Quand on atteint un certain âge, il est facile de se réfugier dans le jeu vidéo rétro (ou dans le néo-rétro, ces “love letters to” si nombreuses aujourd’hui). Le jeu vidéo, en tant qu’art où le joueur incarne celui qui fait avancer la fiction ludique, est bien plus chronophage que le cinéma, par exemple. Il est donc naturel de chercher, parfois, une expérience confortable, sans heurts, qui ravive de bons souvenirs.
Avec 1000x Resist, j’ai quitté cette zone de confort. Pas de “nostalgic goggles” ici – et comme le dit si bien le jeu : “Nostalgia can be a dangerous thing”. J’ai découvert le monde à travers les yeux d’une nouvelle génération de créateurs et créatrices, principalement hongkongais, qui livrent une œuvre personnelle et marquante.
Que reste-t-il des manifestations de Hong Kong de 2014 ? 1000x Resist explore cette histoire sous le prisme d’une génération dont les parents étaient manifestants et qui, pour certains, ont dû s’exiler. Le récit est hanté par le fantôme de la terre natale, par la tristesse, la rancœur et la colère de l’exil. Les parents d’Iris, la protagoniste, incarnent à merveille l’ambivalence de l’engagement politique : une mère farouchement investie, prête à sacrifier sa famille pour sa cause, et un père désabusé, qui préfère se concentrer sur le bien-être de ses proches. Puis il y a Iris, enfant de la révolution mais aussi de la désillusion.
Sans dévoiler trop de détails – car il est difficile de parler de ce jeu sans risquer de gâcher l’expérience – il faut comprendre que 1000x Resist est un récit de science-fiction profondément ancré dans notre réalité. Les événements contemporains comme les manifestations hongkongaises ou la crise du Covid servent de sous-texte, rendant cette fiction futuriste accessible et évocatrice. L’histoire principale se déroule dans un avenir lointain, oscillant entre le thriller et l’introspection.
Cependant, ne vous attendez pas à une narration classique. L’univers de 1000x Resist se découvre par des dialogues (intégralement doublés) et des mises en scène visuelles d’une grande inventivité. Ce n’est pas un récit évident, et il faut parfois s’accrocher pour relier les fragments d’histoire. Le jeu navigue constamment entre passé et présent, ce qui peut dérouter. Ici, personne ne vous prendra par la main.
Visuellement, 1000x Resist possède une identité forte. Il excelle à créer des scènes marquantes, capables de susciter des émotions intenses. Sur la dizaine d’heures qu’il propose, chaque chapitre surprend par de nouvelles idées et des moments inédits. Cela dit, j’ai été légèrement agacé par certaines mécaniques récurrentes, comme la navigation dans le hub central – un “mall futuriste” confus et parfois frustrant – ou les séquences de projection avec la gâchette R2, un peu trop répétitives.
Mais ces détails ne pèsent pas lourd face à la puissance de cette œuvre. Ce premier jeu, certes “amateur” (triple guillemets), réussit à allier étrangeté et humanité. Il traite de thèmes universels tout en maintenant une aura de mystère. On n’en comprend pas toujours tous les tenants et aboutissants, mais il faut accepter de lâcher prise et se laisser porter par cet univers fascinant.
La prouesse de 1000x Resist réside dans sa capacité à provoquer des moments de révélation, où une action ou un dialogue éclaire un événement survenu des heures plus tôt.
Peut-être que je sonne pompeux, ou que ce que j’écris semble confus, mais sachez une chose : 1000x Resist n’est pas un jeu opaque. C’est, au contraire, un récit lumineux.