Je vais me faire taper dessus, en écrivant cette critique.

Quelques temps après la grosse tarte Arkham Asylum, que certains (dont moi) craignaient plus qu'autre chose, ayant peur de voir débarouler un futur cas d'école du jeu à licence, au mieux oubliable, au pire calamiteux (Pessimisme et défiance envers la com' des éditeurs, quand tu nous tiens), Rocksteady récidive avec son Arkham City. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Rocksteady ne se fout pas de la gueule du monde. Mais ça ne fait pas un excellent jeu pour autant.

Quelques temps après les événements d'Arkham Asylum, signant la fin des projets du Joker de domination du monde grâce à une armée de gros bras un peu décérébrés dopés au Titan, une nouvelle prison à ciel ouvert apparaît au coeur de Gotham, regroupant les anciens pensionnaires de l'asile d'Arkham, et ceux de Blackgate : Arkham City. Bruce Wayne, devient un fervent détracteur de cette zone de non-droit, se fait capturer et emmener dans Arkham City par les soldats personnels du Docteur Strange (un des rares à connaître la réelle identité de Batman), tel le criminel lambda, sans que foncièrement personne ne bronche dans la ville. On découvre au passage qu'Arkham City a l'air de contenir pas mal de "prisonniers politiques" (n'étant pas extrêmement familier des détails de l'univers de Batman, je suis à peu près certain que Gotham n'est pas dans une dictature type Corée du Nord, donc la présence de ce genre dérives m'étonne un peu, bien qu'une explication (à deux ronds, je vous rassure) sera fournie bien plus tard). On se débarrasse assez vite de la petite bande de meuchants qui nous attendent à l'entrée de la prison, manifestement forts impatients de nous souhaiter la bienvenue, on récupère peu après notre jolie tenue de soirée toute en cuir avec un joli masque, et le jeu commence.

à partir de là, le début est plus ou moins explicitement consacré à la trame principale, jusqu'à un événement survenant assez tôt dans l'histoire, et qui constituera le fil rouge durant tout le reste du jeu. On apprend au passage l'existence d'un mystérieux "Protocole 10" dont le compte à rebours sera énuméré tout au long du jeu. On pourrait s'attendre à un plan idiot à base de Titan, qui ferait le lien avec le premier épisode, mais non, à la place, ce sera juste un plan idiot, tout court. Le début sera aussi l'occasion de contrôler par moments Catwoman, pour des séquences dans l'ensemble assez oubliables, et centrées sur des problématiques beaucoup moins passionnantes que celles de Batou. Elle réinterviendra par la suite, pour le plaisir unique des gens qui aiment faire mumuse avec la caméra et qui ont mis les détails du jeu en very high.

Bref, une fois ce fameux événement survenu, l'histoire est lancée, le jeu commence vraiment, et révèle toute sa richesse : quêtes annexes à foison, des discussions entre prisonniers qui relatent les événements que l'on a vécu, plus ou moins fidèlement, et leurs ressentis... Et cette richesse, qui prouve vraiment que Rocksteady a fait un travail énorme sur ce jeu, constitue à mes yeux sa plus grande faiblesse (et c'est là que je vais me faire taper dessus) : Les quêtes annexes sont TROP nombreuses. Si, si, je vous assure. Je ne pensais jamais dire ça, mais là... Je crois que c'est vraiment atroce. Concrètement, on essaye de suivre la trame principale, on se rapproche d'un endroit important pour l'intrigue, hop, un téléphone sonne. On répond, c'est Szasz qui veut s'amuser avec nous, et qui nous fait aller à l'autre bout de la ville en un temps limité, sous peine de tuer un otage. On s'exécute, car de toutes manières, à partir du moment où on a répondu au téléphone, on ne peut pas choisir de refuser l'événement...

... 2 minutes plus tard, nous voilà arrivé au point voulu, on se décide de retourner où l'on voulait aller au départ (en essayant au passage de récupérer les trophées de l'Homme mystère qu'on croise, avec succès ou non), sauf que l'on reçoit un appel à l'aide d'un prisonnier politique. Vite, allons le secourir ! Et repartons... Oh, tiens, un trophée de l'homme mystère. Celui-là, il a l'air facile, allez, je le chope ! Et on repart... Tiens, le clocher que j'ai visité en début de partie a changé, allons y faire un tour. Mince, il faut que j'aille vite sauver quelqu'un au tribunal ! Voilà, c'est fait. Allez, je suis chaud là ! C'est parti pour faire tous les trophées et les énigmes de l'Homme-mystère que je croise. Ah, il y a eu un meurtre pas loin, allons voir : C'est Deadshot qui a tué sa cible à une distance incroyable : retraçons le trajet de la balle pour voir d'où il a tiré. Et bon sang, mais qui est cet espèce de ninja que je croise de temps en temps et qui disparait dans un nuage de fumée dès que je m'approche ? J'aimerais bien en savoir plus... Mince, je devais faire quoi, au départ ?

Les quêtes annexes dans Arkham City donnent cette impression de ne pas pouvoir être repoussées à plus tard, sous peine d'être incapable de les retrouver ou juste de s'en rappeler, et donc, de les finir. Cela dilue donc ce qui fait le coeur du jeu, dans des séquences qui, pour des quêtes annexes, sont tout à fait honorables, mais restent malgré tout bien en deçà de ce que le jeu peut offrir lors de sa trame principale. Cette abondance de quêtes annexes, dans un sens, casse aussi l'immersion. Le scénario étant sous-tendu du début à la fin par deux choses qui disent explicitement que Batman a un temps imparti très limité pour faire son office. En ce sens, le voir partir à la chasse aux petits trophées rend le jeu un peu ridicule.

De plus, en vendant son âme aux sirènes de l'Open World, et en troquant son Asile pour un quartier en proie à l'anarchie, la série perd sa particularité qui la rendait extrêmement attrayante, dans sa vision de Batman, et dans sa capacité à en faire un personnage toujours sur la corde raide, à deux doigts de sombrer dans la folie. Oh non, ne nous méprenons pas, Batman va en baver, il va se prendre des roustes, passer à deux doigts de la mort un bon paquet de fois, et j'en passe. Mais jamais Batman ne sera vraiment bouleversé dans ses certitudes, et mis en position de proie, comme il le fut dans le précédent opus (notamment lors des séquences face à l'Epouvantail, qui ne trouvent aucun équivalent dans ce jeu, à part peut-être une petite séquence avec le Chapelier fou, marrante, sans être transcendante...). "Arkham" fait avant tout référence à l'oeuvre de Lovecraft, centrée sur la Folie, et sa folie de manière générale. Alors oui, Double Face et le Pingouin, ils sont bien sympas, mais ils ne sont pas fous. Et autant Arkham Asylum, avec ses couloirs glauques, ses rangées de cellules vides, ou non, ses cages et autres joyeusetés collait parfaitement à l'ambiance, autant Arkham City se veut plus centré sur la Violence, sur la représentation d'un monde où seule prévaudrait la loi du plus fort. Et la violence, c'est bien sympa, mais ça n'arrivera jamais à la cheville d'une introspection torturée dans l'endroit le plus sombre de la Galaxie, qui cultive savamment notre petit côté claustrophobe.

Sinon, d'un point de vue un peu plus terre à terre : Le système de combats est toujours aussi excellent. Voir Batman coller des bouffe-pifs à tour de bras et faire des sauts improbables pour frapper des ennemis à l'autre bout de la pièce est extrêmement plaisant. La difficulté monte crescendo tout au long de l'aventure, avec des ennemis particuliers, la présence d'armes à feu qui se fait plus commune au fur et à mesure que l'histoire avance. Les gadgets sont dans l'ensemble un poil plus variés que dans Arkham Asylum. C'est pas encore ça, mais c'est déjà pas si mal. A côté, le jeu propose par moments de fights de boss, que je qualifierais pour la plupart de Zelda-esques (utiliser la même méthode en boucle pour ouvrir la garde de l'ennemi avec un item que l'on a récupéré au préalable, et lui coller ce qu'il faut de bourre-pifs jusqu'à ce qu'il redevienne invulnérable), entrecoupés de séquences QTE-esques, pas suffisamment nombreuses pour donner la nausée, mais assez souvent du plus bel effet. On regrettera juste que le dernier boss, à défaut d'être aussi ridicule que celui d'Arkham City, semble littéralement sorti de nulle part.

Les séquences d'infiltration, quant à elles, me laisseront toujours ce goût un peu amer, entre les premières, forcément honteusement simples, et celles de la fin, tellement difficiles que je me sens obligé de les faire salement, tellement il ne semble y avoir aucune ouverture digne de ce nom dans la manière d'aborder la situation. On se retrouve vite à en tuer comme un gros sale en lui mettant son compte de bouffe pifs devant une demi-douzaine de types qui ne vont pas se gêner pour essayer nous fourrer au plomb, on croise alors les doigts pour ne pas mourir, et on se casse, avec nos deux points de vie, et l'espoir que notre petite tentative kamikaze aura porté ses fruits.)

Dans l'ensemble, une impression de satisfaction nous emplit, lorsque l'on voit les crédits de fin s'afficher. On a clairement joué à un bon jeu qui ne représente pas une honte pour l'univers monumental dont il hérite. Mais ce sentiment terriblement contradictoire d'avoir fait un jeu à la fois meilleur d'un point de vue purement technique et contenu pur (quêtes annexes, taille de la zone de jeu), et clairement en dessous de son prédécesseur, pour tout ce qui concerne l'ambiance et les situations auxquelles Batou est confronté a causé chez moi un espèce de malaise. Ce genre de malaise qui me fait considérer Arkham City comme une suite juste "efficace", au même titre que certains jeux dont le degré d'innovation est proche de zéro, par rapport aux opus précédents de leur série, alors que c'est un excellent jeu, qui apporte énormément à sa franchise.

... Une fois les crédits finis, le jeu se relance, cette fois, c'est Catwoman que l'on contrôle, elle veut récupérer son argent et partir d'Arkham City. Non, merci, ça a l'air un peu daubé, comme DLC aux enjeux infiniment plus faiblards que ce que l'on vient de vivre. Alt+F4.
Quessou
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le 17 nov. 2013

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Quessou

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