Voilà bien un film unique. Sans vouloir jouer au vieux grincheux, il n'est pas certain que son pareil sortirait aujourd'hui. Trop "raciste" à une époque où fleurit une haine raciale d'autant plus perverse qu'elle prend soin de s'abriter derrière des évidences devenues slogans.
Alors oui, dans ce film, on verra des blancs se défendre contre des noirs. J'aime cependant à penser que le titre du film implique un certain respect vis-à-vis des zoulous. Le premier plan du film les montre défiler, victorieux, parmi les cadavres britanniques, ramassant les fusils qui jonchent le sol comme trophées du vainqueur. Et à aucun moment, ils ne seront traités comme des sous-hommes. Bien au contraire. Le film s'attarde longtemps sur une cérémonie de mariage prenant place au sein de leur capitale, souligne leur mépris du danger face aux fusils britanniques, les fait charger et se faire tuer dans le seul but de mesurer la portée du feu gallois, laissent partir (à deux reprises) une carriole portant deux civils. Ils forcent le respect des spectateurs comme celui de leurs ennemis.
En un sens, ils sont les véritables héros de ce film. La fin de ce dernier laisse d'ailleurs entendre que la victoire dépend entièrement d'eux, et qu'ils l'accordent à qui en est digne.
Pas étonnant que le gouvernement sud-africain de l'époque ait été réticent à la sortie d'un film où une ethnie noire était vue comme autre chose qu'un ramassis de sauvages.
Zoulou est aussi un film sur une poignée d'hommes enfermés dans une petite forteresse, désespérément seuls face à une armée quarante fois plus nombreuse, et qui vient juste de détruire leurs troupes. Dans l'adversité, les hommes paraissent sous leurs véritables visages. C'est ainsi que le missionnaire suédois devient fou devant l'avancée du danger (il est par la suite évacué un peu trop rapidement) et qu'un mutin indiscipliné sauve ses camarades blessés d'un massacre certain.
Et bien sûr, tous les soldats doivent tenir devant les zoulous. Moins que leur puissance de feu, c'est leur discipline qui les sauvera, une discipline de fer qui n'est pourtant pas exempte d'humanité. En témoigne la scène où l'excellent personnage du sergent instructeur fait l'appel des survivants, où l'on sent que le sergent s'efforce de rester fort devant ses hommes, malgré la mort de ses camarades.
En témoigne aussi cette scène magnifique où les survivants, terrés derrières leurs barricades en attendant l'assaut des guerriers zoulous, décident de répondre aux chants de leurs adversaires par un chant de chez eux, "Men of Harlech". Note martiale que les zoulous ne peuvent manquer d'apprécier, courage européen répondant à la bravoure africaine.
C'est peut-être cela qui décidera finalement les zoulous à laisser la vie sauve aux derniers soldats (lors d'une scène, là encore, superbe): le fait que les gallois, loin de mépriser leurs ennemis, les ont suffisamment estimés pour pouvoir leur résister, allant jusqu'à les imiter, notamment par leur chant, ainsi que dans la scène finale, où les britanniques ramassent les sagaies et les boucliers de leurs ennemis tombés au champ d'honneur, scène qui fait écho à la première scène du film. La boucle est bouclée.
Nul ne saurait surestimer l'influence de ce film dans l'histoire du cinéma: Ridley Scott et Peter Jackson l'ont cité parmi leurs influences. C'est un des fleurons du cinéma britannique et du cinéma de guerre. Un hommage aux soldats de Rorke's Drift ainsi qu'à leurs adversaires. Et l'un des premiers rôles importants de Michael Caine au cinéma.
Bien sûr, on remarquera que les combats au corps à corps ont beaucoup vieilli, que le triomphalisme anglais, s'il est discret, peut rebuter, ou que le film démarre beaucoup trop lentement (bien que cela mette en place une très belle ambiance d'attente). Mais si l'on passe au-delà de tout cela, on ne pourra manquer d'apprécier le voyage, de s'extasier devant les superbes paysages sud-africains, de vibrer aux chants martiaux des guerriers et, tout simplement, de faire une très belle expérience de ce que le cinéma de divertissement peut offrir de meilleur.
A regarder sur grand écran de préférence.