Baldur's Gate III
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Baldur's Gate III

Jeu de Larian Studios (2023PC)

Il y a de ces jeux dont on sait, au premier regard, que les développeurs étaient passionnés par leur travail. Dans un océan vidéoludique d'immondice où tout ressemble à une copie d'une copie d'une copie, l'originalité d'un studio se voit immédiatement (il suffit de voir la Gamescom 2023, quelle purge). Baldur's Gate 3 en est le parfait exemple.

Si j'ai joué très tard aux Baldur's Gate (je balbutiais et peinais à faire des doubles sauts sur Rayman 2 à leur sortie), j'ai vite rattrapé mon retard pour me préparer à la sortie de ce 3ᵉ opus. Environ 150 heures plus tard et c'était chose faite : j'étais imprégné de l'univers de Baldur's Gate, de ses personnages haut en couleurs (Minsc, Edwin, Jaheira, Sarevok...) et fin prêt pour la suite, concoctée non pas par Bioware mais par Larian, déjà célèbre pour ses Divinity.

Le jeu commence comme tout CRPG classique : on passe 6 ans dans l'éditeur de perso (assez faible en termes de choix), on choisit sa classe, son origine et on est lancé dans le monde de Féérune. Le jeu nous place in media res dans un nautiloïde, engin contrôlé par les flagelleurs mentaux, sur le point de s'écraser. Très vite, on découvre que l'on possède une larve de flagelleur, saloperie destinée à nous transformer en ces bêtes immondes. On rencontrera d'autres survivants du crash du vaisseau, eux aussi affligés d'un petit compagnon mortel. Une course contre-la-montre s'enclenche alors : trouver un moyen de se débarrasser de cette larve, le plus vite possible.

L'immersion est directe dès les premières minutes. Une fois sorti du vaisseau, on peut explorer librement nos environs, dans un monde de fantasy soigneusement désigné. Des myriades de PNJs, de passages secrets, de quêtes aux branchements diverses, des compagnons intéressants : le jeu nous en met plein la gueule à chaque minute. L'Acte 1 est une leçon toute particulière en termes de RPG. Il y a tellement d'options, une telle liberté que cela en donne le vertige. Mention spéciale à la façon dont sont présentés les dialogues, à coup de champs/contrechamps convaincants et dynamiques (quoiqu'un peu buggé par moments, mais cela reste rare). Baldur's Gate 3 est un de ces jeux où l'on jette un oeil à l'heure et réalisant avec surprise qu'il est 2 heures du matin et que ça fait 10 heures d'affilée que l'on joue. Cela faisait des années (depuis les Dragon Age en fait) que cela ne m'était pas arrivé.

Tiens, parlons-en de Dragon Age. Tout comme ce dernier, Baldur's Gate met un focus très important sur les compagnons que l'on peut recruter. Entre un archimage maudit, une zélote acharnée et une guerrière génocidaire (pour n'en citer que trois), il y a de quoi faire. Enfin, comme dans tout RPGs, il sera possible de les influencer pour les remodeler à sa guise. Comme dans Dragon Age: Origins, Baldur's Gate 3 nous offre la possibilité d'accéder à notre camp, où l'on pourra échanger avec ces différents compagnons, écouter leur point de vue et découvrir leurs histoires. Ce sera également là que l'on pourra se reposer à grands coups de provisions entre deux batailles acharnées, afin de recharger vie, capacités et sortilèges.

Ces batailles sont au cœur de BG3, et surprennent par la liberté qu'elles offrent dans la façon de les approcher. Un combat s'annonce rude ? Commencez par empoisonner vos armes et faire glisser vos voleurs dans le dos des adversaires, pour qu'au beau milieu d'un dialogue, vous puissiez frapper sournoisement, vite et fort. Ou bien foutez de l'eau partout et lancez un sort d'éclair dessus, les ennemis sentiront le courant passer. Entre les clercs qui soignent votre équipe, les guerriers qui massacrent tout un régiment (beaucoup trop pété au passage) et les mages qui font des dégâts aussi bien dans les rangs de l'ennemi que dans les miens (oui, une boule de feu vient de buter mon clerc, merci le mage), vous avez tout le loisir de décider quelle stratégie utiliser. Le tour par tour est jouissif, et montre que Larian, avec son expérience sur les Divinity, maîtrise son sujet.

J'ai mis 97H à finir ce jeu, et en prenant raisonnablement mon temps. Je n'ai pas fouillé chaque mètre carré de chaque recoin ni parlé à tous les personnages de tout le pays comme un extraverti en rut, mais j'ai quand même eu mon lot de quêtes singulières, intrigantes et poignantes. Une mention d'ailleurs très spéciale au phénoménal travail de doublage qui a été opéré sur ce jeu : chaque voix est comme du miel pour les oreilles, comme celle de Raphaël, Ombrecoeur, Laz'ael ou même des PNJs randoms. Mention aussi spéciale à l'incroyable travail de localisation française qui a été opéré sur ce jeu et qui ne s'est pas contenté de directement traduire les mots anglais, mais de les traduire précautionneusement. Le fond sonore accompagne également très bien le gameplay, et certaines chansons (notamment celle avec un boss infernal) sont mémorables.

Alors pourquoi 8, après cette logorrhée de louanges ? Parce que ce jeu, comme Divinity Original Sin II, souffre du syndrome de Larian. Si l'acte 1 est une claque pour sa liberté d'approche et l'acte 2 pour son écriture épique et complexe, l'acte 3 (le dernier) fout tout en l'air par sa farandole de bugs et ses quêtes qui semblent ne pas avoir été finies d'être écrites (tout comme Divinity qui souffrait du même problème à son lancement). Si la ville de la Porte de Baldur est magnifique et dense et enchaîne les clins d'œil et autres références aux précédents opus, je mentirai si je disais que je n'ai pas dû relancer mes saves toutes les cinq secondes parce qu'un bug m'empêchait de conclure un objectif. Entre les PNJs qui enchaînent les mauvais dialogues, les décisions manichéennes, les mobs qui ne bougent pas alors qu'ils devraient, le jeu qui tout du long maîtrisait son sujet, commence à montrer de sérieuses faiblesses. Certains choix sont absurdes, des personnages clés deviennent inconsistants et les quêtes ont l'air d'être bâclées. On a la douloureuse impression que du contenu, beaucoup de contenu, a été cut pour des raisons de délais/budgétaire (il fallait absolument sortir le jeu avant Starfield).

Encore plus décevant est la fin, qui gâche encore plus le spectacle par une absence totale d'épilogue, chose qui fendra le cœur quand les joueurs, qui auront passé environ 100 heures à faire des choix cornéliens et à peser le pour et le contre de chacune de leur action, ne verront pas leurs conséquences. La fin arrive, on a le droit à deux-trois échanges de dialogues et puis c'est basta, on remballe et on laisse les crédits défiler. Ça laisse groggy. Tous ces choix ! Tout ça pour... presque rien ? Je sais pas vous, mais ça laisse un sale goût amer dans la bouche.

Une critique à faire également sur l'ergonomie pour l'inventaire, assez mal foutu et pénible à utiliser quand on veut transférer des items entre les personnages. Par ailleurs, c'est aussi pénible de devoir parler à un compagnon pour le recruter dans l'équipe ou l'en virer. C'est marrant au début, ça renforce l'immersion mais au bout de 20 heures, on rêverait d'un petit menu qui nous permet de réorganiser notre équipe (et puis bon, j'aime bien les compagnons, mais c'est quoi ses réactions à chaque fois que je veux les éloigner de mon équipe ? On dirait que j'ai fait la plus grosse connerie de ma vie à les entendre).

Connaissant Larian, c'est sans nul doute par un énorme patch que l'Acte 3 deviendra l'égal des deux précédents. C'est ce qui était arrivé à Divinity Original Sin II à l'époque, avec une refonte complète de son dernier acte, et c'est, je l'espère, le destin de Baldur's Gate 3 de faire de même.

Il est juste dommage qu'un jeu aussi solide, poignant et maîtrisé se casse la gueule lamentablement au dernier moment, et ruine toute une première session de jeu qui restera tout de même en tête. Et je sais vraiment pas quoi en penser : d'un côté, j'ai envie de féliciter Larian pour son excellent travail effectué sur ce jeu. De l'autre, il est difficilement excusable de sortir un jeu avec un dernier bout aussi mal fini, buggé et aux fins décevantes. Avec ces mots, je recommanderai à quiconque voulant essayer le jeu d'attendre au moins une bonne année, le temps que les patchs/refonte soient passées par là. Avec Baldur's Gate 3, Larian nous a servi un véritable festin, mais à trop vouloir précipiter les choses, le dessert laisse définitivement sur sa faim.

Marcel_Patulacci
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs jeux de rôle (RPG), Les meilleurs jeux vidéo de 2023 et Mes jeux joués en 2023

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le 24 août 2023

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