Si la série des Assassin's Creed nous a appris quelque chose, c'est qu'une fois passé le troisième opus d'une saga que l'on tente de mettre en oeuvre, il est toujours très dur d'innover, de se faire une nouvelle beauté. Révélations et Assassin's Creed 3 avait ma foi raté le coche du renouveau complet, même si l'on sentait dans ce dernier une certaine volonté de faire les choses différemment de ses prédécesseurs, notamment au niveau du gameplay et de ses quelques ajouts fort sympathiques. Bien entendu, la contre-attaque allait venir avec ce Black Flag, version corrigée d'un troisième épisode jamais vraiment marquant.
Et si celui-ci se montre indispensable, c'est surtout par rapport à son écriture très efficace et gérant parfaitement la psychologie, le développement caractériel de ses protagonistes, notamment de ses personnages secondaires : les sous-intrigues d'amour, de trahison et de meurtre seront toutes plus intéressantes les unes que les autres, un intérêt développé par des pirates extrêmement charismatiques : le Kid, Edward, Barbe-noire, tous ont de forts caractères, une personnalité bien trempée qui construit l'identité même du jeu.
Car s'il est un point qui surprend, c'est que la piraterie prendra largement le pas sur les assassins et les templiers; on ne trouvera de réelle atmosphère à la Assassin's Creed qu'au début du jeu et dans ses trois derniers actes, sorte de déchaînement de tristesse et de désolation, de règlements de compte et de morts à tout va. Car dans Black Flag, on suit des personnages pour les voir crever, on s'attache à eux pour verser notre petite larme à la fin.
Parfaitement retranscris, le côté barbare de la piraterie n'épargnera personne, pas même les femmes ou les enfants : c'est avec une profonde tristesse que l'on arrivera à cette conclusion magnifique et déchirante, sorte d'apothéose de ce qu'auraient dû être les volets précédents. Jamais il n'y avait eu un tel travail d'écriture autour d'un Assassin's Creed ( un travail encore meilleur que celui du second volet ), de personnages réellement attachants dont on pouvait se soucier du sort.
Parce qu'ici, les personnages soit disant secondaires deviennent les protagonistes de l'histoire, des acteurs majeurs dans la destinée magnifique d'un Edward Kenway surprenant au possible. Une complexité des personnages d'ailleurs incarnée par notre héros à la personnalité passionnante, qui se découvre, petit à petit, un destin hors du commun, un avenir des plus prospères. C'est une légende que l'on incarne, l'icône d'une époque révolue, auparavant forçat et fils de rien.
A côté de cela, les diverses nouveautés du gameplay permettront d'encore plus dynamiser le tout, lui assenant une grande personnalité ainsi qu'une durée de vie des plus prospères : les cartes au trésor, les coffres posés à même le sol, les partitions, les épaves, les îles non spécifiées sur la carte, les contrats, les diverses missions et les fragments d'animus à trouver, tout est fait dans Black Flag pour capter l'intérêt du joueur et décupler la durée de vie du titre.
On pourra cependant lui reprocher son parkour toujours aussi approximatif et peu précis, ou même ses graphismes pourris par l'aliasing et le clipping, mais cela n'importe peu lorsque l'on possède une telle histoire, un tel intérêt, un tel univers. Et si l'on pouvait redouter qu'Ubisoft s'égare dans un délire de pirates en oubliant ce qui fait l'essence même de la licence, il n'en est rien, tant ils auront su ménager la chèvre et le choux en nous servant une intrigue mêlant habillement deux univers diamétralement opposés, et qui deviennent pourtant étrangement complémentaires. Un tour de force pour une saga qui n'en a pas fini de surprendre ses amateurs.