Cet opus d’Assassin’s Creed aura été, sans nul doute, un de ceux que j’ai attendu avec le plus d’impatience. Il aura aussi été, et bien mal m’en aura pris comme je le détaillerai plus tard, le premier auquel j’ai joué day one.
Contrairement à Odyssey, dont le setting ne m’avait vraiment pas parlé et dont les partis pris fantaisistes m’avaient plus gavé qu’autre chose, Valhalla et son Angleterre du IXème ont de suite fait sonner chez moi les clochettes de la hype. Je dois le dire, visuellement le pari est réussi, comme d’habitude : les environnement sont immenses et magnifiques en plus d’être diversifiés, le level design un peu mieux pensé que dans les précédents opus, les effets de lumière hypnotisant par moment. On notera que l’immersion est d’autant plus facilité par la très bonne écriture des dialogues, qui s’ils ne sont pas toujours très intéressant, fleurent bon les métaphores religieuses nordiques et les élans poétique.
Bon point, donc. Un bon point qui s’accompagne d’une excellente introduction dans la Norvège de notre héro/héroïne selon votre choix, Eivor. Je salue tout particulièrement la très prenante cinématique en plan séquence qui résume le parcours de notre personnage, et qui a le mérite de nous mettre directement dans l’ambiance. L’histoire principale paraît alors prometteuse (une question d’amour fraternel et de trahison), et surtout renoue avec les origines de la licence (des Assassins ! Des vrais ! Venus de Constantinople en full panoplie ! Hourra!).
Sauf que malheureusement, passées quelques heures, ces belles promesses se révèlent être plus creuses que prévues. La trame principale va en réalité être découpée de façon à s’intercaler avec le système d’acquisition d’alliés. Pour expliquer simplement, votre personnage va devoir accomplir un certains nombres de quête dans les différents territoires composant l’Angleterre (Mercie, Essexe, Lincolnshire, etc.) afin que leurs différents dirigeants aient une dette envers lui. Sauf que ces passages vont avoir, dans 80 % du temps, exactement la même trame, consistant à aider tel ou un tel personnage, faire quelques quêtes consistant à trucider du soldat, et enfin attaquer une forteresse. Si cela est très divertissant les premières heures, on commence largement à s’en lasser au bout d’un moment. J’ai rapidement eu envie de rusher bêtement ces parties juste pour voir l’évolution des rapports entre Eivor et son frère...
Niveau activités, oui il y en a pour tous les goûts : gestion du camp, pillages de monastère ou de camp ennemis, joutes verbales, concours de boisson, chasse aux proto-templiers, animaux légendaires, tombes à visiter, jeu de dés… Mais on réalise également que la plupart de ces activités sont très superficielles, et ne souffrent d’aucune variation en fonction des territoires. Prenons la gestion du camp par exemple : n’espérez surtout pas avoir un système qui vous permettrez de gérer l’emplacement et l’apparence de vos bâtiments. Ici, vous allez juste débloquer du contenu, et éventuellement choisir l’apparence de deux ou trois points de votre camp. On admettra que l’intérêt est plus que limité, surtout que les récompenses apportées, une fois les principaux bâtiments débloqués, se limiteront à un buffet donnant des bonus de statistiques. Vous n’aurez de plus que très peu d’interactions et de liens avec les habitants de votre campement, excepté quelques quêtes. On est loin de la richesse et du détail d’un Red Dead 2, ou chaque visite au camp est l’occasion de voir la vie sociale organisée autour, et donne un énorme sentiment d’immersion.
Niveau système de combat, rien de bien nouveau : c’est dynamique, mais l’IA est toujours autant aux fraises qu’avant (si ce n’est plus). Le système de niveau a été semi abandonné, remplacé par un système de puissance qui fleure bon le pétard mouillé. Si j’ai en effet été très agréablement surprise de la promesse de départ (la possibilité de choisir entre 3 voies de spécialisation, avec un système rappelant un peu le sphérier de Final Fantasy X), en réalité plus le jeu avance, moins vos choix auront de conséquence. Les points de puissance que vous gagnerez vous permettront de tout sélectionner, et passé les 130-160 de puissance, votre spécialisation de départ n’aura déjà plus aucun sens. Quel intérêt, donc… ?
Questions bugs, Ubisoft nous a habitué à nous livrer des jeux à moitié terminés, mais j’avoue qu’ici c’est un festival : entre les quêtes qui ne démarrent pas, les bateaux qui volent, les chevaux qui se dédoublent, ou les personnages qui passent entre les textures, il y a de quoi s’arracher les cheveux. Si cela n’a jamais gravement entravé mon expérience de jeu, clairement cela m’aura dégoûté à jamais du day one...
Un dernier point m’a enfin posé problème : celui de la diversité. Nous le savons, depuis quelques années, la diversité et la représentativité est devenu un cheval de bataille de certains studio, dont Ubisoft. Je n’y retrouve rien à redire bien au contraire, du moment que cela ne devienne pas un frein à l’immersion. Mais malheureusement, si cela ne m’avait pas forcément marqué dans Odyssey, force est de constater que dans Valhalla, cela ne marche absolument pas…
Prenons un exemple. Basim et Hytham, nos assassins venus de Constantinople/Miklagarðr. Rien de problématique avec ça, au contraire c’est un excellent point qui permet de lier l’histoire du jeu à celle de la licence, en plus d’évoquer les voyages (réels) que les Vikings effectuaient jusque là, et des contacts privilégiés qu’ils entretenaient avec les dirigeants byzantins et musulmans. Ici, l’inclusion de ces personnages est une valeur ajoutée indéniable au scénario, et les personnages sont en plus pas trop mal conçus (Basim est notamment intéressant).
Second exemple différent : vous arrivez au camp des Ragnarsson pour établir votre colonie. Vous y trouvez une jeune femme chinoise, qui tiendra ensuite l’échoppe du camp. Pourquoi ce personnage ?! Est-il crédible qu’une jeune chinoise se soit retrouvée dans l’Angleterre du IX ème siècle par sa simple volonté, et non parce qu’elle aurait été déplacée en tant qu’esclave par exemple (comme c’est le cas du personnage de Yidu dans Viking) ? Sa présence apporte t-elle quelque chose à l’histoire ? (réponse : non). Est-il crédible qu’aucun personnage nordique du camp ne se soit ému de son apparence ? (réponse : non). Cet exemple peut être multiplié à loisir : le personnage de Rima par exemple, femme forgeronne noire, pose les même soucis. La présence de couples homosexuels, dans un monde à la fois chrétien (aïe) et « danois » (re-aïe), pose problème à partir du moment où ces couples semblent parfaitement intégrés et invisibles, ce qui n’était bien évidemment pas le cas à l’époque. La diversité ici, au lieu de donner de la force à l’histoire, ne fait que vous sortir constamment de l’immersion. Et pire encore, elle en vient indirectement à nier les difficultés qu’on pu vivre à l’époque à laquelle le jeu se déroule les minorités ethniques et sexuelles, ce que je trouve personnellement affreux.
En bref, si je devais résumer mon impression en quelques mots, ce serait avec ceux ci : ce jeu souffre d’un énorme manque de finitions. Si on ne peut pas nier la beauté des environnements et la qualité de la DA, en terme de gameplay et de détails, Valhalla a des années de retards et est très symptomatique de ces nouvelles générations de jeu qui, en voulant donner de la place aux problématiques du moment, appauvrissent leur histoire faute de vérifier en amont que ces problématiques ont quelque chose à apporter. On ne s'ennuie pas trop avec la manette entre les mains, c'est vrai, mais on ne se sent pas vraiment concerné. Un vrai "cul entre deux chaises", qui aurait mérité bien mieux.