Oui, l'oeuvre d'une vie. Pour deux raisons. La première, la plus évidente, c'est que To The Moon porte une réflexion simple mais vertigineuse sur la vie, sur les petits et grands événements qui la jalonnent et façonnent notre parcours, et sur les regrets qui nous rongent jusqu'à notre ultime soupir.
La seconde, c'est que Kan Gao aura beau s'arracher les tripes et le reste, il ne tutoiera sans doute plus jamais les sommets comme il l'a fait avec To The Moon. Parce que l'expérience est trop unique, parce qu'il sera attendu au tournant et que les gens seront forcément plus critiques ou déçus de ne pas retrouver la magie et l'émotion incommensurables procurées par ce chef-d'oeuvre.
Pour beaucoup, To The Moon n'est pas un jeu. Pour moi, c'est plus qu'un jeu, c'est une oeuvre d'art. Aucune étiquette ne tient ici, car durant la totalité des cinq heures de l'aventure, on se fiche éperdument que ce soit un jeu, un film interactif ou quoi que ce soit d'autre. Seul compte le système de narration de Kan Gao, incroyablement efficace à nous immerger dans cet univers riche et cette épopée intime mais bouleversante au-delà des mots.
Voilà pourquoi ce serait une erreur de noter, de "tester" To The Moon" comme n'importe jeu vidéo, selon des critères traditionnels (jouabilité, graphismes, etc...). L'oeuvre de Kan Gao transcende ces froides considérations de résolution, de framerate, de gameplay, de superficie de jeu, qui pourrissent le monde vidéoludique actuel en jetant le voile sur l'essentiel. To The Moon n'oublie pas cet essentiel : une âme, un coeur qui bat, et une sensibilité à toute épreuve qui valent bien les centaines de millions de dollars des majors du jeu vidéo.
Une fois l'écran de fin atteint, il n'y a pas de doute possible. L'histoire de Johnny et River est l'une des plus belles histoires d'amour jamais imaginées, et les quelques notes de piano du thème principal résonneront à jamais comme une madeleine de Proust aussi douloureuse que délicate.