As Dusk Falls aurait pu être un vrai coup de cœur. Il en avait le potentiel, et c’est un jeu que j’ai beaucoup aimé. Mais… disons qu’il a échoué de peu à rejoindre mon panthéon des jeux narratifs dont l’atmosphère et l’histoire m’ont habitée pendant longtemps.
Visuellement, c’est pour moi une réussite : l’image est superbe et elle a un étonnant pouvoir d’évocation, que cela concerne les paysages ou les personnages. Sa relative immobilité lui confère de l’ampleur, voire l’aura d’un classique, d’autant que l’esthétique n’est pas sans rappeler nombre d’œuvres – tant vidéoludiques que télévisuelles ou cinématographiques – qui se sont élevées à ce rang. J’ai pensé aux séries Fargo et Better Call Saul, à Life Is Strange 2 et à Road 96… Les imaginaires du road-trip à l’américaine, mais aussi des thrillers familiaux qui se déroulent dans l’Amérique profonde, sont convoqués et posent une ambiance soutenue par la chanson d’Emily Jane White Hole In The Middle (celle du menu du jeu), qui y colle parfaitement tout en amenant une vibe nostalgique et languissante très séduisante. Dommage que le reste de la bande-son du jeu ne soit pas aussi marquante : ça aurait pu participer à faire la différence.
Le gameplay, très minimaliste, m’a plu – me laisser porter par une histoire, c’est ce que je préfère dans un jeu vidéo, donc je n’ai pas été gênée par le côté film interactif et par le peu d’interactions concrètes avec le jeu, et j’ai trouvé agréable que les QTE soient relativement faciles à passer. J’ai trouvé aussi que les situations potentiellement très stressantes étaient gérées avec assez de douceur et de tact pour que ce soit supportable.
Par ailleurs, il s’agit d’un titre dans lequel les choix du joueur ont un impact réel, et le scénario présente un nombre très respectable d’embranchements (même si pas autant qu’un Detroit: Become Human). J’ai d’ailleurs trouvé l’histoire très bien construite, très bien amenée : le scénario est solide et prenant, les nœuds de cause/conséquence sont très bien gérés.
Mais alors, qu’est-ce qui m’a empêchée d’être emportée autant que je l’aurais voulu ? D’abord, malgré la qualité du scénario, je l’ai trouvé inégalement réparti dans les 6 chapitres que propose le jeu. Clairement, je ne m’attendais pas à ce que la séquence du motel dure aussi longtemps. Je pensais aussi que l’on aurait plus de temps pour explorer plusieurs époques, alors que les incursions dans le passé et les conséquences des événements principaux des années après sont traitées de façon assez secondaire.
En lien direct avec ce premier point, je pense que le jeu était tout simplement trop court pour développer convenablement tous les aspects de l’histoire et des personnages. De ce fait, on manque de temps pour plonger complètement dedans et pour se lier plus profondément aux personnages. Certains apparaissent assez brièvement, quand d’autres disparaissent après quelques chapitres.
C’est d’autant plus dommage et frustrant que le jeu démontre à plusieurs reprises ses facilités à camper rapidement des personnages riches et attachants. Je pense à Dale, Joyce, Vanessa, Paul… Sans parler de Jay, le personnage à l’aura la plus forte pour moi (mais c’est celui qui bénéficie du plus grand développement) (même si là encore, j’aurais aimé en voir plus).
Enfin, j’ai été un peu gênée par un point de cohérence, qui est que
si on a réussi à bien gérer les événements au motel et que personne n’est mort (sauf ce pauvre Dale), le traumatisme de Zoé quinze ans plus tard semble un peu trop grand. Bon, bien sûr, la situation en elle-même doit être terrifiante et traumatisante pour une enfant, mais le jeu ne montre pas trop ça d’elle à ce moment-là… Et il paraît évident que Jay est gentil avec elle, donc l’idée qu’il revienne la hanter de cette façon ne se justifie pas très bien.
En conclusion, ma petite frustration au sortir de ce jeu ne tient qu’au potentiel immense que j’ai ressenti. J’ai l’impression d’avoir juste pu goûter à quelque chose qui aurait mérité d’être au moins trois fois plus développé. J’aurais voulu en voir plus, en apprendre plus, en vivre plus… beaucoup plus ! Et je sais déjà qu’y rejouer ne pourra pas tellement combler ce manque, parce que, parmi tous les embranchements, j’ai déjà eu l’histoire que je voulais. Mais qui sait, peut-être aura-t-on droit à une suite un jour ?