Il est bien difficile de savoir par quel bout commencer cette critique de The Last of Us Part 2 tant il a suscité de réactions, avant et après sa sortie. D’abord, les craintes d’un gâchis après un premier épisode incroyablement marquant dont la perfection de la fin reposait essentiellement sur l’absence de suite. Donc autant dire qu’elle invalidait d’office le projet. Du moins, c’était sans compter sur l’incroyable talent d’écriture de Niel Druckmann et sa co-scénariste arrivée en renfort, Halley Gross, déjà connue pour son travail remarquable sur la série Westworld aux côtés de Jonathan Nolan. Ces derniers viennent de nous prouver avec brio qu’il était non seulement possible de faire une suite digne de ce nom mais qu’en plus, cela pouvait être fait sans gâcher la saveur de cette fin de "partie 1".
Ensuite sont arrivées diverses polémiques que je vais "brièvement" aborder :
-Le jeu a subi un crunch et il y a eu pas mal de conflit, de stress, etc au sein des équipes de Naugthy Dog. Oui ok, je comprends que ça fasse débat mais c’est un problème global dans l’industrie, au lieu de se révolter soudainement sur quelques cas isolés car un employé rancunier s’en est plaint, je pense qu’il faudrait surtout chercher à en comprendre les causes pour trouver des solutions. Réagir en pointant du doigt les sociétés au lieu du système qui les a conditionné ainsi est contre-productif. Puisque les regards se portent uniquement sur les acteurs (connus) et non sur les causes, cela revient à tenir un discours militant assez hypocrite à mon sens. Le problème n’étant pas restreint à ce qui est connu justement… De plus je pense qu’il serait plus honnête de saluer l’immense prise de risque de Naugthy Dog qui ont dû se mettre une pression énorme sur leurs épaules. Faire une suite d’un tel jeu n’est vraiment pas chose aisée comme je l’expliquais précédemment et on comprend qu’il ait pu y avoir des tensions et des divergences d’opinions quand on voit le récit osé, mature et volontairement clivant du jeu. Attention, je ne cherche pas à minimiser le problème, il faut que les crunchs cessent, mais en tant que joueur passionnén je me pose diverses question « une œuvre pourrait-elle atteindre un tel niveau qualitatif sans crunch ? N’est-ce pas le dépassement des limites humaines qui conduit à la créativité et l’excellence dans tout domaine ? L’exigence toujours plus grande des consommateurs n’est-elle pas la cause principale du problème ? ». Vaste sujet…
-Puis il y a eu les leaks, que j’ai par chance réussi à esquiver. Je ne sais donc pas ce que les gens ont vu et pensent avoir compris de l’intrigue avec ça mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut bien plus d’1h30 pour comprendre les tenants et les aboutissants du scénario. Sorties de leur contexte, ces images ne valaient donc rien et ont juste gâché une aventure inoubliable à de nombreux joueurs, dont la plupart était de toute manière visiblement trop stupide, immature et fermé d’esprit pour en saisir la portée et l’intelligence. Le simple fait qu’ils aient découvert l’homosexualité d’Elie par ce biais (alors qu’elle était déjà clairement identifiable dans le premier et explicitement montré dans son DLC il y a 7 ans) et se sont mis à accuser le jeu de faire de la propagande LGBT en est l’incontestable preuve…
-L’homophobie fut donc la troisième vague de polémique mais bon, j’ai pas grand-chose à argumenter là-dessus, je trouve ça suffisamment ridicule sans avoir besoin de démontrer pourquoi. Surtout quand on sait l’importance totalement négligeable de l’homosexualité dans le récit, et je ne vous parle même pas des arriérés finis qui se sont mis à croire que le personnage d’Abby était transsexuel juste parce qu’elle est musclée. Comme si la sexualité et l’identité sexuelle d’une personne étaient proportionnellement corrélées à sa corpulence musculaire… genre ça leur viendrait pas à l’idée que l’entraînement militaire et la nécessité de survie dans un contexte d’apocalypse zombie aient eu une répercution sur son physique !? D’ailleurs pour avoir fait le jeu, je la trouve très féminine, autant dans sa psychologie que dans ses traits de visage et expressions faciales. Je pense que comme d’habitude, les homophobes qui en sont rendus à avoir des réflexions aussi pauvres et stéréotypées sur le genre devraient s’interroger sur leur propre sexualité avant de juger celle des autres, car y a pas plus gay qu’un homme refusant d’incarner autre chose qu’un homme virile et incapable de reconnaître une femme quand il en voit une, après moi je dis ça…
-Mais ça, ce n’était encore que le début car maintenant que le jeu est sorti, une nouvelle polémique fait rage, plus intéressante cette fois-ci mais tout aussi haineuse. Naugthy Dog a "menti" dans sa communication (trailer, interview) dans le but de surprendre le public et ainsi conserver l’impact émotionnel de leur titre. Une intention pourtant très louable, parfaitement légitime et justifiée au vu de l’importance du récit et des éléments de surprise sur lesquels il repose. Mais ce n’est visiblement pas du goût de la plupart des gens qui accuse le studio d’avoir fait une publicité mensongère, honteuse et de les avoir trompé. Ceci mettant en évidence encore une fois l’étroitesse d’esprit de ce public consumériste qui, par cette colère, vient inconsciemment donner raison à l’un des problèmes majeurs qui accable l’industrie aujourd’hui, la communication spoilante et le journalisme intrusif. Car c’est là qu’est toute l’importance du débat, Naugthy Dog a jeté un pavé dans la marre plus que nécessaire à mon sens puisqu’il convient d’interroger nos habitudes de communication et de consommation. J’espère sincèrement que d'autres tireront des leçons positives de cette histoire malgré la masse qui descend bêtement le jeu sur ce point. D’autant que si on y réfléchit bien, Naugthy Dogs n’a fait que jouer avec le montage et c’est le public qui s’est fait une fausse idée du jeu tout seul. Hideo Kojima a déjà l’habitude de le faire depuis des années et pourtant, personne ne s’en est jamais plaint, le qualifiant même à raison de génie de la communication pour cette "extravagance". On croirait être en face de véritables enfants rois qui pinaillent s’ils n’ont pas leur kinder et c’est franchement désolant, désolant de savoir que c’est malheureusement cette majorité bruyante qui sera encore une fois entendue, inconsciente des ravages qu’elle engendre…
-Tout cela s’est donc traduit pas un Review Bombing, pratique des plus pitoyable qui consiste à mener une vendetta publique contre un jeu auquel on a généralement même pas touché, en alignant massivement le 0/20 afin d’exprimer un mécontentement illusoire puisque ces gens se fichent pas mal de l’œuvre en question. Car c’est malheureusement aussi ça internet et la liberté d’expression, donner un pouvoir de parole à tous ceux qui ne le méritent pas et n’ont ni l’intelligence, ni la culture suffisante pour argumenter convenablement leurs prises de position… Mais là, je deviens sans doute pédant et quelque peu politique alors je vais m’arrêter là. J’ajouterai simplement pour info qu’il y a même eu une pétition pour faire changer le scénario (non mais sérieux les gens facepalm) sans parler bien évidement des habituelles menaces de mort envers les acteurs, doubleurs et scénaristes.
Bref pour conclure sur ces polémiques, je voudrais signaler à ces gens que toute leur colère, leur mépris, leur rengaine, donnent tout son sens au jeu dont c’est justement le propos. Et conscient de ce qu’il allait être, le jeu nous balance même un document méta sur la réaction qu’allait avoir les joueurs. Du coup merci d’exister, vous faites vivre le jeu par-delà le quatrième mur, mieux, vous faite partie du jeu sans même en avoir conscience.
Car oui, avec ou sans ces polémiques ridicules, Naugthy Dog avait bien l’intention de provoquer une certaine colère/frustration avec
la première mort du jeu
D’où l’intérêt, que dis-je, la nécessité de duper les attentes du joueur via la communication, ça faisait en réalité partie intégrante du procédé créatif de l’œuvre.
Graphismes :
Absolument sublime, la réalisation est impeccable et les animations sont bluffantes. Je ne parle pas seulement de scène cinématique avec des personnages en gros plan, je pense aussi aux animations in game, les interactions avec les objets et les ennemis, jamais un jeu n’avait atteint un tel niveau de réalisme et de minutie. Mention spéciale également aux giclées de sang et impacts de balles ou de coups qui m’ont époustouflés, le sang éclabousse différemment selon l’angle et le coup porté et se projette sur les décors de manière très réaliste puis une fois le corps à terre, il s’écoule lentement en suivant très précisément le relief du sol. On sent vraiment qu’un soin particulier a été apporté sur ce détail pour accentuer la violence de l’action et bordel ce que ça fonctionne bien, je n’ai jamais été aussi immergé, je ne me suis jamais autant questionné sur ma violence de joueur (hormis sur la fin de God of War 3 qui aborde la question différemment mais de façon tout aussi intelligente avec la mort de Zeus qui ne s’arrête que lorsque le joueur s’interroge et arrête de marteler la touche « frapper » de lui-même et non parce que le jeu le décide ou le lui demande, abordant par la même occasion les questions de libre arbitre et de conditionnement tel un Stanley Parable)…
Les décors de The Last of Us Part 2 passent de bâtiments délabrés à forêts luxuriantes et autres champs de blé surplombant un paysage lointain à couper le souffle. Tout est méticuleusement rempli, il ne faut pas plus de quelques seconde pour s’imaginer l’ancienne vie des habitants lorsqu’on entre dans un bâtiment, les détails fourmillent, et les cadavres qui jonchent notre périple ont tous une histoire à raconter, que ce soit par le biais d’un document ou simplement par la position dans laquelle il a été figé dans les décors qui l’entourent. Les forêts, quant à elles, sont très fournies en végétation et remplies d’épaves de voitures ou de ruines, seules témoins d’un monde révolu.
Sur le plan technique le jeu accomplit une vraie prouesse, c’est incroyable de voir une PS4 (Pro pour ma part) capable de sortir un tel rendu sans aucune baisse de framerate ou quoi que ce soit. Il met à l’amende même les jeux les plus impressionnants de la console (Until Dawn, God of War, Horizon Zero Dawn ou encore Marvel’s Spiderman) et restera probablement au sommet même avec la récente sortie de la Next Gen, surtout s’il bénéficie d’un patch PS5 ou d’un portage PC soigné.
Gameplay :
Le jeu reprend évidement les bases du premier opus mais l’améliore en ajoutant quelques features sympathiques : possibilité de crafter des munitions spéciales, un silencieux de fortune (très pratique) ou encore des mines. Les personnages disposent également d’un arbre de compétence plus fourni que dans le premier, séparé en plusieurs branches qu’il faudra débloquer en trouvant les manuels d’entraînement adéquats. Le corps à corps a également été largement amélioré, reprenant la solide formule d’Uncharted 4 avec un système d’esquive et des coups qui dépendent de l’environnement et de la situation, rendant les rixes très impressionnantes et crédibles. L’IA des ennemis est également très convaincante, n’hésitant pas à nous prendre à revers en passant à couvert par un bâtiment ou à nous tirer dessus en rafale si on tente une approche au corps a corps. Les rondes ennemis lorsqu’ils sont en alerte sont plutôt malines et ne suivent pas un tracé « circulaire », le parcours change constamment rendant leur comportement plus crédible et moins prédictible. De même, lorsque les ennemis sont à couvert, ils refuseront de sortir une tête si vous les gardez en joue. Néanmoins, ils ont tendance à être sacrément aveugles et vous pourrez les attraper frontalement avant qu’ils ne déclenchent l’alerte (du moins en facile). Ce qui est nettement plus critiquable, en revanche, c’est l’IA de nos alliés qui a trop tendance à rester passive et pire encore, à nous pousser lorsqu’on est à couvert ou bloquer notre route en restant en travers d’une porte. De plus, lorsqu’on est à couvert, notre personnage a tendance à se mettre dans le mauvais sens, ce n’est pas gênant en soit mais ça brise l’immersion pour le coup, laissant notre sac à dos et nos armes à la vue des ennemis et créant une incohérence entre notre vue caméra qui scrute les environs et le personnage qui regarde le mur…
Voilà donc pour ce qui est du gameplay que beaucoup reproche d’être trop classique et surtout très épuré, mais je me dois de rappeler à ces gens l’importance du réalisme recherché. Pas de super héro dans ce jeu, juste des humains, fragiles et sensibles, et je ne connais aucun jeu capable de le faire ressentir aussi bien que The Last of Us, en particulier ce deuxième opus qui rend la violence et la douleur presque palpable (je rêve d’une maj PS5 maîtrisant à la perfection les fonctionnalités haptiques de la dualsens). Qu’attendre de plus d’un jeu réaliste ? Reprocher son classicisme à cause des éléments RPG (crafting, compétences) ou d’infiltration trop souvent exploités depuis Assassin’s Creed, ça je suis on ne peut plus d’accord, mais reprocher au jeu de ne pas être plus extravagant, non, désolé mais non, et si cette simplicité vous dérange tant, c’est peut-être qu’il n’est finalement pas si classique que ça, au fond. Il y a des jeux plus minimalistes que ça qui sont pourtant considérés comme des chefs d’œuvre pour ce même gameplay (Shadow of the Colossus, Journey). En ce qui concerne le level design, le jeu étant principalement centré sur sa narration, il ne faudra vous attendre à une inévitable linéarité, même si des maps plus ouvertes et une certaine verticalité sont au rendez-vous.
Dernier point à aborder, c’est tous les éléments d’accessibilité dans les menus du jeu, c’est une vrai avancée dans le domaine de l’accessibilité aux personnes handicapées. Je n’ai pas checké toutes les possibilités car pas concerné personnellement et pas forcément instruit sur le charabia médical associé, mais il est certain qu’aucun autre jeu avant lui ne proposait autant d’aménagements. C’est d’ailleurs si impressionnant qu’il a remporté le prix de l’accessibilité aux Game Award. Même la difficulté du jeu peut être personnalisable à l’envie, ne laissant pas uniquement le choix entre "facile", "moyen", "difficile", etc mais permettant au joueur de faire varier les curseurs lui-même (dégâts subis, santé ennemis, prudence des ennemis, etc).
Durée de Vie :
Comptez une trentaine d’heures pour voir le bout de l’aventure, c’est presque le triple du premier. Cette durée finit d’ailleurs par essouffler les boucles de gameplay et les joueurs les moins téméraires pourront se sentir lassés avant la fin. Pour autant, je ne trouve pas que le jeu soit trop étiré, il a simplement beaucoup de choses à dire et mettre en scène, développer les tensions entre Séraphites et Wolf, parler du passé, de la gestion de la crise et des dérives qui ont suivies, développer la relation entre certains personnages comme Elie, Dina etc. Chaque chapitre a son importance bien que je reconnaisse que le jeu aurait été plus digeste avec 10h de moins. Néanmoins, Naugthy Dog parvient à exploiter cette faiblesse pour en faire une force dans son épilogue, élément que je développerai plus en détail dans la partie narration. Par ailleurs, conscient de sa trop grande générosité, le récit est entrecoupé de petits flashbacks servant de respirations à cette quête de vengeance jusqu’au-boutiste, afin de nous laisser digérer la violence et prendre le temps d’y réfléchir. Un choix qui complexifie également le scénario, dans le bon sens du terme, dévoilant les enjeux de son intrigue au compte-gouttes et développant ses personnages dans des sous intrigues pertinentes.
Musiques :
Plus discrète que celle du premiers opus qui, de part un ton plus calme et posé, leur laissait davantage de place pour s’exprimer. La qualité de l’OST est pourtant bien présente, Gustavo Santaolalla parvient, une nouvelle fois, à nous émouvoir avec ses riffs de guitare mélancoliques (Longing <3) et il est cette fois-ci, accompagné de Mac Quayle pour toutes les musiques de combat également très intenses. Quelques chansons font également leur apparition dans cet opus mais elles ne sont pas présentes dans l’album d’OST, à mon grand regret.
Scénario :
Pour la suite de l’analyse, je ne vais pas pouvoir faire autrement que spoiler massivement l’intrigue donc tout ce qui suit sera sous balise SPOILER jusqu'à la conclusion résumée de mon opinion.
La scène d’ouverture prend place peu de temps après les événements du premier jeu, Elie et Joel sont vraisemblablement installés dans une communauté, Joel rend visite à Elie avec un cadeau, une guitare. Pour les plus assidus et attentifs d’entre vous, cet élément n’a rien d’anodin, il fait directement référence à un dialogue optionnel du premier opus où Joël lui promettait de lui apprendre à en jouer un jour. Cette guitare est très chargée en symbolique, elle ne fait pas simplement un lien fan service au précédent jeu, elle représente le lien parental qui s’est créé entre eux, la guitare et sa pratique est l’héritage de Joël à sa postérité. Une symbolique renforcée par une chanson que va lui dédier Joël (encore une référence à un dialogue de The Last of Us 1 ou Joël avoue à Elie qu’il rêvait d’être chanteur avant la pandémie mais refuse de lui faire une démonstration de ses talents). Et cette chanson en plus d’être particulièrement touchante, est non seulement une déclaration d’amour puissante mais aussi une métaphore de l’aventure à venir avec ces premiers mots déchirants « si je venais à te perdre, je me perdrais moi-même ». De fait, cette guitare et cette chanson seront centraux dans le récit.
Suite à ces émouvantes retrouvailles avec nos deux héros, une ellipse nous plonge dans leur quotidien au sein de cette communauté, quatre ans plus tard. Une fête s’organise, la suite avait été montrée en trailer, Elie et Dina s’embrassent, ce qu’on n’avait pas vu, en revanche, c’est qu’un type éméché les agresse en tenant des propos homophobes, Joël tente de s’interposer mais se fait méchamment rabrouer par Elie. Une réaction quelque peu surprenante de sa part qui laisse entendre une évolution complexe de leur relation mais nous n’en saurons pas plus pour le moment. La nuit passe et nous voilà missionnée pour une patrouille aux cotés de Dina tandis que Joel part de son côté avec son frère. Cela nous permet d’en apprendre davantage sur Dina et sur l’évolution d’Elie. A cette occasion, on découvrira aussi une nouveauté héritée des Uncharted, le carnet/journal intime d’Elie, consultable à tout moment de façon optionnelle et agrémenté de ses réflexions personnelles au fur et à mesure de l’histoire. Notre duo décide de passer la nuit dans un poste de garde, écran noir et nous voila désormais aux commandes d’un tout nouveau personnage inconnu, Abby, qui quitte momentanément son groupe, visiblement à la recherche de quelqu’un et se retrouve subitement en situation de détresse. Elle sera heureusement sauvée de justesse par Joël et Tommy mais au moment des présentations, Abby semble perturbée par l’évocation du nom de Joël. Poursuivis par une horde de zombies, Abby propose à ses deux nouveaux compagnons de partir se réfugier dans le chalet où l’attend son groupe, n’ayant pas d’autres choix, Tommy et Joël acceptent. Arrivés au chalet, un silence pesant nous indique déjà que quelque chose cloche, Joël le comprend très vite, en quelques seconde le voilà à terre, la jambe brouillée par un tir de canon scié, le malheureux était celui qu’Abby cherchait, visiblement elle a de sérieux comptes à régler avec lui. Retour avec les personnages d’Elie et Dina qui s’apprêtent à repartir mais, étant sans nouvelles de Joël et Tommy, elles décident de faire un détour par leur avant-poste histoire de s’assurer qu’il ne leur est rien arrivé. C’est ainsi que Elie sera capturée et assistera impuissante à l’extrême violence de la mort de Joël…
Voilà le point de départ de cette aventure et le premier choc auquel le joueur est confronté, il est rare de voir un personnage aussi important mourir. On se souvient tous de la mort d’Aerith et on ne risque pas d’oublier celle-ci. C’est fait avec une telle violence que cela a été un véritable point de rupture pour certains « fans » (je déteste appeler ce genre d’énergumènes ainsi). Mais cela était parfaitement volontaire de la part de Naugthy Dog, c’était la réaction recherchée, la mort de Joël ne pouvait pas être douce, il fallait qu’elle soit violente pour créer un fort ressentiment envers Abby. C’est aussi pour cela qu’il fallait à tout prix garder le mystère dans la communication du jeu afin de préserver l’impact de ce moment qui donnera tout son sens au récit et son discours sur la haine, la vengeance, le deuil et le pardon (entre autres, car non ce n’est pas juste une stupide histoire de vendetta, c’est ce que j’aimerais essayer de vous faire comprendre ici). Ce choc est renforcé par le fait de nous avoir donné le contrôle d’Abby et montré qu’elle aurait dû être reconnaissante envers Joël sans qui elle n’aurait pas eu la vie sauve. Cela crée un sentiment de culpabilité chez le joueur, sentiment qui est également partagé par Elie comme nous le verrons bien plus tard, à la dernière scène du jeu (j’y reviendrai, du coup). De fait, Naugthy Dog parvient à transcender son média en insufflant au joueur les sentiments de son héroïne, dès cet instant le quatrième mur est brisé, la portée de l’œuvre devient méta, ces joueurs en colère devenant à leur insu les protagonistes du récit, la haine qu’ils voueront au studio ou au personnage d’Abby étant tout le propos de l’œuvre. Ainsi, tout le tapage scandaleux qu’aura subi le jeu avant même de sortir se retrouve complètement balayé par la finesse et l’intelligence du récit. Et ce n’est que le début !
Dès lors, Elie n’aura de cesse de poursuivre sa quête de vengeance, déciment un à un tous les amis d’Abby présents lors du massacre de son père d’adoption. Avec une violence tout aussi disproportionnée, la haine et la rancœur qui l’aveuglent la pousseront à commettre des actes qui la marqueront à jamais. En particulier lorsque par erreur, elle poignardera une femme enceinte peu de temps après que Dina lui annonce l’être aussi, de fait, symboliquement elle tue sa petite amie, elle tue même le futur, elle qui en était l’incarnation et la garante dans The Last of Us 1 à travers son immunité. Mais surtout, Elie réalise à cet instant qu’elle tue des humains qui ont une vie comme elle, qui ne sont pas de vulgaires soldats. Un élément qui est d’ailleurs appuyé tout au long du jeu par un élément que j’ai trouvé particulièrement brillant ; je vous ai déjà souligné la remarquable intelligence de l’IA des ennemis dans la partie gameplay, mais ce que je ne vous ai pas encore dit c’est qu’ils ont des noms, oui, chaque PNJ a un nom. Tuer n’importe lequel d’entre eux et ses camardes l’appelleront avec émotion et rancœur, de même pour les chiens. Cela a pour but d’humaniser nos ennemis, ici nous ne combattons pas seulement des bots virtuels désincarnés gérés par une console avec des patterns simplistes, non, nous tuons bel et bien des humains, o du moins, des incarnations convaincantes, une véritable révolution pour l’industrie à mon sens, jamais un jeu n’avait poussé le détail et la pertinence de son propos à ce point là.
Mais le jeu regorge encore de nombreuses surprises. Après cette prise de conscience d’Elie vis-à-vis du mal qu’elle cause aux autres et se cause à elle-même, dépourvue de nouvelle piste pouvant la mener à Abby, elle se laisse convaincre par ses amis d’abandonner sa chasse. Ensemble, ils rentrent à leur base pour rassembler des provisions et passer la nuit avant de rentrer chez eux. Nuit durant laquelle Dina accouche (si mes souvenirs sont bons, j’ai un doute). Mais au petit matin, Abby les a finalement rattrapé, bien décidée à lui faire payer ses exactions, elle tue Jessie, tire une balle sur Tommy puis braque son pistolet sur Elie désemparée, puis pouf, écran noir…
Nous revoilà aux contrôles d’Abby après un cliffhanger des plus frustrants, mais cette fois-ci, elle est jeune, c’est un flash back. Le jeu nous fait comprendre que nous sommes à la recherche de son père et après une brève enquête, nous le retrouvons tout excité par la découverte fortuite d’un zèbre piégé dans du barbelé. L’homme, visiblement très peu soucieux des dangers de ce monde apocalyptique, s’approche doucement de l’animal pour tenter de le libérer de son entrave. Une scène qui n’est évidement pas sans rappeler la fameuse scène des girafes de The Last of Us premier du nom, et qui vient probablement du même Zoo au vu de la proximité géographique des 2 évènements comme nous l’apprendrons dans quelques instant. C’est alors qu’arrive un autre personnage d’à peu près le même âge que Abby nommé Owen, celui-là même qu’Elie a tué dans la scène précédente aux cotés de la femme enceinte. Il vient pour annoncer que « la fille » est arrivée à l’hôpital et que cet homme, qui s’avère être un médecin, est donc demandé en urgence pour procéder à l’opération tant attendue visant à créer le vaccin qui sauvera l’humanité. Ce n’est d’ailleurs pas n’importe quel médecin ; c’est LE médecin, celui qui est en charge de créer l’antidote, le seul à pouvoir le faire, le DERNIER D’ENTRE NOUS (et oui, le titre prend soudainement un tout autre sens, n’est-ce pas ?).
La suite ne sera pas une surprise pour qui a fini le premier jeu, Joël pète un plomb, sauve Elie de l’opération qui devait lui être fatale et tue le médecin qui s’est mis en travers de sa route, condamnant par ce geste tout l’espoir de l’humanité et le destin d’Elie (au passage notons que Joël signifie « Yahvé » en hébreux et que Elie signifie « Dieu est Yahvé » tandis que Abby signifie « ma joie est en Dieu » et Jerry son père se traduit par « élevé par Dieu » mais bon c’est pas le moment de tergiverser sur des interprétations bibliques sans importance, je m’égare). Où en étais-je du coup ? Ah oui, Abby est alertée par les bruits de fusillade et découvre son père mort dans la salle d’opération. C’est à partir de là qu’elle vouera son existence à la poursuite et l’exécution du dénommé Joël, ainsi prend sens toute l’intrigue. Mais nous ne somme encore qu’a la moitié du jeu, le plus intéressant arrive ensuite. Nous voilà de retour dans le présent, enfin juste après l’exécution de Joël, toujours dans la peau d’Abby et ce jusqu'à sa rencontre fatale avec Elie. Nous revivrons donc la même temporalité mais cette fois-ci non pas en tant que chasseur mais en tant que chassée, enfin pas tellement car pour Abby le châtiment est accompli, elle reprend donc sa vie sans se soucier une seconde du monstre qu’elle a créé et du retour de flamme qui l’attend.
Le but est ici de nous dédiaboliser le personnage et même de nous le faire apprécier afin de jouer une nouvelle fois avec nos sentiments. Tout le ressort narratif de ce deuxième acte et l’enjeu global de l’œuvre peuvent se résumer à ce coup de maître parfaitement réussi. Tout d’abord, on nous montre la scène du zèbre pour faire écho à la scène des girafes du premier The Last of Us, en plus de faire ressurgir des sentiments assez forts au vu de la cultence de la scène (oui j’invente des mots, il est 4h du mat j’en ai plus rien à foutre XD), cela permet surtout de créer un parallèle évident (père fille animal sauvage, instant magique) qui humanise les protagonistes. Ensuite la mort brutale du père permet de justifier l’acte barbare d’Abby et nous rappelle la responsabilité/culpabilité de Joël vis-à-vis de l’humanité qu’il a condamné par égoïsme. Cela crédibilise la position de Joël en antagoniste et nous fait relativiser notre attache au personnage « c’est vrai qu’il l’avait un peu cherché/mérité ». Incroyable, sensationnel, je ne pense pas avoir déjà vu une œuvre capable de créer une telle inversion de valeur au milieu de son récit, c’est tout bonnement prodigieux. Afin d’amplifier ce changement de paradigme, nous voilà plongés dans le quotidien d’Abby et sa communauté de sympathiques gais lurons tout aussi respectable que celle d’où est issue Elie. On fera même un détour par les chenils avec la possibilité de lancer la balle à un chien, afin que ceux-là aussi bénéficient d’un regain de sympathie de la part des joueurs qui en ont particulièrement bavé face à ces satanées bestioles dans la première moitié du jeu.
Mais les instants de calme n’étant jamais très longs dans ce jeu d’action frénétique, nous voilà embarqués dans une guerre à laquelle je n’ai pas encore fait mention mais qui était pourtant omniprésente depuis le premier tiers du jeu. En effet, un conflit oppose les Wolfs (nom des anciennes lucioles formant le groupe d’Abby) et les Séraphites (ou Scars), une tribu de fanatiques religieux qui ont pris Elie pour une Wolf et dirigent donc leurs représailles contre ces derniers. Ce n’est pas explicitement dit dans le jeu (ou alors je suis passé à coté) mais selon moi, c’est ce quiproquo sur les origines d’Elie qui met fin à la trêve entre Wolfs et Séraphites. D’autant que de leur coté, les Wolfs, ignorant encore la présence d’Elie sur leur territoire, pensent que les mort qu’ils accumulent sont une déclaration de guerre des Séraphites. Toute cette confusion a pour but de montrer implicitement que la haine se répand aussi vite qu’un ragot, qu’elle n’a pas uniquement des conséquences sur ces protagonistes mais aussi sur leurs entourages.
Au sein de ce conflit, Abby va prendre conscience que son acte a profondément marqué, choqué et déçu son entourage qui, s’ils voulaient également voir Joël mort, ne s’attendait certainement pas à un tel déferlement de violence de la part de leurs amis. Un peu déboussolée par ces révélations, Abby souhaite alors prendre un peu de distance et rejoindre Owen dont elle est amoureuse et qui a quitté la communauté pour aller vivre avec sa femme dans un ancien parc aquatique. Sur la route, elle croisera le chemin de 2 adolescents Séraphites prénommé Yara et Lev fuyant leur propre peuple. D’abord méfiants, une certaine relation de confiance va s’instaurer entre ces personnages d’origines différentes à travers la nécessité d’entraide. Durant leur fuite, Yara est gravement blessée et il va nous falloir remuer ciel et terre pour trouver de quoi la soigner. Lev, qui n’est autre que le petit frère de Yara, décide d’accompagner Abby. Cette quête sera le début d’une longue descente aux enfers pour Abby, au sens figuré comme au sens propre puisque ce périple débutera en haut d’un gratte ciel (la confrontant à sa plus grande peur, le vide, et permettant ainsi de dévoiler une fragilité dans ce personnage, toujours dans l’optique de l’humaniser et la rendre attachante, le joueur pouvant davantage s’identifier à elle). Puis il faudra redescendre tout l’immeuble dont le décor horrifique prend des allures de limbes, pour finir, cette escapade nous conduira dans l’épicentre de la contamination, au sous-sol d’un hôpital terriblement oppressant où l’on va devoir affronter une abomination digne de Resident Evil. Malheureusement, malgré tous nos efforts Yara ne survit pas à ses blessure et Lev se retrouve donc seul et désœuvré, Abby qui a commencé à s’attacher au garçon va donc le prendre sous son aile, voyant en lui une manière de déculpabiliser son crime et se faire pénitence (en réalité c’est déjà ce qui la pousse à tenter de sauver Yara). De facto, ce duo devient une sorte de miroir à la relation Elie-Joël toujours dans le but de nous aider à apprécier Abby.
La suite de leur périple les mènera jusqu’au camp des Séraphites, sur une île qui sera le théâtre de la conclusion de la guerre les opposant aux Wolfs. Une tuerie dont personne ne sortira vainqueur. Néanmoins cette péripétie bourrée d’effet pyrotechnique permet de mettre en lumière que le conflit opposant Elie et Abby n’est en réalité qu’un petit échantillon d’une histoire plus globale. Cette histoire de spirale de représailles est également l’histoire d’autres personnages qui se livrent une bataille en arrière-plan depuis le début de l’aventure. Elie et Abby ne sont pas plus les causes de cette guerre qu’une manifestation parmi d’autres de cette dernière. Ce que le jeu raconte ne se réduit pas seulement à ses personnages principaux, ce que le jeu raconte c’est la condition humaine, son histoire et sa propension autodestructrice. Un retour à l’état sauvage de l’être humain qui contraste avec une nature plus calme, silencieuse. Bref, de retour à l’aquarium prête à quitter les siens pour partir avec Owen à la recherche d’autres membres des Lucioles qui selon la rumeur se serait regroupé a Santa Barbara, (au même moment où Elie abandonnait sa propre quête de représailles, notons le parallèle du ras-le-bol et du lâcher-prise), elle ne trouvera que le cadavre de ce dernier pour l’accueillir. Comprenant que tous ses amis sont morts et qu’elle n’a désormais plus rien à perdre, la haine remonte et Abby part à la poursuite de celle qu’elle avait fait l’erreur d’épargner (parallèle avec le sentiment de culpabilité d’Elie, toujours cet effet miroir entre les deux personnages/histoire).
Nous revoilà donc revenu au moment précis où nous avions quitté Elie et le combat inévitable entre les deux héroïnes s’enclenche. Quoi, je vais devoir tuer Elie de mes propres mains ? Mais non impossible je refuse, après tout ce que j’ai traversé j’aime presque autant Abby mais, mais ; merde que faire, c’est de la torture, Naugthy Dog je vous déteste T-T !? Bon j’essaie de me laisser mourir… Game Over ? Ca veut dire qu’on n’a vraiment pas le choix, je vais devoir la battre !? Bon tant pis, s’il le faut…
Une fois le combat remporté, on découvre qu’Abby fait une nouvelle fois preuve de clémence comme pour se faire pardonner d’un acte qu’elle regrette et parce qu’elle se sent finalement seule responsable de la mort de ses amis, elle ne connaît que trop bien cette haine qui dévore Elie et qui l’a poussé à commettre tout ça. Suite à cette humiliante défaite, Elie tire donc un trait sur sa rancœur et décide de vivre dans un petit coin isolé avec Dina et son fils pour seule compagnie, bien loin de toute la violence du monde. Vous y avez cru ? Non cela ne pouvait pas se finir aussi bien, vous vous en doutez, ce n’était qu’un moment de calme avant le bouquet final, une manière de présenter un nouvel enjeu, une nouvelle chose à sacrifier sur l’hôtel de la vengeance. Car Elie est en proie à un syndrome post-traumatique dont elle ne se remettra probablement jamais vraiment. C’est à ce moment que Tommy (qui n’était finalement pas mort) apparaît pour faire resurgir ses vieux démons en lui divulguant la position d’Abby et en la sommant de reprendre la traque à sa place car lui-même n’est plus apte à parcourir une telle distance. Dina s’oppose vigoureusement à Tommy mais l’idée a déjà fait son bout de chemin dans la tête d’Elie qui, la nuit venue, tente de partir discrètement. Dina qui s’en doutait sûrement, se réveille et l’interpelle. Voyant sa détermination, elle lui pose un ultimatum dans l’espoir de la faire revenir à la raison mais Elie ne peut pas se résoudre à laisser passer cette chance, elle pense sans doute que terminer ce qu’elle a commencé la soulagera de ses traumatismes et de ses regrets en leur donnant du sens.
Cet événement marque le début de ce que les joueurs appelleront instinctivement « l’épilogue » même s’il n’est finalement que la continuité de l’histoire en cours. Cela démontre que pour tout le monde, ce cycle de la violence était terminé, personne n’a eu envie de rempiler, on a déjà tellement enduré, la décision d’Elie en devient presque incompréhensible. Elle a tout, une famille, une maison, la paix mais décide quand même de tout plaquer pour repartir dans cette spirale de souffrance vaine. Nouveau changement de personnage, Abby et Lev sont arrivés à Santa Barbara, là où se seraient cachées les dernières lucioles, espérant y trouver un nouveau foyer ou refaire leur vie. Ils trouvent une planque abandonnée et un émetteur radio ainsi que des codes de communication entre divers autres postes. Les deux premiers appels sont sans réponses, mais le troisième leur confirme l’existence de ce groupe, l’espoir renaît, Lev et Abby quittent la maison en direction des survivants mais se font aussitôt intercepter (violemment) par un groupe pas franchement rigolo. La réponse était-elle vraiment un groupe de lucioles ou était-ce un piège de ce nouveau gang nommé les Crotales qui aurait probablement décimé les lucioles avant de mettre en place ce coup monté ? Nous ne le saurons jamais vraiment.
Dernière ligne droite, nous revoilà dans la peau d’Elie qui débarque à son tour à Santa Barbara. Elle tombera bien évidement elle aussi sur ces fameux Crotales mais ne se laissera pas prendre. Toujours aussi déterminée telle une machine à tuer, elle infiltre leur base qui s’avère être un camp d’esclavagistes. Abby est-elle encore en vie ? Elie ne tardera pas à le découvrir, en libérant les esclaves, ceux-ci lui apprennent qu’Abby et Lev se sont rebellés et ont été punis en conséquence, abandonnés à leur sort sur la plage à proximité. A notre arrivé on découvre des croix, le châtiment réservé aux rebelles semble être la crucifixion (encore une référence biblique). On trouve Abby et Lev, toujours vivants mais dans un sale état, maigres, déshydratés, épuisés et bien moins musclés. A ce moment, Elie ressent de la pitié pour celle qu’elle venait préalablement tuer, elle la détache. Sur la plage se trouvent deux barques, deux destinés prêts à suivre chacune leur propre route, à l’horizon, un océan brumeux, ne permettant pas de visualiser l’avenir/la destination. Il est important de noter que l’écran d’accueil du jeu nous expose ce même décor, avec une seule barque, nous prédisant un destin funeste. Elie se dirige vers une des barques, Abby et Lev commence à s’installer dans l’autre mais soudain ces mots viennent briser le silence « attends, je ne peux pas te laisser partir ». Abby supplie Elie de ne pas faire ça, elle en a assez de se battre mais Elie insiste, elle réclame son combat. Abby n’a donc plus le choix, elle doit à nouveau se battre pour sa survie malgré son état (Elie n’est d’ailleurs pas beaucoup plus en forme à ce moment de l’aventure).
Ce dernier chapitre s’avère particulièrement éreintant/éprouvant, l’ambiance est très pesante et la longueur du jeu a rendu ses mécaniques répétitives, voir lassantes. C’est un défaut dont Naugthy Dog a parfaitement conscience et qu’il exploite ici pour nous faire ressentir le ras-le-bol et l’épuisement des personnages. La boucle de gameplay s’est répété au même rythme que le cycle de la haine, ce dernier acte comme je l’ai déjà dit, personne n’en veut (sentiment renforcé par l’avant-goût de Happy End idyllique), et c’est ce qui en fait tout l’intérêt, le joueur est épuisé par son périple au même titre que les protagonistes. Ainsi se conclut cette histoire, à bout de force Elie comprend enfin, en plongeant la tête d’Abby sous l’eau (qui symbolise un miroir), elle se voit dans Abby, dans sa relation avec Lev, qui lui rappelle celle qu’elle entretenait avec Joël, elle comprend que si elle va jusqu’au bout de son acte ce ne sera que le début d’un nouveau cycle de vengeance. Abby a déjà suffisamment souffert, Elie a gagné, elle n’a pas besoin d’aller plus loin et se rappelle la clémence dont Abby a fait preuve à son égard. Le fait qu’elle libère Abby marque aussi le début de sa propre rédemption, comme Abby avec Lev, Elie a besoin de se pardonner ses propres erreurs. En épargnant Abby, Elie sauve par conséquent la dernière chose qu’il lui reste, sa propre humanité. Une bien maigre consolation pour celle qui aurait dû sauver l’humanité toute entière mais c’est ce qui fait toute la symbolique de la chose. C’est lors de cette profonde remise en question que nous assistons enfin à la révélation qui a déclenché la culpabilité d’Elie. Le soir de la fête où elle a embrassé Dina, qui je le rappelle, se déroule la veille de la mort de Joël, elle est retournée voir Joël comme pour s’excuser de l’avoir repoussé. Une discussion très poignante s’engage alors entre les deux personnages, nous faisant comprendre qu’Elie avait totalement coupé les ponts avec lui après avoir appris la vérité sur les événements survenus à la fin du premier opus. Elie s’est donc elle-même privée des dernières années de Joël, et il lui a été arraché le jour où elle commençait enfin à lui pardonner son geste. Cela rend d’autant plus fort l’impact émotionnel de sa mort, on comprend dès lors les motivations parfois déraisonnées d’Elie. Ce flashback est comme une vision, un souvenir qui vient calmer Elie, la rappelant à sa propre culpabilité dans ce chagrin. Elle lâche Abby et la laisse partir, pour de bon cette fois, en paix avec elle-même.
A son retour chez elle, Elie ne trouve qu’une maison vide, Dina, tout ce qui lui restait a disparu. Mais Elie ne semble pas vraiment surprise, elle s’y attendait, c’est le choix qu’elle a fait en quittant le foyer pour poursuivre son obsession. Une pièce reste néanmoins inchangée, celle comprenant toutes ses affaires, dont sa guitare qu’elle prend pour jouer une dernière fois sa ritournelle mélancolique avant de reprendre la route. Elle se met à jouer la chanson que lui avait chantée Joël lorsqu’il lui a fait ce cadeau, tel un dernier hommage, mais son obstination lui a coûté cher, il lui manque deux doigts à la main gauche, ce qui la rend incapable de jouer, le lien qui l’unissait à Joël est lui aussi brisé. Elle repose la guitare en silence contre la fenêtre puis nous la voyons partir au travers de cette dernière, seule vers l’inconnue. FIN. De retour à l’écran titre, ce dernier a changé et nous montre désormais la deuxième barque posée sur une plage, marquant l’avenir d’Abby et Lev.
Désolé d’avoir abordé l’analyse de cette manière ; rappeler le scénario n’a pas vraiment d’intérêt en sachant que ce décryptage est destiné à ceux qui le connaissent déjà mais je ne voyais pas vraiment comment faire autrement. Aussi je n’ai pas tout abordé car le but n’est pas non plus d'écrire un roman ^^’. Ça ne se voit peut-être pas mais j’ai essayé d’être bref en me concentrant uniquement sur les éléments principaux du jeu, je n’aborde par exemple pas les flashbacks (bien que la scène du musée soit l’une des plus marquantes du jeu) ou les péripéties secondaires qui comme je le disais servent avant tout de respiration dans le récit. En vrac, le tatouage d’Elie qui cache sa morsure, signe de sa culpabilité du survivant et le papillon qui s’y trouve en référence à la guitare et par extension à Joël. Et le passage où Abby subit les assauts d’un sniper qui s’avère en réalité être Tommy (encore un élément de surprise bigrement efficace) et qui tue sous ses yeux l’un de ses amis, renforçant encore davantage l’inversion des valeurs et l’absence totale de manichéisme de l’histoire. J’aurais pu également développer le mécanisme psychologique de l’engagement pour expliquer le non renoncement d'Elie et justifier cette barbarie. Je n’ai pas pris le temps non plus de parler du propos religieux et vous noterez que j’ai réussi à faire toute cette analyse sans mentionner une seule fois la sexualité des personnages, comme quoi, ce n’est pas si compliqué de focaliser son attention sur ce qui a vraiment de l’importance au lieu de crier à la propagande bidon. A bon entendeur…
Pour conclure tout de même j’aimerais dire que le véritable message du jeu est humaniste, malgré cette violence omniprésente, celle-ci n'est jamais gratuite et n’est en aucun cas une fin en soit. Je dis cela pour ceux qui lui font ce genre de reproches, ne vous arrêtez pas aux apparences, c’est un message de paix et d’amour de son prochain. Ce que le jeu cherche principalement à nous enseigner c’est le lâcher-prise, que ce soit à l'échelle d'un conflit mondial ou d'une simple querelle de réseau social (cf. les polémiques abordées en début de critique, la boucle est ainsi bouclée). C'est une leçon d'humilité anthropologique !
Conclusion :
Globalement, même si j’ai été un peu moins ému par l’histoire de cette "partie 2", force est de reconnaître que cette suite surpasse son aîné dans tous les domaines. Il m’aura fallu 6 mois pour le digérer tant ce fut intense, bouleversant, unique. C’est un jeu qui se vit, non, c’est bien plus qu’un simple jeu, c’est une véritable œuvre d’auteur. Naugthy Dog signe ici l’une des œuvres les plus saisissantes, intelligentes, matures et risquées qu’il m’est été donné de voir tout medium confondu. Le récit est parfaitement maîtrisé de bout en bout, la fin est brillante et n’a pas à rougir de son prédécesseur. Et honnêtement cette fois-ci je suis assez enthousiaste à l’idée d’avoir une suite qui conclurait l’univers Last of Us.
Comble du bonheur, comme pour enterrer définitivement ses détracteurs, le jeu détient désormais le record du nombre de nominations aux Game Award (10) et surtout le record du nombre de prix remportés (7) dont celui de la meilleure narration, celui de la meilleure performance pour l’interprétation magistrale de Laura Bailley en Abby, et bien évidement le titre honorifique de Game of The Year. J'en profite également pour applaudir l'excellent travail des doubleurs VF car on ne le souligne que trop rarement, c'est un métier qui m'a pourtant toujours impressionné.
Pour aller plus loin dans l’analyse, je vous propose d’approfondir la réflexion avec ces passionnants podcasts « making of » qui décryptent chronologiquement le scénario et les mécaniques des 2 jeux avec leurs créateurs ainsi que cette autre lecture tout aussi pertinente de Game Next Door et pour finir cette autre vidéo d'analyse de la fin du jeu qui permet d'illustrer mes propos tout en apportant encore d'autres éléments de réflexion.
Sur ce, Merci d'avoir lu cette critique et bonne écoute/visionnage à vous =)