Le premier épisode de cette nouvelle saison sentait déjà le rance, mais pour ce deuxième, Telltale bat tous les records et nous sert ce qui, d'entre tous les jeux de toutes ses licences (oui, même Retour vers le Futur) est son travail le plus bâclé. L'aventure partait déjà assez mal avec ce choix d'avoir fait de Clementine l'héroïne, de la rendre responsable d'un groupe d'adultes attardés incapables de survivre par leurs propres moyens. Mais ici, on touche le fond, on sonde l'abîme, les responsables de cette nouvelle saison détruisent tous les acquis de la première sans presque pouvoir rien y faire, condamnés par un choix initial totalement foireux. Les scénaristes rament comme des pauvres diables à justifier la mise au premier plan du héros-enfant, passant par les pires subterfuges pour justifier ses actes et l'intégrer dans la mythologie adulte créée par Robert Kirkman. Ce que la première saison de The Walking Dead, le jeu, réussissait à faire à merveille, la deuxième saison semble fermement décidée à y échouer de A à Z : des humains uniformément veules et bêtes, des zombies omniprésents qui interviennent aux moments les plus prévisibles, des séquences frisson répondant au pur cahier de charges de la telenovela de base. Toutes les inquiétudes qui sont nées pendant le premier épisode de cette deuxième saison se confirment ici. Pour que le joueur, aux commandes de Clementine, ait quelque chose à faire, on lui met sous les yeux des choix absurdes, des situations tire-larmes plus racoleuses que dans la série télé. Surtout, on lui offre sur un plateau la responsabilité entière de la survie d'un groupe de six ou sept adultes qui recourent aux prétextes les plus bêtes pour justifier que la fillette entre toute seule dans un hangar infesté de zombies, se fasse menacer de mort par des inconnus armés jusqu'aux dents ou joue les médiatrices dans des conflits de couple aussi passionnants qu'une émission de télé-réalité.
La séquence la plus douloureusement nulle, et impossible à ne pas spoiler, est celle du pont, point d'orgue d'un défilé de situations nanardesques où clignote presque l'inscription : "pleure, salope". Le mieux est encore de la décrire dans le détail pour en savourer toute l'involontaire drôlerie... Clementine est donc nommée responsable de l'inspection d'un pont métallique construit cent mètres au-dessus d'un bras de mer. Autour d'elle, cinq adultes plutôt jeunes, de forte constitution physique, bien portants, qui la désignent pourtant pour passer la première avec l'un des autres adultes. On essaie déjà de ne pas rompre la fameuse "suspension of disbelief", à grand peine, mais soit, continuons. A mi-chemin du pont, alors que les environs et le pont lui-même étaient déserts quelques secondes avant, que la visibilité est excellente et qu'il est impossible de se faire prendre par surprise, des marcheurs déboulent de toutes parts (?!) et agressent le duo. On n'a pas le temps d'en rire que le compagnon de Clementine passe à travers le bois et commence à tomber. Absolument, quelqu'un passe à travers un morceau de bois sur un pont métallique. Ce n'est toujours pas fini. Après une poignée de QTE pour se débarrasser des indésirables, un personnage débarque depuis l'autre côté du pont, porteur de deux informations totalement contradictoires : "beaucoup de gens passent dans le coin" et "venez chez moi, j'ai plein de nourriture". Il se fait aussitôt mettre en joue et tuer par l'un des survivants du groupe qui a rappliqué en douce, malgré les insistances CLAIRES et RÉPÉTÉES de Clementine et de son acolyte de ne pas tirer car ils discutaient tranquillement et l'homme ne présentait très clairement aucune menace. A la suite de quoi Clementine pleure un peu en disant que c'était un type gentil. Alors, l'un des survivants s'assied sur un tronc d'arbre et lui demande d'aller chercher à manger dans ce hangar abandonné, parce que, citation : "je préfère m'asseoir un moment".
On peut continuer à jouer. On peut essayer de se rassurer en appréciant la jolie direction artistique, cette atmosphère automnale mélancolique, ces décors naturels vraiment jolis, beaucoup plus réussis que ceux de la saison 1. On peut se convaincre que oui, tout cela est émouvant, que Clementine est une battante, une fille courageuse qui deviendra une femme forte et indépendante. On peut se réjouir de l'intensité émotionnelle des scènes les plus dures. On peut jouer en gardant sous les yeux des oignons fraîchement pelés pour être sûr de verser la larmichette au moment prévu par les développeurs (comprendre : quand la musique monte). Mais on finira tôt ou tard par abdiquer, car il est désormais certain que cette saison 2 ne se relèvera pas du choix d'avoir choisi une préadolescente pour héroïne. C'est de cela que découle presque toute l'absurdité des situations, toute la médiocrité de l'écriture. Cela se voit comme le nez au milieu de la figure, les scénaristes eux-même ont jeté l'éponge face à cette erreur de conception fondamentale. A côté de cela, il faut également admettre que cet épisode cède beaucoup trop facilement aux sirènes du braquage émotionnel, comme si Telltale, galvanisé par le succès d'une première saison inoubliable, s'imaginait avoir les pleins pouvoirs sur l’Émotion dans le jeu vidéo. Le naufrage ne guette plus : il est en cours.