Le PC et les jeux de plate-forme 3D, ça n’a jamais été une histoire d’amour. Même la 2D, désormais chasse gardée des développeurs indépendants, fait triste mine chez nos gros éditeurs jadis prolixes. Autant dire que si on ne joue pas sur console, il faut s’attendre à des périodes de vaches maigres… et ne pas avoir peur qu’elles se chiffrent en décennies : en-dehors de quelques jeux à licence moyens et autres adaptations de films pour enfants, le PC n’a dû accueillir que quatre ou cinq jeux du genre à avoir un minimum fait parler d’eux. En prenant en compte cette rare concurrence mais aussi l’encourageant raffut provoqué par le crowdfunding de Yooka-Laylee, Poi, petit projet indépendant, avait donc un véritable boulevard devant lui, et à peu près aucune chance de décevoir.
On aurait pu penser que les développeurs de chez Polykid se seraient contentés du minimum, tout assurés qu’ils étaient de trouver un public trop affamé pour faire la fine bouche. Mais en réalité, ils ont fait beaucoup plus que ça. Plutôt que de s’inspirer d’un Super Mario 64, ils en ont carrément copié l’ADN. Son système de hub central, ses niveaux semi-ouverts, ses missions, ses étoiles à collectionner (ici, des médailles). Ses personnages s’exprimant en borborygmes, ses musiques enjouées, ses tons pastel, ses ennemis mignons et rondouillets. Et, plus étonnant (et toutes proportions gardées) la précision de son gameplay. Dans un jeu de plates-formes 3D, les contrôles sont primordiaux, et cela, les développeurs l’ont bien compris en proposant une prise en main immédiate ne souffrant de presque aucun reproche : notre héros (ou héroïne) se manie avec aisance, la caméra se comporte très correctement... De plus, le jeu reste parfaitement lisible en toutes occasions grâce à une direction artistique sobre et maîtrisée, qui décalque en HD le style visuel du même Mario 64 ou d’un Croc.
Si l’on ajoute à cela une absence totale de cut-scenes, une histoire simplissime racontée par des textes de deux lignes adorablement naïfs et un rythme parfaitement dosé, Poi incite à toujours continuer de jouer. Les missions se réussissent les unes après les autres, et les développeurs trouvent toujours un moyen de relancer naturellement l’intérêt, particulièrement par l’extension régulière d’un hub central débordant de défis annexes. De Mario 64, Poi reprend cette totale harmonie entre action, adresse et plaisir d’exploration, avec seulement 4 niveaux certes, mais 4 niveaux parfaitement conçus, assez grands et regorgeant de petits secrets compilés dans un compendium qu’on prend un plaisir fou à compléter. Le game design est bourré de petites attentions, entre les défis à débloquer, le système d’argent qui sert à débloquer de l’équipement, les récompenses liées à l’exploration… Quant aux missions, elles se renouvellent si régulièrement dans leur ton et dans leur gameplay qu’on n’a jamais le temps de s’ennuyer. C’est bête, mais il n’en faut pas plus pour séduire. Les développeurs ont « simplement » intégré les principes de ce qui fait un bon jeu de plates-formes 3D : même recette, mêmes ingrédients, même précision du dosage. Bien entendu, en tant que petit jeu indé, Poi n’atteint pas l’excellence d’un classique et le boucler à 100% ne prendra guère plus de 8 ou 9 heures. Mais compte tenu de son prix ridicule, on peut sans risque affirmer que Poi est à la 3D ce que Shovel Knight est à la 2D : une petite pépite, et un indispensable pour tous les affamés de jeux Nintendo qui n’ont pas de console Nintendo.