Publié en 2008, le roman de Caryl Ferey, "Zulu", avait été pour moi un véritable petit choc, polar brutal et prenant doublé d'un constat extrêmement amer sur l'après apartheid. Son adaptation cinématographique était aussi attendu que craint.
Présenté en clôture au festival de Cannes en 2013, "Zulu" est confié au cinéaste français Jérôme Salle, connu principalement pour "Largo Winch". Posant ses caméras en Afrique du Sud, Salle capte avec efficacité les cicatrices du pays, soigne son cadre et fait le boulot.
Dans un rôle initialement prévu pour Djimon Hounsou, Forrest Whitaker, amaigri jusqu'à faire peur, est une fois de plus impeccable, tout en subtilité. Face à lui, Orlando Bloom est comme transfiguré, le comédien montrant enfin une parcelle insoupçonnée d'un jeu jusque-là inexistant. Leur duo est le point fort d'un film intéressant, mais qui n'arrive malheureusement pas à retranscrire pleinement la force du bouquin dont il est tiré.
Fidèle au matériau d'origine, le scénario peine cependant au niveau du rythme, enchaînant sans temps mort les séquences clés, sans laisser le temps au récit de respirer, perdant ainsi énormément de la tension à couper au couteau du fabuleux roman de Caryl Ferey. Si la violence et le ton désenchanté sont heureusement conservés, l'adaptation perd une partie essentielle de l'oeuvre originelle, à savoir cette dualité entre l'homme civilisé et son instinct guerrier, directement hérité de la culture zulu.
Entre les mains d'un cinéaste de la trempe d'un Fincher, d'un Carnahan ou d'un Michael Mann, "Zulu" aurait sûrement été un polar grandiose et puissant. En l'état, il reste un film loin d'être désagréable, honnête et relativement efficace, porté par deux comédiens en état de grâce.