Assassin's Creed Syndicate témoigne à la fois de la fin d'une époque et de l'apogée d'un raz-le-bol généralisé des fans de la franchise : dernier vestige d'un gameplay déjà vieillissant depuis plusieurs années, il reproduit la recette de Unity en la retranscrivant dans un autre contexte socio-historique (l'Angleterre de la Révolution Industrielle), trouvant une équivalence dans un volet plus ancien, Révélations, qui se contentait lui aussi de reprendre les mêmes dynamiques de jeu en changeant seulement de décors et d'époque.
Là où Révélations apportait à la dynamique de jeu un crochet servant principalement de boost à l'escalade, Syndicate ajoute un élément similaire, poussant le parkour toujours plus loin dans la rapidité d'exécution : le bat-grappin, outil agréable qui laisse la fausse impression d'avoir véritablement modifié la façon de jouer à un AC; l'élément, tout minime, apporte un plus à l'expérience, notamment en terme de fuite, de course ou d'escalade vers un point particulièrement élevé.
Fini les sympathiques mais interminables séances d'escalade jusqu'aux points d'observation, les tirs qui vous font tomber au moment de vous enfuir en escaladant : enfin, ils sont au moins minimisés par cet ajout véritablement profitable, encore qu'il participe à détruire tout réalisme à la franchise, terminant d'enfermer Syndicate dans sa personnalité de versant Arcade de la franchise.
Déjà présent au niveau des combats désarticulés et simplistes, ce côté arcade est flagrant lorsqu'il s'agit d'escalader des bâtiments avec la rapidité et l'agilité de Batman, qu'il faut battre six ennemis au combat avec l'aisance d'un Arkham Asylum, l'animation légère et cartoonesque en plus. Ne vient jamais l'impression que l'on frappe pour de vrai, que les coups ou les combats font mal, de même que les assassinats discrets prennent une place d'autant plus importante dans le gameplay que l'IA, complètement à la ramasse, ne remarquera pas le meurtre d'un voisin de garde à deux mètres de là.
Il arrivera parfois qu'ils vous repèrent n'importe comment, avec une facilité déconcertante qui leur assène des pouvoirs de vision à rayon x. C'est là qu'intervient le principal défaut de Syndicate, ses multiples bugs. On pensait Unity unique dans le registre, qu'Ubisoft n'oserait pas retenter l'expérience en nous proposant un jeu à peine fini : sans être aussi désastreux que sur Unity, ils en tiennent quand même une sacrée couche.
Personnages disparus dans le sol, dans le décors; cible qu'on doit porter mais qui reste en l'air, donc qu'on ne peut plus porter; textures mal incrustées, personnages qui voltigent, ombres qui déconnent, la liste est longue comme le bras, et provoquera de nombreuses séquences de frustration, d'énervement. Devoir recommencer une mission secondaire parce qu'un bug empêche de réaliser l'objectif n'a jamais participé à poser une atmosphère, une ambiance, un gameplay convenable.
Il y a cette même galère au niveau de l'écriture, qui amène l'idée très intéressante d'avoir enfin deux assassins à incarner; si cela dynamise le gameplay, les enjeux créés amènent une dramatisation des évènements appréciable. C'est dans le traitement de fond que cela ne marche pas : si la forme est convenable et nous présente des personnages intéressants et très charismatiques (en plus d'être complémentaires), l'origine même de leurs interactions gâche la majeure partie des efforts faits pour rendre l'histoire prenante, émouvante, trépidante.
Jamais véritablement naturelle, la relation que partagent les jumeaux Frye tient trop de l'humour bas de gamme, des répliques clichées, parfois même forcées pour les rendre toujours plus classes, pour que s'instaure une dynamique touchante, une certaine immersion réaliste dans une fraternité disparate. Les enjeux qu'ils partagent, toujours limités, pour les seuls intéressants et bien développés, au sort de la ville face aux méchants templiers, tournent tellement autour de vannes simplistes, de répliques immatures, d'actions stéréotypées qu'on prévoit rapidement ce qui se passera dans les minutes, les heures suivantes.
Le jeu entre dès lors dans le schéma précis du divertissement sans surprise qui fait bien ce qu'il fait, mais sacrifie la surprise au nom du plaisir coupable. Les quelques révélations présentes n'apportent strictement rien à l'intrigue, à contrario de la fin d'un Rogue ou de l'arrivée de la Némésis dans Odyssey : Syndicate prouve ainsi ce qu'on soupçonnait, qu'il n'est rien d'autre qu'un titre occupant pendant une quinzaine d'heures et trop peu réfléchi dans son gameplay, dans ses mécaniques pour que la rejouabilité soit sérieusement envisageable.
Si la reproduction est visuellement sidérante (la franchise fait des progrès d'année en année), il est évident que le temps aura manqué au studio pour sortir une oeuvre complète, aboutie. Syndicate, s'il n'est pas tout cela, reste bien heureusement un plaisir qui ne nécessitait certes pas à sa sortie de l'acheter neuf, mais représente une bonne opportunité à saisir aux alentours des 20 balles.