Ayé, je viens tout juste de finir A Machine for Pigs. Et si mon avis de départ était très négatif quand je l'ai commencé, ça s'est grandement amélioré au fur et à mesure que je me suis approché de la fin.
Pour commencer la simplification du gameplay fait vraiment l'effet d'une douche froide. Gérer la santé physique/mentale, l'inventaire, l'huile, fouiller les meubles à la recherche d'objets, tout ça faisait partie du plaisir du premier Amnesia. A Machine for Pigs, c'est un survival horror sans l'aspect survie. Cette impression est d'autant plus forte que le jeu est complètement couloiresque ; que les monstres sont gavés de Prozac (comparés à ceux de The Dark Descent qui te rushaient comme des brutes et t'étalaient en deux baffes) ; que 90% des interactions avec le décor ont été supprimées ; que les 3/4 des portes font partie du décor ou sont définitivement verrouillées ; que le côté exploration est du coup pratiquement inexistant et que les énigmes sont carrément enfantines.
D'un autre côté, ces changements sont justifiés par une approche différente du jeu. TDD générait la peur via une ambiance glauque, des monstres badass et des jumpscares réguliers (prévisibles pour la plupart, mais tout de même bien fichus.) AMFP expose la peur sous un angle différent : il n'est plus question de survivre à labyrinthe plongé dans le noir et peuplé de monstres en gérant ses ressources, mais plutôt d'avancer dans le jeu comme dans un train fantôme. Les rails sont posés, il n'y a qu'à les suivre, et tout se déroule automatiquement.
L'inconvénient c'est qu'on débouche forcément sur un gameplay amputé de pas mal de possibilités. Et pour ceux qui s'attendent à ce que le gameplay soit pensé pour mettre la pression au joueur, c'est forcément décevant.
En revanche, on se retrouve avec un univers plus fouillé et plus détaillé. Les environnements sont beaucoup plus variés que dans TDD et l'histoire est mieux travaillée. Plus que ça : au-travers des notes de Mandus et des documents ramassés, on s'aperçoit qu'elle est terriblement riche et fouillée, pleine de détails et de rebondissements - à tel point que même les prétendus 'défauts' du gameplay (portes fermées, lampe qui clignote, absence de peur quand on regarde les monstres, etc.) sont totalement justifiés par le scénario quand on gratte un peu.
Au-delà de ça, l'histoire en elle-même est très dense et possède de multiples niveaux de lecture : qu'il s'agisse de son déroulement 'basique' que tout le monde comprendra, à ses références subtiles à The Dark Descent, en passant par de grandes claques philosophiques dans la gueule. Le tout reste sale, dérangeant, malsain, mais aussi parfois triste, tout en étant plus profond et complexe.
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Si la vérité sur les enfants de Mandus est prévisible, la partie sur la conception de la Machine comme divinité censée sauver l'humanité des horreurs du XXè siècle par l'industrialisation de la mort est très intéressante.
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Côté ambiance le changement de décor m'a bien plu, même si j'aimais beaucoup le cadre lovecraftien du premier épisode, ce nouvel environnement steampunk vaut son pesant de cacahuètes. Le jeu est toujours aussi glauque, et la bande-son toujours aussi efficace (malgré quelques petits ratés de coordination au niveau des bruits de bras). L'OST est quant à elle tout simplement magnifique.
J'ai également repéré pas mal de moments forts qui valent la peine d'aller jusqu'au bout (le grenier, l'Eglise, l'arrivée devant la Machine, les dortoirs (un passage plutôt émouvant, ce qui est bizarre pour un Amnesia mais qui passe plutôt bien), ...)
Au final même si je suis assez satisfait (il y a des cochons, je suis OBLIGÉ d'aimer), je garde quand même une impression mitigée, un goût amer comme on dit. J'ai eu plusieurs fois au fil du jeu l'impression de jouer à un produit non fini, réussi mais quand même bancal, avec un level design simpliste, des bugs et des imperfections qui gâchent l'immersion, un flagrant manque de finition (ce qui est gonflé vu que la sortie du jeu avait été reportée à plusieurs reprises, justement pour être fignolé). Et on aurait bien aimé qu'un jeu qui se présente comme le successeur d'Amnesia soit au moins aussi riche en termes de gameplay. Mais au vu de la valeur ajoutée de cet opus par rapport à son prédécesseurs, ces défauts sont vite pardonnés.
Reste que A Machine for Pigs est un très bon jeu - l'erreur aura été de le considérer comme un Amnesia 2, et non comme un nouveau jeu à part entière. Une excellente pioche pour tout amateur de roman interactif et d'expérience contemplative - mais certainement pas le jeu qu'il faut pour se coller la pétoche du siècle.
7/1/13 : mise à jour après avoir refait le jeu une seconde fois, pour trouver toutes les notes et apprécier le scénario à la lumière des révélations de la fin. Note passée de 6 à 8 (komem !) et beaucoup plus de points positifs relevés.