Bat'out nase

Temps de jeu : 10 heures
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#10]

Disponible depuis le 17 novembre 2017 sur Nintendo Switch en format physique et dématérialisé, Batman – The Telltale Series est un jeu d’aventure narratif développé par Telltale Games et mettant en scène le fameux chevalier noir. Doublé en anglais et sous-titré en français, cette première saison comporte d’emblée les cinq épisodes qui la forment. Pour qu’un tel portage ait été possible, quelques compromis ont dû être réalisés, comme amoindrir les détails des textures ou des jeux de lumière. Si le titre souffrait de performances techniques médiocres à son lancement en 2016 sur PC et PS4 (la Xbox One avait été épargnée par les chutes de framerate), qu’en est-il sur la console hybride de Nintendo ? Portage réussi ou non, éléments de réponse dans le test ci-dessous.

La formule Bat-eau

Tout le monde ou presque connaît Batman et son histoire, véritable figure emblématique de la pop-culture. Bien plus sombre et torturé que nombre de ses compères, cet anti-héros a connu de nombreuses réécritures tout au long de sa carrière. Bien plus souples que chez Marvel (son concurrent principal), DC Comics n’hésite pas à détruire ses univers pour mieux les reconstruire, en attestent les nombreuses morts et fins du monde qui parsèment la chronologie officielle. Preuve supplémentaire s’il en est, Batman – The Telltale Series bénéficie d’un scénario inédit, opposant la chauve-souris à Lady Arkham, une toute nouvelle antagoniste. S’ils retrouveront bel et bien d’autres personnages plus classiques tels le Pingouin, Jim Gordon ou Catwoman, les fans assidus du justicier masqué remarqueront une écriture et des caractéristiques physiques sensiblement différents. Si le Joker se montre relativement décevant par rapport à ses précédentes itérations, Harvey Dent lui, bénéficie d’un développement bien plus touchant qu’à l’habitude.

Volonté première du studio, le joueur contrôlera autant Batou que le celui qui se cache derrière le costume, le multimilliardaire Bruce Wayne. Véritable confrontation de style, tant dans le caractère du personnage que dans son approche des situations, l’homme d’affaires n’a en effet jamais autant été mis en avant que dans ce jeu. Une double-personnalité qui n’est pas sans rappeler un autre titre de Telltales, Tales from the Borderlands, où les joueurs dirigeaient deux héros que tout opposait. Un pari plutôt réussi à l’époque, qui ne trouve malheureusement pas écho ici. Si le chevalier noir bénéficie de choix moraux importants et de scènes d’action fortes, Bruce Wayne est ici cantonné à un rôle de beau gosse blindés de billets. Non pas qu’il n’y ait aucune séquence bien écrite, mais juste qu’elles se font plus rares. Plus largement, c’est toute l’histoire qui semble inconsistante ; quelques idées et éclats parsèment l’aventure ici et là, mais en dehors des deux premiers épisodes, la mise en scène et la cohérence du récit s’affaissent au fur et à mesure que le scénario progresse.

Ah l’bâtarang !

Certains personnages disparaissent trop subitement, tandis que d’autres se remettent miraculeusement vite de leurs blessures. Pire encore, le combat final manque cruellement de punch et de crédibilité, à l’image du lancer d’un brancard de transport, lequel fauche une demi-douzaine d’ennemis tel un poids-lourd. Côté technique, Batman – The Telltale Series est victime du moteur vieillissant du studio. Les animations – toutes faites à la main – se montrent particulièrement rigides, à l’instar des transitions entre chaque plan, action ou scène. Comparé aux versions PS4 et PC, le framerate sur Nintendo Switch tient bon la plupart du temps. Plus soigné, le travail autour du son est encore une fois brillant ; à défaut de marquer les esprits, les musiques sont très agréables, tandis que les doublages anglais sont de haute volée. Malheureusement, la localisation française n’est pas exempte de reproches, particulièrement dans le cinquième épisode ; des phrases entières n’ont pas été traduites, d’autres ont des répétitions ou des mots manquants.

Reste que le titre est assez plaisant à observer, en dépit d’un rendu moins beau que sur les autres plates-formes. Avec un cell-shading simulant le visuel d’un comics et des environnements respectueux de l’univers, se balader dans Gotham et ses coins les plus obscurs est un petit émerveillement de chaque instant pour quiconque adore la franchise. Et le gameplay, qu’en est-il, hein ? Avec Telltale Games aux manettes, il ne fallait pas s’attendre à grand-chose : beaucoup de cinématiques, quelques choix ici et là qui n’influenceront pas la finalité du scénario, des QTE en guise de combats et deux énigmes du pauvre pour l’aspect point’n click. C’est désormais une habitude certes, mais avec Batman – The Telltale Series, le studio va encore plus loin dans la médiocrité de son game design. Plus basiques que jamais, les énigmes se révèlent d’une stupidité sans nom, tant elles n’opposent aucune résistance. Comme si, trop idiot pour imaginer des théories, le joueur se voyait souffler la réponse à chacun des puzzles.

Verdict : Non !

Quand bien même il dépeint à merveille la sombre Gotham et ses habitants, Batman – The Telltale Series est un échec sur bien des plans. Plus un film interactif qu’une réelle proposition vidéoludique, le titre se paie également une technique à la ramasse (la faute à un moteur maison vieillissant), un scénario qui s’essouffle dès le troisième épisode, une localisation bancale, des choix qui importent peu, un surplus ennuyeux de QTE et des phases point’n click idiotes à en pleurer. Fort heureusement pour lui, tout le pan sonore est de qualité, ainsi que le premier tiers de l’aventure. À noter que le mode portable supporte le tactile, en plus de rester lisible et de camoufler les compromis visuels. Reste que la rejouabilité inexistante et la durée de vie oscillant entre sept et huit heures ne jouent pas en sa faveur, et aussi plaisant puisse-t-il être pour les fans inconditionnels, Batman – The Telltale Series laissera un goût amer à ceux qui s’y seront aventurés. Alors pour un prix conseillé de quarante-cinq euros, mieux vaut lui tourner le dos.