui fuit le contact humain mais parce que je n'éprouve pas le besoin d'être connecté au monde en permanence. D'un point de vue social, la possibilité du télétravail, mise en place par Management (ça ne s'invite pas), va dans ce sens. La vie ce n'est pas nécessairement vivre ensemble dans la joie et la bonne humeur, c'est aussi s'assumer avec sa conscience et être capable de s'isoler pour mieux s'épanouir. Gilliam emploie un cas extrême pour le montrer mais ce que j'ai retenu du film c'est que le réalisateur montre astucieusement qu'il n'y a pas un seul moyen universel de vivre pleinement sa vie. Il y en a une infinité.
Bien sûr que c'est bateau comme réflexion mais là où je trouve le propos brillant c'est qu'il évite les poncifs qui tirent à boulets rouges sur la société moderne. Gilliam ne cherche pas à dénoncer le système contemporain, il se contente de critiquer ceux qui pensent détenir la vérité unique sur le sens de la vie. Sur la manière de vivre sa vie. C'est ça que j'ai perçu dans le film et que j'ai apprécié. Si vous espérez découvrir dans ce film ce que signifie le 42 de Douglas Adams alors vous risquez d'être déçu. Non seulement parce que la fin, qui tente d'apporter son lot de réponses, est un peu foutraque mais surtout parce que, pour moi, ce n'est pas le but de ce film.
Zero Theorem est un film contemporain dans un univers totalement farfelu. C'est un voyage dépaysant porté par un casting de qualité et notamment par un Christoph Waltz d'exception. L'acteur arrive à rendre son personnage attachant et profondément humain. Et encore plus lorsqu'il fait la rencontre de Mélanie Thierry. Quant aux autres personnages, ils sont tous en accord avec l'univers du film. Originaux et décalés. Enfin, même si on sent que le film n'a pas eu un budget colossal pour assumer toutes ses fantaisies, les effets spéciaux et les scènes en CGI sont corrects mais loin d'être des références en la matière. Et puis après tout ça reste de la poudre aux yeux et le plus important c'est que les acteurs soient crédibles et impliqués et là dessus il n'y a rien à redire.
Zero Theorem est un film coup de coeur.
Je comprends qu'il puisse diviser et ne pas plaire à tout le monde mais je me dois de le conseiller à tous ceux qui aiment les univers bordéliques qui sortent de l'ordinaire. Ce n'est pas un pur film de SF, ce n'est pas de la HardScience, il n'y a pas de propos métaphysiques chiadés et novateurs. Non, il n'y a rien de tout ça. C'est juste un film humain. Avec un tas de couleurs et de gens habillés bizarrement. Bref c'est du Terry Gilliam quoi !
*citation de Victor Hugo.