Je suis fan de la BD faite par Arthur de Pins, qui est composée pour le moment, de trois tomes : Gretchen, Ressources Humaines et Contrôle Freaks. J’étais curieux de voir ce qu’allait donner l’adaptation en long-métrage animé . Attention, ce qui suit est susceptible de contenir des spoilers.
Au Nord, c’était les démons
Pour ceux qui ne connaîtraient pas le contexte de Zombillénium, c’est le nom d’un parc d’attractions situé dans les Hauts-de-France, à proximité de Valenciennes. Le thème principal est les monstres et l’épouvante, et le parc est peuplé de monstres des légendes. De vrais monstres. Le problème, c’est que le parc ne plait pas à la population locale, car il a été construit sur une ancienne mine dans laquelle des mineurs sont morts d’un coup de grisou, et aucune embauche n’a eu lieu alors que la région est à 12% de chômage. C’est dans ce contexte tendu qu’arrive Hector Saxe, papa d’une petite fille et contrôleur des normes, qui compte bien faire fermer le parc. Il tombe sur Francis Von Bloodt, le vampire directeur du parc, qui le gère d’une façon paternaliste. Mais voilà, Hector va là où il n’aurait pas dû, et Francis se voit contraint de « l’embaucher ». Je ne vous dirai pas ce que signifie une embauche dans ce parc, mais les lecteurs de la BD le savent. De plus, un autre problème se présente, la fréquentation du parc est en baisse, et le grand patron ( là non plus, pas de spoiler) donne 15 jours à Francis et ses employés-monstres pour redresser la barre…
On le voit, le postulat de départ a un peu changé par rapport au support d’origine. Aurélien, chômeur, est remplacé par Hector, car selon Arthur de Pins dans une interview accordée à Geek Le Mag, le premier ne se prêtait pas à une écriture cinématographique. De plus dans la BD, c’est sur un cimetière et non sur une mine que le parc a été construit. Ce qui permet de faire un générique d’ouverture qui est une merveille graphique.
Un habile mélange pour prôner la tolérance
Pour le reste, le scénario mélange habilement les éléments des trois albums. Visuellement, il est très fidèle, et est très bien animé. On retrouve les personnages de la BD, outre Francis, ils sont tous là : Aton la momie (doublée par un excellent Gilber Levy), Sirius le squelette, doublé par Mat Bastard, du groupe Skip the Use, Blaise, le loup-garou, ou encore Gretchen, la jolie sorcière stagiaire. On retrouve même José, le zombie fan de Michael Jackson.
La relative brièveté du long métrage (1h18) permet une efficacité dans la narration et le déroulement, quasiment sans temps morts. Mieux, certaines scènes sont géniales, comme le concert de rock et sa battle de guitares électriques, ou encore la poursuite entre une Austin Mini et un vieille camionnette diesel fumante Citroën conduite par Sylvain, ancien mineur devenu alcoolique. L’ambiance sonore est également géniale, entre les musiques d’ambiance bien trouvées et les chansons faites par Mat Bastard. L’une d’elles, Stand as One, est un hymne à la tolérance et reflète la raison pour laquelle a été construit le parc : Si Francis est effectivement un vampire, il voulait avant tout faire un endroit dans lequel les monstres de toute nature pourraient se sentir en sécurité. Sans aucun doute la chanson la plus symbolique du film. Et puisque nous sommes dans la musique, si je vous dis qu’on trouve une jolie version des Corons de Pierre Bachelet… j’en ai vraiment eu des frissons de joie, notamment quand on voit la scène à laquelle l’air est associé.
Qu’est-ce que Twilight prend dans gueule !!!
Et surtout, il y a une chose que j’ai particulièrement kiffé: le démolissage en règle de la saga vampire-paillettes qu’est Twilight. J’ai toujours considéré cette saga littéraire et cinématographique adaptée comme une insulte au mythe des vampires, et cela semble être le cas aussi d’Arthur de Pins et d’Alexis Ducord, le co-réalisateur. La vedette du parc, c’est Steven, un vampire playboy qui brille au soleil, le clone animé d’Edward Cullen, et qui fait sensation sur la grande roue. Arrogant, il est convaincu qu’il faut un changement radical dans le parc et mettre les zombies au placard pour faire un parc consacré aux vampires uniquement. Bien évidemment, l’arrivée d’Hector ne lui plait guère… Certes, il ne change pas des méchants qu’on a déjà vu de par ses actions, mais il a le mérite d’être bien écrit. Mais Twilight se prend des taquets, parfois subtils, tout au long du métrage, jusqu’au combat final.
Un très bon film d’animation, qui manque juste un peu de mordant
Au final, Zombillénium s’adresse à tout le monde, car il offre différent niveaux de lecture : les enfants passeront un bon moment avec les monstres,verront une jolie histoire, les fans de la BD reconnaîtront certains dialogues repris mot pour mot, et les adultes verront des références multiples, aussi bien à la pop culture qu’aux problèmes de société actuels. La contrepartie, c’est que le tout est tout de même moins mordant ( si je puis dire) que la BD. Mais c’était sans doute le petit prix à payer pour attirer tous les publics. Le long-métrage prouve qu’une production franco-belge peut faire, sans aucun doute, aussi bien que les américains, tout en étant aussi un poil moins stupide dans le message qu’il délivre.
Si vous ne devez voir qu’un seul film d’animation en cette période d’Halloween, celui-ci est un excellent choix. Nul doute que ce parc d’enfer vous emmènera au paradis.