N'est pas Rocksteady qui veut.
Avouez, vous l'aviez voulu ce troisième épisode de Batman Arkham Bidule. Avouez, vous avez flippé quand vous avez appris que ce n'était pas Rocksteady qui s'en chargeait, mais Warner Games Montréal. Avouez, vous vous attendez à un Arkham City 1.5, l'intérêt en moins. Et bien vous n'aviez raison...qu'à moitié.
Je ne vais pas revenir sur les qualités de la série des Arkham. Je pense que la plupart des gens qui s'intéressent à Origins ont déjà fait les précédents, ou connaissent déjà le principe de ces derniers. Par contre, je vais effectivement pas mal comparer avec Arkham City (limite à outrance, sans aller à l'acharnement), ce qui est inévitable quand on veut parler de ce qu'il apporte de plus ou de moins par rapport au précédent opus. Bref.
Le parti pris de base, s'il n'a strictement rien d'original, a(vait) le mérite d'appâter le chaland : pour limiter l'aspect "pompage de licence jusqu'à la moelle" sans trop se fatiguer, on adopte la voie du "[Nom d'un jeu] Origins". Tenter d'expliquer et/ou de montrer les débuts de Batman, ses premières relations avec Gordon, sa première rencontre avec certains super-vilains... Bref, sans surprise, mais ça donne envie, non ? Un peu moins, quand tout n'est pas au rendez vous.
Le contexte impliqué par le mot "Origins" du titre est le suivant : Gotham City ne connait Batman que sous forme de rumeurs, ce qui va devenir Arkham City est encore un quartier habité (enfin..."habité"...), Gordon ne vous aime pas et le Joker n'est pas encore votre pire ennemi. Bruce Wayne ? Il a déjà sa Batcave, son sémillant costume, ses gadgets à gogo et quelques interventions à son actif. Donc pour pouvoir assister à l'initiation de Bruce, il ne faudra malheureusement pas compter sur cet épisode (ou alors via un DLC, mais ce n'est qu'un ensemble de défis). Les débuts de "relation" avec Gordon et (surtout) le Joker sont assez intéressants en soi, même si dans le cas du premier, cela aurait mérité à être mieux réalisée. Le caractère de Batman à cette période est assez intéressant, préférant se la jouer solo, mais pas très ouvert à toute coopération. Mais bon, niveau "Origins", peut mieux faire.
Et au niveau du scénar ? Après avoir raclé les tréfonds de la "Rogue gallery" de l'univers, Warner Games Montréal justifie leur apparition par la mise à prix de la tête de Batman, attirant par la suite les pires malfrats de Gotham. On se retrouve avec des méchants plus ou moins charismatiques (Deathstroke, Bane) et d'autres qui n'ont quasiment aucun intérêt (à mes yeux). Cela se ressent au final pas mal durant la première moitié de l'aventure, assez molle, à neutraliser un par un chacun de nos poursuivants sans ressentir la moindre pointe d'intérêt dans l'histoire.
Portant, ce dernier prend son envol et gagne en intensité durant la seconde moitié, lorsqu'on s'éloigne de cette chasse aux vilains, où l'aspect "Origins" du titre est plus mis en avant. Je n'en dirai pas trop pour éviter tout spoil, mais on se retrouve avec quelques scènes qui méritent le détour. Il est néanmoins dommage que le jeu mette autant de temps à le lancer, en plus d'une dernier partie que je trouve mal rythmé à mon goût. On sent le manque de talents (sans être trop péjoratif) de Warner Games dans ce domaine, par rapport à ce que nous a habitué Rocksteady. On sent aussi le manque de potentiel exploité, où on a l'impression qu'il y a encore place à plein d'autres scènes qui auraient méritées le détour. Dommage.
Ce manque de maitrise se ressent malheureusement sur plein d'autres points, la plupart du temps mineurs. Mais à la vue de l'accumulation de tous ces éléments, on ne peut pas s'empêcher de constater un certains manque de finition, que ce soit au niveau de certaines animations moins réussites, quelques bugs, des soucis d'IA qu'on pardonnent moins, de l'interface bien lourde... Les gadgets aussi sont moins intéressantes, pour ne pas dire incohérentes par moment (l'accélérateur de grappin, la grenade collante tirée de la grenade gelante). Les quêtes annexes sont un peu moins bien écrites, mais il faut dire que les méchants choisis pour Arkham Origins n'aident pas vraiment.
Le point le plus gênant étant les combats de boss. Encore mieux mis en scènes visuellement, moins convaincants niveau gameplay, parfois trop faciles, parfois bien hardcore (Bane, c'est toi que je vise). Mais au final, sur la multitude d'assassins que Batman se mettra sur le dos, seuls quelques uns mériteront un minimum d'intérêt.
Au niveau du contenu, nous avons enfin droit à Gothaaaaam City. Par rapport à Arkham City, nous avons accès à un quartier supplémentaire de la taille de la carte du précédent jeu. Arkham City est quant à lui présent, mais encore actif, et pas encore transformé en prison. Redécouvrir ce quartier avec l'ensemble des lieux iconiques a un côté assez grisant. Mais bon, en pratique, cela reste un peu du recyclage. Le plus gros reproche qu'on peut faire reste néanmoins L'ABSENCE TOTAL DE CIVILS (à part quelques malheureux qu'il faudra secourir aléatoirement par moment). Cela est certes plus ou moins justifié (et encore...) par l'état d'urgence et la recrudescence des criminels. Mais on ne peut pas s'empêcher d'avoir au final quelque chose d'aussi vide et peu vivant qu'Arkham City. Ce n'est pas ça qui va empêcher les gens de voir Arkham Origins comme un 1.5.
C'est d'autant plus dommage que le jeu est de qualité, et reste très plaisant à jouer. Quand on lit tout ce que je viens de dire précédemment, le jeu ne mériterait pas plus de 6. Mais Arkham City était déjà un jeu de GRAAANDE qualité, donc avoir une version un peu inférieur de ce dernier ne donne pas forcément un mauvais jeu. On retrouve la très grande majorité des points forts du précédent opus. On prend toujours son pied à incarner Batman, à planer de bâtiment en bâtiment, à tabasser les vilains en rythme et avec classe. La ville, le soir de Noël, est vraiment splendide à parcourir et l'ambiance visuelle et sonore sont au rendez-vous. Mention spéciale pour les cinématiques, bien plus nombreuses qu'avant, visuellement superbes, tout comme la mise en scène qui se retrouvent plus dynamiques, limite plus classes.
Au final, comment aborder ce Arkham Origins ? En tant que 3eme opus de la série "Arkham", on sent clairement que c'est un épisode pour se faire de l'argent. En tant qu'épisode sans la houlette de Rocksteady, Warner Games s'en tire pas si mal, même si au final la baisse de qualité est à peu prêt ce que l'on craignait. Et en tant que jeu en soit, cela reste un bon jeu, un bon Batman où j'ai quand même pris mon pied (ainsi que les bandits d'ailleurs). En tout cas, il serait dommage de le dénigrer, mais contrairement à un Asylum ou un City, il est loooiiiin (mais loooiiinnn) d'être indispensable.
Bref, c'est bien, mais pas top. Vivement le prochain Batman de Rocksteady.
(Un mot rapide sur le multi, bien que je n'y ai quasiment pas joué. Le principe : deux factions qui s'affrontent en TPS, et deux héros qui doivent éliminer un certains nombre de vilains dans le temps imparti. Pour faire rapide : quelques bonnes idées, mais pas grand chose à en retenir.)