In our restless dreams, I see that town. Silent Hill...

Je précise que cette critique se base sur un test du jeu fraîchement réalisé, alors que le jeu date de 2001 - soit d'il y a onze ans.

Onze ans, dans le monde vidéoludique, c'est long. Suffisamment pour qu'un excellent jeu de l'époque prenne un tel coup de vieux qu'il en devienne horriblement laid. Mais la première chose qui m'a surpris en lançant Silent Hill 2, c'est son moteur graphique, tout bonnement sublime pour l'époque. Les personnages sont bien réalisés, notamment dans leurs expressions faciales ; les monstres sont bien foutus ; quant aux textures du jeu, elles sont réellement 'jolies' même pour aujourd'hui. Les textures murs délabrés, taggués, couverts de tableaux, de poussière ou de sang sont d'une finesse rare pour un jeu de cette époque (... c'est un peu tout ce qu'il y a à dire, car hormis des monstres, du brouillard et des murs dégueulasses, on ne voit pas grand-chose dans le jeu.)

L'ambiance sonore s'accorde parfaitement avec le style très particulier du jeu : tantôt glauque et silencieuse, tantôt stressante et désagréable à l'oreille, tantôt calme et mélancolique. Les musiques et les fonds sonores sont de très bonne facture. Côté bruitages, le jeu peine cependant à se renouveler (toujours les mêmes bruits de porte, de pas ou grognements de monstres.) Quant aux voix, si les doubleurs remplissent parfaitement leur office avec leurs tons convainquant, on notera certains contresens dans la traduction, ce qui donne parfois lieu à des formules un peu alambiquées, obscures, un sibyllines, voire carrément mal foutues. Mais si ce défaut nuit à l'immersion, le tout reste parfaitement compréhensible.

Pour rester dans l'ambiance globale du jeu, on est bien dans un survival horror de type psychologique. Les tableaux s'enchaînent avec une continuité toute relative, et si le level design est cohérent au début du jeu, les incohérences (bien volontaires) s'installeront peu à peu pour désorienter complètement le joueur et lui faire perdre pied - un peu à l'image du personnage incarné, James, dont la folie et les peurs, fantasmées ou réelles, se matérialisent sous des formes plus ou moins ragoûtantes au fil de la progression.

Puisqu'on parle de personnage le scénario est d'ailleurs à l'image du level design : simple et cohérent au début (un type banal du nom de James, dont la femme est supposée morte il y a des années, a reçu une lettre d'elle l'invitant à la retrouver à Silent Hill) ... jusqu'à ce que les doutes, les incertitudes, les inexactitudes (à nouveau délibérées de la part des développeurs) et les démences de James troublent ce beau tableau. Le malaise suscité chez le joueur n'est donc pas seulement du à l'ambiance (qui en elle-même peut déjà faire flipper tant elle est glauque et sale) : on la doit également à l'histoire qui se trouble et aux certitudes que le héros voit brisées au fur et à mesure de son avancée. James progresse péniblement, dans des tableaux d'horreur, armé d'une lampe de poche, d'une carte gribouillée, d'un gourdin clouté et d'un vieux pistolet contenant une poignée de balles ; il est cerné par les monstres que l'on entend grogner dans l'obscurité, et fait la rencontre de protagonistes à la santé mentale douteuse. On y ajoute la folie ressentie par le héros au fil des 'révélations' , et on obtient le cocktail parfait du jeu malsain auquel il est typiquement dérangeant de jouer, tant les sentiments qu'il dégage sont contradictoires.

En bref, Silent Hill 2 est une réussite, et se classe à mon humble avis dans le top des meilleurs survival horror sortis à ce jour. Plus qu'un jeu, une véritable expérience vivante et interactive (un ami à qui je l'ai récemment prêté me faisait la remarque très juste que ce n'est pas le joueur qui joue - mais que c'est plutôt le jeu qui s'amuse avec le joueur.) Il est trop difficile de retranscrire en quelques lignes la force qui se dégage de ce titre, mais je pense qu'il comblera tous les amateurs de sensations fortes, de villes mystérieuses et de mondes fous.

On pourra toujours critiquer la redondance de l'action (couloir - porte - monstre - énigme - boss - cinématique), mais Silent Hill 2 n'est que l'héritier d'une longue tradition de survival horror et on aurait du mal à lui reprocher de respecter les codes du genre. Carton rouge en revanche à la maniabilité, non seulement hachée (les allers-retours incessants dans l'inventaire cassent le rythme), mais qui peut en plus se targuer de proposer le système de combat le plus lourdingue que j'ai jamais vu (c'est une horreur de placer un coup au corps-à-corps à un ennemi tombé au sol pour l'achever ; de plus le système de visée est catastrophique. OK, je sais que cette jouabilité lourde est caractéristique des survivals pour rendre les moments de danger encore plus stressants, mais très sérieusement j'ai ressenti plus d'agacement que de réelle pression dans ces moments-là.)

Qui aime bien, châtie bien (comme qui dirait.) Silent Hill 2 reste une perle, qui a su combiner les principales qualités des survivals horror (scénario torturé, ambiance glauque à souhait, ...) avec une qualité de réalisation exceptionnelle pour l'époque. Il ne serait pas déraisonnable, onze ans après sa sortie, de le chercher en occasion pour vivre cette expérience. Et se flanquer une belle pétoche en passant (quand on peut joindre l'utile à l'agréable...)
Testy
10
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le 17 avr. 2012

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Testy

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