The Hungry Horde vaut-il le coup ? On n'en saura probablement jamais rien. Ce jeu d'arcade est la première réalisation d'un jeune studio anglais, Nosebleed Interactive, et a été produit dans le cadre du XDEV, programme d'exclusivités tiers pour la marque PlayStation soutenu par Sony. En général, les jeux Vita estampillés XDEV témoignent de nombreuses qualités, aux premiers rangs desquelles un concept fort, une expérience utilisateur plutôt clean et une bonne exploitation des différentes capacités de la console, plus particulièrement du tactile, de l'accéléromètre, du online et de Near. La production de jeux indépendants sur Vita s'est par ailleurs simplifiée depuis le support officiel d'Unity, qui a permis à de nombreux petits jeux d'éclore, pour le meilleur comme pour le pire. Et The Hungry Horde tombe en même temps dans le meilleur et le pire. Le meilleur, grâce à tout un tas de petites idées conceptuelles s'accordant très bien avec la mode actuelle et avec l'immédiateté du support nomade ; le pire, à cause d'un équilibrage tellement pourri qu'il en devient carrément amateur, d'un manque de cohésion général et de temps de chargement qui donnent envie de se suicider (essayez, vous verrez).
Commençons par les qualités. The Hungry Horde est un jeu bien branlé. Le concept fonctionne, c'est fluide, drôle et sans temps mort. Le joueur contrôle une horde de zombies qui commence toute petite, se promène sur une map vue de 3/4 haut et a pour but de toucher le plus d'humains sur son passage pour grossir la fameuse horde. Petite astuce, la partie prend fin au bout d'un court compte à rebours, auquel on peut ajouter de précieuses secondes en bouffant des gens, en terminant des sections de niveaux ou en participant à des mini-jeux trouvés en chemin. C'est varié, nerveux, intuitif. On se prend au jeu. Le gameplay comprend de nombreuses petites variations qui permettent de relancer l'intérêt sur de courtes sessions, dont le rythme ne faiblit jamais. Techniquement, c'est aussi bien : sans déchirer la rétine, les graphismes sont agréables et l'action est fluide malgré le nombre parfois énorme de zombies affichés à l'écran (il faut dire qu'ils sont cubiques, ça aide). En faisant de bons scores, on déverrouille des autocollants que l'on peut retrouver dans une galerie façon album Panini. Ici, les développeurs ont poussé le charme lo-fi à son paroxysme, avec un véritable petit booklet virtuel que l'on remplit en ouvrant de petits paquets d'autocollants représentant divers zombies azimutés qui viennent délicatement se déposer à leur emplacements respectifs. Dans l'ensemble, ces autocollants ne servent que d'indicateur de progression, mais certains, plus rares, débloquent des minijeux débiles et rigolos (souvent, des variantes maison de jeux célèbres, comme Snake ou Metal Gear) qu'on prend plaisir à retrouver depuis le menu principal. C'est frais.
Mais bon. Déjà, on ne veut aucun mal à cette récente compatibilité de Unity avec les systèmes Playstation, au contraire, mais en l'état, il est difficile de trouver un réel attrait à des jeux souvent développés à la va-vite, s'engouffrant dans la brèche dans le simple but d'être les premiers, au mépris du respect d'un certain cahier des charges, surtout sur support nomade où la rapidité d'accès au jeu est indispensable. On a le temps de faire une sieste pendant le chargement initial de The Hungry Horde, c'est le plus terrible. C'est un jeu qui fonctionne sur des parties courtes, mais en compléter une prend presque moins de temps que de la commencer. On se demande comment Sony peut laisser passer ça, mais soit. Le problème majeur, c'est qu'après quelques parties, on constate qu'il n'y a à peu près aucune logique dans la courbe de difficulté du jeu, qui semble fonctionner sur un mode de génération aléatoire et quotidienne, les niveaux étant créés automatiquement en assemblant des portions pré-fabriquées. Il serait possible de survivre plusieurs jours, c'est-à-dire de compléter plusieurs niveaux d'une traite, avec boss final et tutti quanti ; en pratique, on ne verra que rarement la couleur de l'écran de fin de niveau, la faute à un compte à rebours extrêmement punitif et à des séquences de jeu parfois opaques faisant intervenir des commandes gyroscopiques ou tactiles qu'on cherche encore comment exploiter convenablement.
Même topo pour la collecte d'autocollants : c'est toujours la même chose, et on ne débloque que rarement des sésames intéressants. Les mini-jeux eux-mêmes, fendards, semblent décidés à nous faire la nique en nous refusant systématiquement des récompenses dignes d'intérêt, préférant lancer à la face du joueur de petits messages humiliants insinuant qu'il joue comme un pied. Ce qui est peut-être vrai, mais quand même, on aimerait avoir l'impression de pouvoir réussir ne serait-ce qu'une fois de temps en temps. Comme beaucoup de jeux de sa catégorie, The Hungry Horde se la joue hardcore et fun pour masquer une certaine paresse sur l'équilibrage d'ensemble, un manque de renouvellement global qui ne parviennent pas à faire illusion sur la durée. C'est un jeu qui aurait pu être super, mais qui, en l'état, n'est ni bon, ni mauvais. Un drôle de trip, un peu à l'image des choix de Sony pour faire vivre sa Vita en interne avec ce genre de projets indés, fauchés et bizarrement torchés, pourvus d'un réel intérêt qu'on empêcherait systématiquement de s'épanouir jusqu'à son plein potentiel. On saura gré à Sony d'avoir mis directement ce produit sympa mais bancal en PlayStation + directos.