Zero Theorem par cloneweb
Chaque long-métrage de Terry Gilliam est un phénomène en soi tant le réalisateur est connu aussi bien pour ses univers délirants que pour ses problèmes de production. Et plus le temps passe, plus il a bien du mal à sortir des films que les distributeurs ne savent pas vendre. Huit ans après Tideland, que personne n’a vu, le Monty Python revient avec une histoire particulière pour lui puisqu’il n’en est pas le scénariste. On doit en effet l’histoire au débutant Pat Rushin qui dit s’être inspiré de l’Ecclesiaste, un livre de la Bible dans lequel le personnage de Qohelet s’intéresse au sens de la vie. Sachant qu’à l’écriture, Rushin s’est inspiré de Brazil, il semblait tout naturel de se tourner vers Gilliam pour la mise en scène.
L’histoire se déroule donc dans un futur ultra-connecté. Qohen (sans U, c’est important) travaille pour Management sur des données désormais contenues dans des sortes de tube à essais. Il doit travailler vite pour éviter que la courbe du chômage ne monte. Mais dans un univers où il y a des écrans partout, où tout est fluo et coloré et où tout le monde est plutôt bizarre, Qohen n’aspire qu’à une chose : rencontrer chez lui pour éviter les gens et passer de cet univers multicolore à l’obscurité de l’ancienne église qu’il occupe. Lors d’une soirée où il fait aussi la connaissance de Mélanie Thierry, Christoph Waltz (absolument parfait en Qohen) se voit confier une mission par Management : trouver la solution au Zero Theorem et travailler depuis chez lui pour cela.
A l’image de Brazil, Terry Gilliam évoque dans son film les défauts d’une société ultra-connectée où les gens écoutent leur propre musique en soirée tout en se filmant en mode selfie, où l’informatique est absolument partout et tout est contrôlé, dirigé, et surveillé. Mais s’il y a une réelle volonté de dénonciation, on sent quand même un certain retard de la part du réalisateur. Bien que présent sur les réseaux sociaux et à 73 ans, le réalisateur prend la poussière quand il évoque un sujet qu’il ne maitrise pas totalement. Non, être connecté en permanence n’est pas forcément un problème.
Le personnage de Qohen -l’allusion biblique est énorme, puisqu’il s’appelle presque comme l’Ecclesiaste et vit dans une église- va néanmoins perdre son âme au fur et à mesure que l’histoire avance et qu’il s’enfonce dans la « solitude » (avec des guillemets puisque plusieurs personnages passeront régulièrement le voir). Plus il travaillera, hyper connecté, sur le théorème zéro plus il perdra son humanité devenant « informatique ». C’est d’autant plus le cas que s’il refuse le moindre contact physique avec Mélanie Thierry, il ne résistera pas longtemps à la rejoindre dans l’univers virtuel du cybersexe.
Tout cela est intéressant, la mise en scène est soignée et l’univers futuriste particulièrement réussi. Malheureusement, Gilliam tire son sujet en longueur et perd le spectateur en route. Il le perd d’autant plus que la fin aurait mérité plus d’explication. On en ressort avec une grosse sensation de « et si tout ça n’avait aucun sens ? »
Au final, si le scénario de Pat Rushin sied parfaitement à Terry Gilliam, et si on sent que le réalisateur a encore des choses à dire en ce qui concerne notre avenir et les environnements à Brazil, on ne peut que déplorer un manque de rythme et une fin dont on n’a pas toutes les clefs pour la comprendre. Un peu dommage. Il est maintenant temps pour Gilliam de passer à autre chose. Comme filmer un chevalier combattant des moulins à vent.