En général, un polar réussi répond à au moins un des trois critères suivants : un contexte particulier (historique, géographique, professionnel) qui nous édifie, une descente en apnée dans ce que la noirceur humaine a de plus ignoble (et donc proche de nous) ou enfin une trame absolument ébouriffante comportant pourquoi pas un twist final démoniaque.
Bien entendu, aucun de ces éléments n’étant exclusifs, le polar du siècle hypothétique pourrait comporter chacun d’entre eux.
Malheureusement, la trame décapante, après150 ans d’exercice littéraire (premier polar moderne : «pierre de lune» de W. Wilkie Collins ?) et cinématographique, devient fréquente comme un ami de Jean-François Copé non inquiété par la justice. La description méthodique et clinique de nos bassesses les plus inavouables sont plutôt l’apanage des auteurs de romans borderline (James E., si tu me lis !)
Ne reste donc le plus souvent, pour le cinéma, que le milieu atypique et dépaysant.
Forest, oui : t’écœures !
Zulu remplit ce cahier des charges, au moins dans sa première partie. L’Afrique (du sud) étant bonne hôtesse, l’équipe de la police criminelle de Capetown (les fameuses et laborieuses populations du Cap) constituée de Forest Whitaker et Orlando Bloom, comporte son lot de moments singuliers, liés à une géographie sinon méconnue, en tout cas suffisamment inhabituelle pour capter l’attention. Les éléments de langage, les accents, les bords de mer luxueux ou les bidonvilles inquiétants, sont autant de motifs d’intérêts qui se superposent à une enquête qui, passée une première demi-heure agréable et une scène de plage détonante, retombe bientôt dans une routine un peu décevante.
D’ailleurs, il y a des signes qui ne trompent pas: ici un eunuque, là un décapité, on est proche de l’histoire sans queue ni tête.
Caméléon Bloom
La performance spectaculaire d’Orlando Bloom (méconnaissable, et donc pas mauvais) n’y fait finalement rien. Jerôme Salle, le réalisateur de Largo Winch et The tourist reprend trop rapidement les codes convenus du polar urbain (méchants remplissant le cahier des charges –politique, militaire et affairiste-, gentils atteints dans leurs intimités, épisode vengeur jusque-boutiste), suivant sans doute de trop près la trame du roman original de Caryl Ferey, sans qu’un talent d’écriture suffisamment fort ne vienne équilibrer l’ensemble.
Tentative de rédemption artistique en partie gâchée pour un réalisateur qui fut brièvement prometteur et un acteur victime de ses rôles à (trop) grand succès, qui avaient l’un et l’autre l’occasion de prendre un virage qui n’est ici qu’esquissé.
Suffisant néanmoins pour qu’on puisse se pencher avec curiosité sur la suite de la carrière des deux hommes.
Whitaker,lui, ça fait longtemps qu’on sait qu’il est capable de rendre n’importe quel nanar (ce qui n’est pas le cas ici, attention) digne d’intérêt. Une sorte de professeur qui n’a plus besoin de donner de cours, Forest.